Eglises d'Asie

L’EGLISE CATHOLIQUE EN MONGOLIE : UN SERVICE MISSIONNAIRE POUR UN PAYS NEUF

Publié le 18/03/2010




Les catholiques mongols fêtent « le Bon Pasteur »

Le cardinal Crescenzio Sepe, préfet de la Congrégation pour l’Evangélisation des Peuples est venu spécialement du Vatican à Oulan-Bator le 10 juillet pour célébrer le dixième anniversaire du commencement historique de l’évangélisa-tion de la Mongolie par l’Eglise catholique. Sa présence souriante et ses poignées de main fraternelles avec tout le monde ont clairement montré qu’il était très à l’aise avec les missionnaires comme avec les Mongols. Il a transmis avec chaleur l’amitié du Saint Père, qui a soutenu dès le début cette nouvelle mission mongole avec beaucoup d’intérêt et de sympathie. Tout le monde a réagi gentiment quand le cardinal s’est exprimé avec quelques difficultés dans les quelques phrases en mongol, qu’il répétait depuis son départ de Rome et quand à un moment personne n’a réagi parce que personne n’avait compris, il leva la tête et dit en plaisantant « Peut-être n’avez-vous pas encore appris cette phrase-là ! »

L’archevêque Giovanni Battista Morandini, le nonce apostolique en Mongolie, était venu de Séoul, accompagné par un évêque italien. La Congrégation du Cour Immaculé de Marie (CICM), celle du Cour Immaculé de Marie (ICM), les responsables Salésiens et de nombreux visiteurs étaient venus de loin pour se joindre aux 35 missionnaires de sept congrégations différentes qui ouvraient dans la petite communauté catholique mongole d’Oulan-Bator. Ce fut une fête mémorable !

Le 7 juillet, deux prêtres et un diacre furent ordonnés au cours d’une cérémonie qui dura trois heures et à laquelle assistèrent plus de 300 personnes. Elle eut lieu dans un salon loué spécialement de l’Hôtel Oulan-Bator, avec pour thème central « le Bon Pasteur Il était très émouvant de voir un catholique mongol lire cette parabole de l’Evangile, qui a pour les Mongols un sens très fort. Etant des bergers, ils passent leur vie à protéger leurs moutons des loups. Il était aussi très émouvant d’entendre des petits garçons et des petites filles mongols, habillés d’uniformes simples, chanter pendant l’Eucharistie. Il n’y avait pas si longtemps, ils traînaient encore dans les rues d’Oulan-Bator, de jour comme de nuit, certains fumant et buvant. Maintenant, quelques uns étaient devenus catholiques et tous chantaient avec ferveur des hymnes catholiques mongols. Ils avaient rencontré « le Bon Pasteur » !

D’autres célébrations identiques eurent lieu les jours suivants : la première messe d’un prêtre salésien du Vietnam récemment ordonné et la première messe d’un prêtre CICM congolais, également récemment ordonné, assisté par un confrère diacre congolais. Alors que ces jeunes missionnaires s’exprimaient dans leur meilleur mongol, on pouvait voir l’assistance qui les écoutait, les comprenait et répondait à leur message chrétien. Les nouveaux catholiques mongols, ainsi que des catéchumènes mongols, encore plus nombreux vinrent après la messe s’agenouiller devant les jeunes prêtres pour recevoir leur bénédiction.

La semence de l’Evangile semée en Mongolie il y a 1 500 ans pousse-t-elle enfin aujourd’hui ?

En octobre 1991, après que le représentant officiel du Vatican, établi à Hongkong, Mgr Jean-Paul Gobet eût préparé la partie diplomatique des relations avec le gouvernement mongol (au nom du Saint-Siège), j’ai été chargé par notre supérieur général CICM et par le Saint-Siège de venir explorer les possibilités d’un travail missionnaire à Oulan-Bator.

Maintenant, plus de dix ans après, j’ai été particulièrement ému en assistant à ces célébrations et en voyant que dans ce même salon, qui, dix ans plus tôt servait de restaurant où je prenais mes repas, alors que je préparais la mission mongole, nous nous réunissions à plus de 300 personnes pour célébrer l’Eucharistie. Les catholiques mongols s’approchaient pour recevoir la Sainte Communion et de nombreux catéchumènes les suivaient pour demander avec ferveur d’être bénis. Je me demande donc s’il se peut que la semence, d’abord semée par les nestoriens au VIIe siècle, mais qui n’a pas survécu, suivie de celle que semèrent les franciscains Guillaume de Rubrouck et John Plano de Carpini au Ve siècle et qui ne leva pas non plus, n’a pas finalement, après près de 1 500 ans, trouvé un sol favorable où se développer et permettre à une communauté catholique mongole durable de croître dans cet immense pays de culture et de traditions anciennes hautement respectables ?

Le dixième anniversaire fut célébré le 10 juillet par une grand messe, présidée par le cardinal Sepe et dans la soirée, par une cérémonie où étaient présents les membres du gouvernement et toutes les personnes qui avaient soutenu l’Eglise avec tant de force. Des présents furent offerts aux plus méritants. J’ai été impressionné du soutien que l’Eglise avait reçu dans ce pays. Avoir établi de si bonnes relations avec le gouvernement, tout en luttant pour démarrer une minuscule communauté catholique est un réel succès de la jeune communauté catholique. Une bonne raison pour une telle cérémonie.

De la réponse du Khan Mongol aucun intérêt à l’invitation de la République mongole

Le travail d’évangélisation chez les Mongols a été particulièrement difficile. Et pourtant les relations entre l’Eglise catholique et la Mongolie, de même que la façon dont la mission a finalement démarré sont uniques. Il n’y avait pas de communauté catholique à Oulan-Bator avant que l’actuelle mission ne commence en 1992. Des tentatives furent faites par les nestoriens dès le VIIe siècle. L’Eglise qu’ils établirent comptait une communauté beaucoup plus important qu’aucun de nous ne pourrait imaginer aujourd’hui, mais elle disparût pratiquement au XIVe siècle.

De la même façon, les franciscains envoyés par les papes au XIIIe siècle échouèrent dans leur tentative de créer une communauté catholique mongole durable. Le diocèse catholique mongol de Khambalic (Pékin) établi par l’archevêque franciscain Joannes de Monte Corvino sous la dynastie mongole des Yuan, en 1307, fut dissout en 1410. Les pères Jésuites Ferdinand Verbiest, Francesco Maria Grimaldi, Jean François Gerbillon et Dominique Parennin ont eu des contacts avec des Mongols de la Mongolie Intérieure aux XVIIe et XVIIIe siècles, alors qu’ils accompagnaient l’Empereur dans ses voyages. Ils laissèrent d’importantes études et même un dictionnaire mongol, attribué à Louis Marie Lamiot (1767-1831) ; mais ils ne firent aucune conversion.

Quand les lazaristes laissèrent la mission mongole aux CICM (les ‘Scheutistes’) en décembre 1864, il y avait 6 282 catholiques chinois. Mais, en dépit des efforts héroïques déployés par Monseigneur Mouly, par les PP. Huc et Gabet et leurs confrères, il n’y eut pas de communauté catholique mongole. Ils convertirent, néanmoins, trois lamas, dont l’un devint le premier prêtre catholique mongol de l’histoire : le prêtre lazariste Peter Feng (Tchinggeldjab) Après que les missionnaires CICM eurent finalement réussi à créer une communauté catholique mongole durable à Poro Balgason (Mongolie intérieure) à la fin du XIXe siècle, le Saint-Siège demanda à la CICM d’envoyer des missionnaires à Urga (Oulan-Bator). Ils n’y parvinrent jamais à cause d’une révolte qui mit fin à l’indépendance de la Mongolie Extérieure vis à vis de la Chine en 1924. Et de cette date à 1990, la Mongolie Extérieure est restée sous le contrôle communiste de l’Union Soviétique, sans aucun espoir d’évangélisation. En mars 1991, des diplomates mongols vinrent au Saint-Siège demander l’établissement de relations diplomatiques et prirent l’initiative d’inviter des missionnaires à venir en Mongolie. Ce geste était unique et j’en reçus l’explication en venant à Oulan-Bator préparer la première mission catholique en octobre de la même année.

Arrivant, via Moscou, à Oulan-Bator, j’ai rencontré D. Ddorligjav, Vice-Premier ministre, alors âgée de 29 ans. Il m’expliqua que la Mongolie avait accepté, avant l’emprise de l’Union soviétique, le bouddhisme lamaïste comme religion d’Etat. Mais voulant créer une république démocratique avec la liberté religieuse et souhaitant offrir aux citoyens mongols la chance d’adopter une autre religion, ils invitaient des missionnaires catholiques à venir prêcher l’Evangile. Il me conseilla sagement, toutefois, de demander aux missionnaires de n’être pas trop agressifs dans leur prédication, car le peuple mongol était resté attaché à une tradition d’athéisme ou de Bouddhisme.

« Deuxièmement, me dit-il, nous espérons que les missionnaires et leur communauté d’Eglise aideront également à la reconstruction du pays Intention tout à fait remarquable et, en fait, unique et contrastant singulièrement avec tout l’historique des relations entre l’Eglise catholique et les Mongols depuis le Moyen Age. Quand le franciscain Guillaume de Rubruck et plusieurs autres envoyés des papes approchèrent successivement les Khans mongols pour introduire la religion chrétienne chez eux, ils reçurent comme réponse : « aucun intérêt Maintenant une invitation spontanée était faite aux missionnaires par le gouvernement mongol.

L’Eglise tient sa promesse

Alors que les cérémonies du 10e anniversaire se déroulaient, je me remémorais, de temps à autre, ma première visite et pensais en moi-même « le ministre Dorligjav devrait être satisfait de voir que l’Eglise a tenu sa promesse Après dix ans, 135 Mongols convertis étaient loin d’être une foule et sûrement pas le résultat d’un « travail missionnaire agressif Cependant, durant la célébration eucharistique, on avait le sentiment d’une foi vraie et, ensemble avec les catholiques, il y avait encore plus de catéchumènes qui participaient.

Ce qui est également et même plus important, c’est la proclamation de la « Bonne Nouvelle » dans toutes les activités sociales assurées par l’Eglise. Huit ans auparavant, les missionnaires CICM avaient remarqué que beaucoup d’enfants sans foyer erraient dans les rues d’Oulan-Bator de jour et de nuit. Les missionnaires commencèrent par leur apporter de la nourriture et des vêtements. Puis, ils leur donnèrent un abri. Maintenant, il y a un Centre Verbiest de soin pour enfants, où 120 de ces enfants sont recueillis et y vivent. Ils vont à l’école et se préparent à devenir de bons citoyens, qui contribueront à construire leur société.

Alors que nous allions un jour en voiture à la mission, le prêtre CICM Gilbert Sales me dit : « Il y a huit ans, les trois jeunes filles qui sont assises à l’arrière avaient dix ans et traînaient dans les rues en buvant et en fumant. Maintenant, ce sont de jeunes catholiques qui commencent leurs études universitaires cet automne Vraiment impressionnant !

Les sours Missionnaires de la Charité ont commencé par construire un puits près de l’endroit où elles vivaient. Les gens partageaient leur eau, rencontraient les sours, s’impliquaient dans la communauté, s’occupaient des enfants, etc.

Les sours du Cour Immaculé de Marie ont des projets semblables. Les Pères salésiens ont récemment commencé une école technique. Un prêtre coréen dirige une ferme. Toutes ces réalisations sont la traduction de l’attention apportée par l’Eglise catholique à la Mongolie au nom de l’Evangile. Elles prêchent le Christ mieux que le mongol chaotique que parlent encore certains missionnaires. Elles sont aussi la réponse pratique au souhait du gouvernement, aux besoins des gens et à la promesse de l’Eglise.

Le temps pour la réflexion et le discernement

Il me semble que le temps de la célébration est aussi, en fait, un temps qui appelle à la réflexion et au dialogue. Comme membre de la Congrégation du Cour Immaculé de Marie, je me souviens que le début de la mission mongole, avec le manque de missionnaires que nous connaissions alors, n’était pas chose aisée. Construire « une solide équipe de pionniers » n’était ni évident ni facile.

De plus, après le Concile Vatican II, nous nous posions la question : allions-nous en Mongolie « pour établir l’Eglise » ou pour prêcher aux Mongols, en paroles et en actes, le Royaume des Cieux, en leur apportant un témoignage concret de l’amour de Dieu pour les pauvres ? L’accent n’est pas le même dans les deux cas.

Les deux façons de voir ne s’excluent pas l’une l’autre, évidemment. On pouvait aussi se demander quelle sorte d’Eglise nous voulions apporter en Mongolie ? Davantage l’Eglise institutionnelle, davantage l’Eglise sacramentelle, ou l’Eglise du clergé, ou l’Eglise servante des pauvres ? Probablement le mieux était un mélange de tous ces aspects, avec un accent fort sur l’Eglise servante.

La question est claire pour chaque missionnaire, mais dans la pratique de tous les jours, les intentions perdent de leur netteté. Je me souviens que la décision de construire un nouveau bâtiment, qui est aujourd’hui le Centre missionnaire d’Oulan-Bator, était particulièrement difficile. Elle posait tout d’abord un problème financier majeur, que la mission n’aurait pu surmonter sans l’aide supplémentaire de nos magiciens financiers de la Congrégation. Mais le projet concernait également toute la question de l’image que l’Eglise souhaitait donner d’elle-même en Mongolie et nous ferions bien, même aujourd’hui de conserver cette question présente à l’esprit.

Néanmoins, à travers toutes les activités lancées par les sept communautés missionnaires, chacune touchant les soins aux pauvres ou l’éducation des jeunes, l’Eglise catholique mongole apparaît comme une véritable petite communauté chrétienne, tournée tout particulièrement vers les jeunes et les gens dans le besoin. Rendons grâce pour cette présence impressionnante du Royaume d’amour du Christ dans cet ancien pays de Mongolie.

Le défi : honorer l’héritage mongol de la Congrégation et réussir à le traduire dans le langage d’aujourd’hui

Beaucoup de gens ignorent que de l’autre côté de la frontière de la République Populaire de Chine se trouve une communauté de 2 000 catholiques d’ethnie mongole conduite par un évêque mongol et située dans la région de Poro Balgason, au sud de l’Ordos, délimitée par la grande courbe du Huang He (le Fleuve Jaune). Cette communauté est le fruit des efforts missionnaires de la Congrégation du Cour Immaculé de Marie en Mongolie Intérieure aux XIXe et XXe siècles.

Les contacts entre les deux communautés mongoles (en Chine et en Mongolie) ne sont pas possibles pour des raisons politiques et historiques. Elles parlent toutes deux la même langue, bien qu’avec quelques différences, mais, alors que la République Populaire Mongole a, sous l’influence russe, abandonné son écriture mongole et appris à écrire en cyrillique, les Mongols en Chine ont conservé la vieille écriture mongole. Ce qui les éloigne, voire leur cause un préjudice. Mais ce n’est pas une raison pour oublier les catholiques mongols en Chine !

Durant les XIXe et XXe siècles, quelques missionnaires de la Congrégation devinrent des spécialistes de la Mongolie, experts dans la langue et la culture mongoles en Mongolie intérieure (Chine). L’un d’eux était Antoine Mostaert, qui est aimé et hautement apprécié pour ses recherches par les spécialistes de la Mongolie et tout le peuple mongol.

Quand je suis arrivé à Oulan-Bator, comme un parfait étranger en octobre 1991, je me suis simplement rendu à l’Université et à l’Académie des Sciences Sociales et je me suis fait connaître comme « un membre de la même congrégation missionnaire que celle à laquelle appartenait Antoine Mostaert 

Cela leur a suffi pour que je passe pour un de leurs vieux amis. Immédiatement, le professeur Bira, secrétaire général de l’Association internationale des Etudes mongoles m’a dit « Vous devriez organiser un symposium, ici à Oulan-Bator, pour faire mieux connaître aux universitaires mongols d’Oulan-Bator les recherches faites sur la langue et la culture mongoles par les missionnaires de la Congrégation 

La proposition faite en 1991 sera finalement réalisée en 2003. L’Institut de Louvain pour les Etudes sino-mongoles, dirigé par le frère CICM Patrick Taveirne et soutenu par la Fondation Verbiest de Liège en Belgique organisera ce symposium pour faire connaître les travaux des spécialistes CICM de la Mongolie, comme Antoine Mostaert, Louis Schram, Henry Serruys, Albert De Smedt, Jan Theo Braam, Jozef Van Oost, Florent Clayes, Joseph Kler et Jozef Van Hecken.

De nouveaux missionnaires peuvent ne pas être capables d’égaler dans leurs recherches ces missionnaires formés sur le terrain, mais cela peut ne pas être nécessaire. Les études mongoles actuelles explorent des domaines différents. Ce qui est important c’est que nous honorions leur héritage, que nous le fassions connaître aux Mongols d’aujourd’hui et que nous prenions exemple de leur charisme missionnaire. La nouvelle génération de missionnaires trouvera sa propre voie pour apprécier la culture et la société mongoles.

Ce précieux vieil héritage mongol de la Congrégation nous pousse à aller au-delà de ce que l’Eglise en Mongolie est en train de faire, et même au-delà de ce que les missionnaires ont fait dans le passé : porter attention au bien-être des gens et à l’éducation des jeunes, en trouvant la façon de traiter avec respect la langue et la culture mongoles et les besoins de la société mongole d’aujourd’hui.

D’un point de vue extérieur, mais avec la préoccupation personnelle de la mission mongole, je ne peux que me demander : est-ce que l’enseignement du social par l’Eglise, avec ses aspects particuliers sur la dignité de la personne humaine, les droits de l’homme et sa liberté, etc. ne serait pas le nouveau don que les missionnaires modernes apporteraient à la société mongole ? Il les ferait pénétrer au plus profond d’une recherche conjointe avec le peuple mongol des valeurs et du sens de la vie. Il provoquerait une réflexion encore plus poussée sur l’amour du Royaume de Dieu.

Oulan-Bator, nouveau siège apostolique avec une nouvelle mission

A l’occasion de ce dixième anniversaire, le cardinal Sepe a élevé la nouvelle mission catholique d’Oulan-Bator au statut de préfecture apostolique, avec Mgr Wenceslao Padilla (CICM) comme premier préfet apostolique.

Cela a été le moment fort de la cérémonie et la reconnaissance du travail fait jusque là. La Congrégation qui a fondé cette mission et à qui la nouvelle préfecture était confiée peut encore la porter beaucoup plus haut, en développant cette nouvelle nature d’effort : promouvoir la dignité de la personne humaine. Ce serait la plus belle façon d’honorer son héritage mongol.