Eglises d'Asie

Une grande partie de l’opinion indienne soutient les minorités religieuses dans leur lutte contre l’adoption de l’ordonnance du Tamil Nadu sur les conversions

Publié le 18/03/2010




Une immense manifestation de quelque 100 000 personnes, animée et conduite par des chrétiens, a traversé, le 24 octobre, la capitale du Tamil Nadu, Chennai (Madras), pour protester contre la mise en application de l’ordonnance contre les conversions promulguée par les autorités de l’Etat, le 5 octobre dernier (1). On pouvait y voir des évêques, des prêtres, des religieuses, associés à des musulmans et à des Hindous de basse caste. Le même jour, l’ensemble des établissements éducatifs de l’Etat, tenus par les chrétiens et les musulmans, avaient fermé leur portes en signe de refus de la nouvelle ordonnance, malgré un arrêt de la Haute Cour de l’Etat stipulant que les écoles fermées ce jour-là s’exposaient à des sanctions légales.

La date de la manifestation avait été choisie pour correspondre avec le début de la session de l’Assemblée législative qui va devoir se prononcer, le 30 octobre, sur l’adoption ou sur le rejet de l’ordonnance prohibant les conversions forcées. En effet, jusqu’à présent, celle-ci a été promulguée comme une mesure temporaire proposée par le gouvernement. Elle a effet de loi mais doit dans un délai prescrit être soumise aux votes des représentants du peuple avant de se transformer en loi. Un des organisateurs de la manifestation, le dirigeant de l’opposition, Muthuvel Karunanidhi, ancien ministre président de l’Etat, est résolu à faire retirer cette ordonnance. Il a déclaré aux manifestants : “Le gouvernement de l’Etat sera forcé de retirer cette loi qui brime les pauvres et les dalits”.

Les protestataires ont précisé les motifs de leur refus de l’ordonnance du 5 octobre. Cette dernière, selon eux, a été établie en violation de la liberté religieuse, non pas parce qu’elle interdit les conversions effectuées “directement ou autrement en usant de “la force de “la séduction” ou “d’autre moyen frauduleux mais parce que les termes employés sont définis d’une manière exagérément générale. La “séduction” selon le texte de l’ordonnance consiste dans l’action d’offrir des cadeaux, des gratifications en espèces ou en nature, ou d’obtenir pour le converti un bénéfice matériel, monétaire ou autre. La force condamnée par l’ordonnance inclut la démonstration de force ou la menace d’un quelconque tort, ou encore la menace d’un châtiment divin.

Lors de la manifestation de Chennai, beaucoup d’intervenants ont souligné les arrières pensées des auteurs de l’ordonnance, en particulier, leur intention de plaire aux partis politiques pro-hindous de la coalition politique qui détient aujourd’hui le pouvoir fédéral. D’autres, comme Annama K. Philip, président de la Commission des minorités, ont fait remarquer qu’aucune urgence n’avait commandé la promulgation de cette ordonnance et aucune statistique ne prouve qu’il y a aujourd’hui une multiplication des conversions. Mgr Marianus Arokiasamy, évêque de Madurai a estimé, lui aussi que cette loi n’était ni désirée, ni justifiée par la situation. Mgr Arul Das James, archevêque de Madras-Mylapore et président du Conseil des évêques du Tamil Nadu a déploré que la promulgation de l’ordonnance n’ait été précédée d’aucune consultation des responsables religieux de l’Etat.

En fait, dès avant la manifestation de Chennai, l’ensemble de la presse indienne avait relayé et appuyé les protestations officielles exprimées par la Conférence épiscopale de l’Inde et le Conseil national des Eglises, soulignant le possible mauvais usage de cette loi par des autorités malveillantes. Malgré cela, le ministre président du Tamil Nadu, Mme Jayaram Jayalalitha, a déclaré qu’elle ne remettrait pas en question cette ordonnance ; elle s’est contentée de préciser aux délégations des minorités religieuses venues lui apporter leurs plaintes que cette loi s’était avérée nécessaire en raison de l’augmentation préoccupante des conversions.