Eglises d'Asie

Mouvement de protestation des chrétiens japonais contre la restriction de la liberté religieuse en cas de guerre

Publié le 18/03/2010




Au mois d’octobre dernier, le gouvernement japonais a convoqué la Diète, le parlement du pays, pour une session extraordinaire afin de discuter de trois projets de loi concernant les droits et la protection des populations ainsi que le rôle des Forces d’Autodéfense en cas d’urgence, et plus spécifiquement en cas de guerre. Si ces projets de loi étaient votés, le gouvernement aurait la possibilité, en cas de guerre, de limiter les libertés individuelles et pourrait faire usage des biens des institutions religieuses. Face aux protestations soulevées tant au sein de l’opposition que dans la presse et parmi les communautés religieuses, le gouvernement a fait marche arrière et a annoncé que les projets de loi ne seront discutés qu’en décembre prochain, lors de la prochaine session ordinaire de la Diète.

La mise à l’ordre du jour de tels projets de loi s’inscrit dans le contexte créé par les incertitudes nées de l’évolution de la Corée du Nord ainsi que la guerre que les Etats-Unis ont déclaré au terrorisme. La capacité de réaction militaire du Japon est devenue le sujet d’un débat public et l’envoi récent – une première – de navires de guerre des Forces navales d’autodéfense dans l’Océan Indien pour participer à la lutte anti-terroriste a relancé le débat sur la nécessité ou non d’une réforme de la Constitution, qui interdit le recours à la force militaire dans les affaires internationales du pays.

Parmi les protestations les plus vives à ces projets de loi, les Eglises chrétiennes ont clairement fait entendre leurs voix. Pour le Conseil national des Eglises (chrétiennes), il s’agit de choisir “entre devoir composer avec les forces de guerre ou devoir les arrêter”. Dès le mois de juillet dernier, date à laquelle le secrétaire général du gouvernement, Fukuda Yasuo, avait déclaré devant une commission de la Diète que le gouvernement envisageait de promulguer des textes limitant les libertés de pensée, de conscience et de religion, le Conseil s’était engagé à “ne pas cesser de travailler” jusqu’à ce que cette législation controversée soit “complètement abandonnée ».

De son côté, le cardinal Peter Seiichi Shirayanagi, en sa qualité de président de l’Association des Eglises chrétiennes du Japon, a protesté auprès du Premier ministre, Koizumi Junichiro, et de Fukuda Yasuo. Dans une lettre datée du 20 août, le cardinal, ancien archevêque de Tokyo, affirmait que ces propositions constituaient des violations des droits fondamentaux de l’homme, tels que garantis par la Constitution du Japon. “Utiliser des lieux de prière dans un but militaire, a écrit le cardinal, est une grave attaque portée contre la religion et une violation que nous ne pouvons pas tolérer de l’article 20 de la Constitution». L’article 20, en effet, garantit la liberté religieuse.

Le 1er août, Kimura Kenzo, secrétaire général de la Commission ‘Justice et paix’ de la Conférence des évêques catholiques du Japon, avait fait parvenir un message à Fukuda Yasuo dans lequel il appelait à se souvenir de l’expérience passée du Japon en guerre. De nombreux pays d’Asie ont beaucoup souffert sous l’occupation militaire japonaise au cours de la deuxième guerre mondiale, comme auparavant déjà au temps de l’empire colonial nippon, rappelait-il.

Du début de la guerre sino-japonaise, en 1931, jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale, en 1945, les Eglises chrétiennes du Japon ont collaboré de diverses manières avec l’armée. En 1967, une trentaine de dénominations protestantes, sous l’égide de l’Eglise unie du Christ au Japon, se sont repenties publiquement d’avoir participé à la guerre. En 1986, au cours d’une assemblée plénière de la Fédération des Conférences épiscopales d’Asie qui se tenait à Tokyo, le cardinal Shirayanagi lui-même a présenté les excuses de l’Eglise catholique du Japon pour sa collaboration avec l’armée pendant la guerre.