Eglises d'Asie

LETTRE PASTORALE DE LA CONFERENCE EPISCOPALE DU VIETNAM SUR LA SANCTIFICATION DE LA FAMILLE, ADRESSEE AUX PRETRES, AUX RELIGIEUX, RELIGIEUSES ET A L’ENSEMBLE DES FIDELES

Publié le 18/03/2010




1. Nous, le cardinal, les archevêques, les évêques et les prêtres administrateurs apostoliques composant la Conférence épiscopale, réunie pour sa session annuelle à la capitale, Hanoi, nous vous envoyons, frères et soeurs, nos salutations et tous nos voeux de paix dans le Christ, Notre Seigneur.

Dans notre lettre commune de 2001, nous avions mentionné la famille comme un programme pastoral qui nécessiterait notre attention au cours du nouveau millénaire. Cette année, à la suite de l’appel lancé par le Saint Père, Jean-Paul II, dans l’exhortation apostolique “Familiaris consortio” (Les tâches de la famille dans le monde moderne, FC) parue en 1981, et dans la perspective de la rencontre internationale de la famille qui sera organisée à Manille au début de l’année prochaine, nous tenons à consacrer cette lettre aux thèmes du mariage et de la famille.

I – Situation actuelle du mariage et de la famille au Vietnam

2. Frères et soeurs bien-aimés,

Parlant de la famille vietnamienne, nous pensons immédiatement à l’ordre familial traditionnel si proche de la doctrine de notre foi. Celui-ci trouve son sommet dans “l’amour filial” (hiêu) et est donc tout disposé à accueillir la lumière de l’évangile ; le précepte commandant la vénération des parents se situe immé-diatement après les trois commandements concernant l’adoration de Dieu. La tradition familiale vietnamienne fait grand cas de la “fidélité” (Tin) et ainsi va de pair avec le sixième et neuvième commandement qui d’une façon générale visent à protéger le mariage monogame et indissoluble. La famille traditionnelle fait vivre les grands parents, les parents, les enfants et les petits enfants dans “le consentement et la concorde dans l’intimité d’un même toit. Un tel climat est un milieu naturel propice au développement de la foi, particu-lièrement lorsque celle-ci appelle Dieu, Père, et considère tous les hommes comme des frères. La famille traditionnelle vit dans la solidarité aux autres familles, dans un esprit de bon voisinage, communiant par la prière aussi bien dans les moments de joie que de tristesse, illustrant concrètement et admirablement l’esprit de fraternité chrétienne. C’est pour cela que l’Eglise, même si, par ailleurs, elle est définie comme le “Peuple de Dieu le “Corps du Christ” est généralement présentée par les Vietnamiens comme une famille.

3. Pourtant, cette si belle image de la famille Vietnamienne court le risque aujourd’hui de s’estomper peu à peu. Les causes les plus évidentes de cet effacement sont l’indus-trialisation et l’urbanisation. Ces deux processus, certes, apportent un abondant bien-être à la société comme le confort matériel et un haut niveau de civilisation ; mais en même temps ils entraînent avec eux le bouleversement des activités familiales. Leur influence transforme l’ordre familial traditionnel, entraîne certaines personnes vers la jouissance égoïste, plus encore, les pousse vers une façon de vivre relâchée et débauchée, et, par suite, multiplie les cas de divorces, provoque la baisse de la conscience de la dignité de la vie.

Associée aux deux phénomènes précédents, il faut noter une forte migration de la population vers les grandes villes, à la recherche d’emplois. Celle-ci a pour conséquence un type de vie familiale qui éloigne les parents de leurs enfants et ne leur permet pas de s’occuper suffisamment de leur éducation de base. Un certain nombre de jeunes enfants doivent quitter leurs familles pour aller travailler au loin, proies toute indiquées pour tous ceux qui exploitent la force de travail, victimes faciles des fléaux sociaux comme la drogue. Ces enfants tombent souvent dans des situations où la dignité humaine est méprisée. Nombre d’entre eux sont contraints à vivre sur les trottoirs des villes dans l’errance.

En outre, le rapide et multiforme développement des moyens de communication sociale s’il permet d’obtenir rapidement des informations utiles et contribue au progrès humain, est, en même temps, à l’origine de l’introduction de manières de vivre contraires à l’éthique et portant tort à la morale familiale comme la liberté sexuelle, la vie commune sans mariage, le recours facile à la violence…

II – Le mariage et la famille à la lumière de la révélation

4. La situation décrite ci-dessus nous incite à considérer la vie dans le mariage et dans la famille à la lumière de la révélation, de l’amour créateur et sauveur de Dieu.

Le mariage

L’homme est l’image du Dieu d’amour (1Jn 4, 8). Si la nature de Dieu est l’amour et qu’il a créé l’homme à son image (Gn 1, 26), la nature de l’homme ressemble à celle de Dieu ; elle est amour. Ce n’est que lorsqu’il aime et est aimé, que l’homme obtient le bonheur et parvient à l’objectif de sa vie.

Dieu a créé l’être humain, homme et femme. L’un et l’autre sont à l’image de Dieu (Gn 1, 27). Ainsi de par sa nature, l’homme a un caractère social et est l’image de l’amour de communion qui unit les trois personnes divines.

Ainsi fondé, tout amour authentique entre êtres humains ne peut s’orienter que vers cette communion exemplaire. L’amour dans le mariage et dans la famille apporte avec lui le bonheur. En effet, il rend l’homme participant de l’amour trinitaire, d’une façon concrète et dès ici-bas.

5. L’amour entre Dieu et l’homme dans l’histoire du salut s’est exprimé dans la notion d’alliance, un signe manifestant la relation unissant Dieu à son peuple. C’est un lien d’amour profond, intense que de nombreuses pages de l’Ecriture Sainte ont décrit à travers des images empruntées à l’amour conjugal.

Cette alliance est parvenue son accomplissement dans le mystère de l’incarnation rédemptrice. En Jésus, l’amour de Dieu à l’égard de l’humanité s’est manifesté en plénitude. Dieu a aimé l’humanité à ce point qu’il s’est offert lui-même en son fils unique, Jésus-Christ (Jn 3, 16). Dieu a aimé tellement qu’il a pris la nature humaine, qu’il s’est abaissé, s’est mis au service de l’homme, qu’il s’est offert pour lui en mourant sur la croix.

Le sacrement du mariage est l’image de l’amour de Dieu pour l’humanité, d’une façon générale, mais plus particulièrement pour son Eglise. Comme le Christ a aimé son Eglise, c’est ainsi que dans le mariage, les partenaires sont appelés à s’offrir, à se sacrifier l’un a l’autre, à s’oublier eux-mêmes et à se servir mutuellement.

La famille

6. En outre, selon le dessein de Dieu, le mariage est le fondement d’une communauté plus large, la famille. Par le mariage, les deux partenaires du couple deviennent des parents, recevant de Dieu des enfants comme des dons. Lorsque les parents aiment leurs enfants, ils deviennent les signes visibles de l’amour de Dieu pour les hommes. Lorsque les parents prennent soin de leurs enfants, ils fondent une communauté où les personnes entrent en communion. Cette communion intime de la famille chrétienne est l’image de la communion entre les personnes divines : s’aimer mutuellement dans l’unité, mais garder un respect total de la différence entre personnes.

C’est pour cela qu’au sein de la vie du couple et de la famille, l’ensemble des relations interpersonnelles, comme l’amour entre mari et femme, l’amour parental, la piété filiale, l’amour fraternel sont liés ensemble et, grâce à cela, chaque personne est conduite à s’insérer à l’intérieur de la “famille humaine” et de la “famille divine” qui est l’Eglise (FC, n° 15).

III – Des moyens concrets et efficaces

7. Nous savons, frères et soeurs que vous multipliez les efforts pour surmonter les difficultés de la vie et conserver les caractères propres de la famille chrétienne, conforme au modèle de la communion des trois personnes divines. Cependant pour que les familles puissent éviter les dangers qui la guettent, en même temps, pour qu’elles ne cessent de se fortifier, de progresser et de se rapprocher de l’image idéale que le Seigneur désire pour elle, il est nécessaire que chaque membre du peuple de Dieu fasse un effort et apporte sa contribution.

Les responsables

Nous avons choisi le mariage et la famille comme les objectifs prioritaires du programme pastoral pour l’année 2003.

Concrètement, il convient que chaque diocèse établisse un Bureau pastoral du mariage et de la famille.

Les paroisses auront à coeur d’organiser des sessions d’études sur le mariage et la famille, qui s’appuient sur l’exhortation apostolique “Familiaris consortio” du Saint-Père Jean-Paul II.

Pour que ces sessions aient de bons résultats, il importe de préparer un programme d’instruction religieuse sur le mariage et la famille, de former des effectifs de catéchistes solides, de solliciter la contribution des fidèles ayant des compétences et une expérience dans les domaines de la psychologie, la sociologie, le droit, l’administration, la médecine.

Que la Commission pastorale de la paroisse comporte une section spécialisée dans la famille, à laquelle collaboreront les “mouvements Elle se souciera de la situation des familles dans les quartiers, plus particulièrement des familles pauvres, désunies, séparées, afin de les aider de leur mieux et au moment opportun.

Le jour des fêtes familiales, aux anniversaires de mariage, des échanges entre famille seront très utiles, s’il est possible de les préparer avec soin et dans un esprit de prière et d’approfondissement.

Les familles

8. Cependant, la pastorale familiale ne portera vraiment des résultats que lorsque les familles auront pris conscience de sa nécessité, qu’elles participeront positivement aux programmes d’études et surtout, lorsque, de leur propre initiative, elle renouvelleront leur propre vie familiale en se changeant elles-mêmes.

La famille est un berceau. Elle est la première école, le lieu où les enfants grandissent corporellement et spirituellement, où ils reçoivent un enseignement donné non seulement en parole mais par l’exemple de la vie. C’est pourquoi, les parents ne se soucient pas seulement de faire baptiser leurs enfants, mais se préoccupent aussi de faire grandir leur foi dans un climat familial imprégné d’amour de Dieu et du prochain. On devra inviter les enfants à faire grand cas de la solidarité dans les relations qui unissent les membres de la grande famille.

Pour que les enfants progressent en tout point, les parents auront à coeur de veiller à la santé morale de leurs enfants en surveillant leurs livres et journaux, les films qu’ils regardent, les amis qu’ils fréquentent.

Une famille chrétienne authentique ne peut jeter un voile sur sa vie privée, mais doit l’ouvrir largement et engager des relations avec les familles du voisinage, dans l’amour, l’échange d’expérience, le souci d’aider les autres et de contribuer au développement d’une civilisation de l’amour.

Conclusion

9. “L’avenir de l’humanité passe par la famille” (FC, n° 86). C’est pourquoi, tous les responsables et toutes les personnes de bonne volonté doivent s’efforcer de protéger et de faire progresser les valeurs de la vie familiale. Quelles que soient les obscurités qui voilent en partie le rayonnement des valeurs du mariage et de la famille, quelles que soient les difficultés auxquelles elles sont affrontées, les chrétiens sont invités à mettre leur assurance en la puissance de Dieu pour “devenir des messagers annonçant la bonne nouvelle au sujet de la famille” pour le monde d’aujourd’hui, et, pour que “les familles chrétiennes deviennent une bonne nouvelle pour le troisième millénaire 

Avant de terminer, contemplons la Sainte famille de Nazareth, comme le modèle et le miroir de toutes les familles chrétiennes. La Sainte famille a vécu dans l’humilité, la pauvreté, a subi les épreuves, la persécution, l’exil, mais elle a tout surmonté grâce à son esprit d’abandon à Dieu. Que la sainte Famille protège et aide nos familles. Nous la prions :

10. “Membres de la Sainte Famille, modèle d’une vie sainte, juste et aimante, nous vous prions pour que nos familles deviennent des lieux de formation à la vertu dans la concorde, le service et la prière. Donnez-nous d’édifier une famille qui soit un lieu de consolation en cette vie pleine d’épreuves. Donnez-nous de faire en sorte que chacun des membres de notre famille progresse et contribue ainsi au développement social et à l’édification de l’Eglise 

“Membres de la Sainte Famille, soyez toujours présents, tous les trois, dans notre famille, dans la tristesse comme dans la joie, durant le travail comme pendant les loisirs, lorsque nous sommes angoissés comme lorsque nous espérons, au moment des naissances comme au moment des morts, afin que, après avoir traversé les épreuves de cette vie, nous ne cessions de louer Dieu jusqu’au jour où nous seront réunis à vous dans le royaume des cieux 

Hanoi, le 11 octobre 2002

Pour la Conférence épiscopale du Vietnam

Mgr Paul Nguyên Van Hoa, Président

Mgr Pierre Nguyên Soan, secrétaire général