Eglises d'Asie

Dans l’archidiocèse de Tôkyô, des laïcs prennent en charge l’organisation du service des funérailles au sein de leur paroisse

Publié le 18/03/2010




Au Japon comme dans toute l’Asie, les funérailles sont d’une extrême importance pour les familles. Organisées selon le rite bouddhiste pour la majorité des Japonais, ces cérémonies sont très onéreuses parce que, explique un catholique de la paroisse d’Ogikubo, située dans le diocèse de Tôkyô, les familles estiment que dépenser beaucoup d’argent pour des funérailles témoigne de leur attachement au défunt. Selon ce laïcs, cette disposition d’esprit est largement exploitée par les spécialistes des obsèques. La Confédération nationale des entrepreneurs des pompes funèbres estimait, en 1995, le coût moyen d’une cérémonie funèbre à plus de deux millions de yens (16 000 euros).

A l’instigation de leur curé, en 1997, ce laïc, Ryu Suzuki, sa femme et un troisième paroissien ont entrepris de mettre sur pied leur propre agence avec comme objectif l’organisation d’obsèques d’inspiration chrétienne simples et à moindre coût. Leur agence, Aiko-shikiten, facture 300 000 yens (2 400 euros) une cérémonie funèbre préparée avec le concours des membres les plus proches de la famille. La vente du matériel funéraire se fait à prix coûtant et les frais de décoration, les fleurs, les souvenirs, le repas sont réduits au minimum ou même supprimés.

Selon Suzuki, les non-catholiques sont impressionnés par le contenu des homélies et la simplicité du service, dépourvu des habituelles chausse-trappes des funérailles traditionnelles. “Nous ne disons pas que le meilleur marché est le mieux mais nous ne voulons pas surfer sur la vague du consumérisme ambiant », dit-il, ajoutant que son agence encourage les familles en deuil à préparer une cérémonie simple “qui vienne du coeur”. Suzuki admet que les familles sont souvent surprises de ses suggestions mais plus tard reconnaissent que les rites convenaient bien au cadre d’une église.

La paroisse d’Ota, dans le diocèse d’Urawa, à 60 km. de là, dans la banlieue nord de Tôkyô, s’est inspirée de l’esprit de Aiko-shikiten et les paroissiens organisent dorénavant les funérailles sans l’aide d’une agence. Aiko-shikiten se contente de leur fournir cercueils et urnes funéraires conformes aux directives gouvernementales.

Pour Suzuki, les funérailles offrent une occasion de parler de l’Evangile. Très souvent, quand il s’agit d’une personne âgée, “le tiers seulement de la famille est catholique et personne ne l’est parmi ses amis”. C’est pourquoi il demande aux prêtres qui président la cérémonie de saisir cette occasion pour initier les non-chrétiens au sens de la messe, de la résurrection et de l’entrée dans le Royaume de Dieu. Un nombre non négligeable de personnes, impressionnées par cette liturgie, ont demandé le baptême ou ont été déjà baptisées. “En pensant à l’évangélisation du Japon, dit-il, je voudrais pouvoir partager nos idées et nos expériences avec d’autres paroisses.”

Interrogé sur son l’origine de son engagement, Suzuki répond que c’est en écoutant un jésuite qui lui racontait comment, au XVIe siècle, un groupe de laïcs, dans le Japon d’alors, s’y prenait pour organiser les funérailles des défunts catholiques décédés sans famille ni amis, qu’il s’est senti inspiré. “C’était leur moyen à eux d’évangéliser, précise encore Suzuki, qui est par ailleurs sociologue et rédacteur en chef d’une revue de théologie. A partir de cette histoire, j’ai réalisé que des funérailles pouvaient être un travail important au service de Dieu.”