Eglises d'Asie

“AU LAOS, LES ACTIVITES RELIGIEUSES NE SONT PERMISES QU’A L’INTERIEUR DU PERIMETRE DES EGLISES” – Un entretien avec le président de la Conférence des évêques catholiques du Laos –

Publié le 18/03/2010




Agence Ucanews : Quelle est la situation actuelle de l’Eglise catholique au Laos ?

Mgr Jean Khamsé Vithavong : Il n’y a rien de réellement neuf dans l’Eglise catholique au Laos. Le rythme de sa croissance peut à peine être perçu. Les catholiques continuent à se rassembler, à prier et à chanter sous la direction d’une “pincée” de ministres du culte – trois évêques, un administrateur apostolique et treize prêtres ainsi qu’un ensemble de catéchistes plus ou moins bien formés.

La situation politique demeure inchangée depuis 1975 (date de l’arrivée au pouvoir du Parti populaire révolutionnaire lao). Par les naissances et les décès au sein de la communauté catholique du Laos, estimée à 35 000 âmes, les changements s’opèrent naturellement, même si des évolutions imperceptibles se produisent par le biais d’un humble renouvellement spirituel au sein de la jeunesse, parmi les catéchistes et les femmes consacrées.

Pouvez-nous nous parler du nouveau décret relatif aux activités religieuses ?

Il a été présenté lors d’une réunion organisée le 4 août 2002 par le Front national (une organisation patriotique affiliée au Parti), réunion où étaient présents des représentants de toutes les religions à l’exception du bouddhisme. Ce décret n’avait pas pour objet de contrôler les religions, considérées comme bonnes, mais de réglementer les activités des personnes agissant au nom des religions, nous a-t-il été déclaré.

Tôt ou tard, ce genre de document devait sortir. Bien entendu, le contenu du décret peut seulement être interprété par les autorités compétentes. De ce fait, une session de “lecture du décret” par une personne compétente était nécessaire pour ceux qui détiennent certaines responsabilités au sein des communautés chrétiennes, que ce soit chez les catholiques ou chez les protestants. Cette session a eu lieu à la mi-octobre 2002. Environ 200 représentants des Eglises chrétiennes y ont pris part.

Le décret reflète les positions observées par d’autres pays socialistes. Avant même sa publication, il était de fait déjà appliqué. La différence est que désormais nous avons un document écrit.

Le décret représente-t-il d’une façon ou d’une autre une amélioration de la vie des croyants ?

Le décret apporte une réponse aux chrétiens au sujet de la politique religieuse menée par le gouvernement depuis 25 ans, à savoir réduire et concentrer l’expression de la foi chrétienne à ses valeurs de base. Par exemple, l’Eglise au Laos ne peut plus gérer d’écoles ou de dispensaires, alors que ce sont des institutions qui sont considérées de par le monde comme des moyens normaux d’évangélisation. Au Laos, les activités religieuses ne sont permises qu’à l’intérieur du périmètre des églises.

Ce que nous essayons de faire est de réunir les gens en petits groupes. Des groupes sont organisés pour les personnes âgées, les jeunes, les enfants, les couples et les catéchistes. Des partages ont lieu autour de la Parole de Dieu et ont trait aux difficultés rencontrées. La question qu’on peut se poser à ce point est la suivante : qu’y a-t-il de si particulier à cela ? La même chose se passe dans de nombreux pays à travers le monde. Ce qui doit être souligné ici est le fait que la réunion de ces petits groupes n’a sans doute rien de « spécial” ou de “particulier” mais qu’elle exprime l'”intensité” d’une vie de foi stimulée par la situation dans laquelle nous vivons.

Comment les catholiques pratiquent-ils leur foi ?

La pratique de la foi reste stable si elle est comprise dans son aspect rituel – et cela bien que de nombreuses communautés ne reçoivent que rarement la visite d’un prêtre. Les catholiques continuent à se rassembler les dimanches et à l’occasion des principales fêtes telles que Noël, Pâques, l’Assomption et la Toussaint.

Si nous cherchons à répondre au “comment” de la question d’un point de vue qualitatif, des questions telles que celles-ci doivent être posées : Comment est éclairée la foi ? Comment cette foi ouvre-t-elle sur la vie ? A-t-elle une implication en terme de changement social ?

De mon point de vue, ces questions constituent le fondement de nos efforts pastoraux pour les années à venir. Mais comment pouvons-nous y répondre ? Pénurie, manque, pauvreté – tels sont les mots qui expriment la réalité à laquelle nous devons faire face chaque jour en tant qu’Eglise au Laos. Une telle réalité nous renvoie aux Apôtres qui restaient confinés dans le Cénacle après la mort du Seigneur. Sans vouloir me montrer ‘prêcheur’, je dirais que l’Esprit Saint est notre seule espérance.

Néanmoins, en dépit de toutes les limites auxquelles nous nous heurtons, le contact que nous maintenons avec les croyants d’autres religions est toujours vivant. C’est un petit signe qui indique que la pratique de la foi n’est pas morte.

Comment envisagez-vous l’avenir de l’Eglise ?

Humainement parlant, nous avons très peu d’espoir. Le manque d’agents et de ministres pastoraux se fait durement sentir. Les prêtres vieillissent. La formation des futurs prêtres est problématique en raison du manque de formateurs qualifiés et d’accompagnateurs spirituels. Mais la foi des chrétiens au Laos est également porteuse d’espoir, et cela encourage à être chrétiens, à vivre en chrétien, en dépit des difficultés et des misères de la vie. L’avenir est là.

En tant qu’Eglise institutionnelle, même les structures de base font défaut. Seule une foi renouvelée en Christ ressuscité et vivant peut aider les croyants à réorganiser leur Eglise d’une façon plus adaptée et participative. Attendons et nous verrons !

Combien de paroisses compte votre vicariat apostolique ?

Nous n’avons pas de “paroisses” selon le modèle des Eglises bien établies. Ce sont plutôt des communautés vivant dans des localités plus ou moins importantes. La plus importante de ces communautés rassemble seize personnes. Le vicariat compte par ailleurs quinze femmes consacrées et environ une centaine de catéchistes laïques pour aider au travail d’évangélisation.

Quelles sont les difficultés rencontrées dans le travail pastoral ?

Le petit nombre d’agents pastoraux, le manque de personnes bien formées dans le domaine du travail pastoral et de l’évangélisation, l’impossibilité d’obtenir l’autorisation de faire entrer des missionnaires étrangers dans le pays et la difficulté d’envoyer des agents pastoraux se former à l’étranger sont des difficultés. Parmi les autres défis qui se posent à nous, il y a le vieillissement des agents pastoraux et des ministres du culte ainsi que l’absence, depuis plus de vingt ans, de formation continue pour les ministres actuels. Mais, avant tout, il y a les restrictions imposées par le régime.