Eglises d'Asie

Gujarat : après avoir défié une interdiction gouvernementale, un groupe hindou échoue dans l’organisation d’une procession “préélectorale”

Publié le 18/03/2010




A la suite de la décision de la Commission électorale nationale fixant au 12 novembre la date des élections législatives dans l’Etat du Gujarat (1), le gouvernement de l’Etat a retiré la permission qu’il avait accordé au groupe extrémiste hindou, le Vishwa Hindu Parishad (Conseil mondial hindou, VHP) d’organiser une grande marche à travers tout l’Etat, marche qui devait durer 20 jours à partir du 17 novembre. La commission électorale avait en effet demandé à l’Etat de prendre les mesures préventives qui s’imposaient afin d’assurer le calme des élections législatives qui se dérouleront quelques mois seulement après les violences interreligieuses qui ont ensanglanté l’Etat du mois de mars au mois de mai de cette année, faisant un millier de morts et des milliers de sans-abri, en grande majorité des musulmans. Cependant, le groupe hindouiste, par la bouche de son secrétaire général Pravin Togadia, avait annoncé qu’il ne tiendrait pas compte de l’interdiction gouvernementale et que la manifestation se déroulerait comme prévue.

En fin de compte, le projet des extrémistes hindous n’a pas pu se réaliser. La police indienne l’a efficacement étouffé dans l’ouf. Le 17 et 18 novembre, toute l’organisation de la marche a été neutralisée grâce à l’arrestation de Pravin Togadia et de son assistant ainsi que d’environ 350 militants parmi les milliers qui s’étaient déjà rassemblés un peu partout dans le Gujarat pour participer à la manifestation. Dès l’après-midi du 18 novembre, on apprenait que, déjà, les deux dirigeants du VHP avaient été libérés sous caution.

La marche projetée par le groupe hindouiste devait partir de la ville de Godhra, ville où avait eu lieu l’incident qui avait déclenché les massacres du mois de mars dernier. Un train transportant des pèlerins hindous revenant du site de la mosquée détruite d’Ayodhya avait été incendié sans doute par un groupe de musulmans. L’incendie avait fait 59 victimes. La procession était censée transporter à travers de nombreuses localités de l’Etat une reproduction du wagon brûlé, incitant la population à se souvenir des hindous qui y furent tués. La marche aurait dû s’achever à Ahmedabad, la capitale commerciale de l’Etat, le 6 décembre, jour du dixième anniversaire de la démolition de la mosquée d’Ayodhya.

Dans la déclaration où il annonçait sa volonté de défier l’interdiction officielle, le 14 novembre dernier, Pravin Togadia, tout en accusant la Commission électorale indienne d’outrepasser les limites de sa juridiction, avait mis gravement en cause l’impartialité de son président, James Michaël Lyngdoh, un ancien presbytérien qui, aujourd’hui se déclare publiquement agnostique. Celui-ci était accusé de favoriser les chrétiens et de garder le silence par exemple devant les consignes de vote données par la hiérarchie chrétienne dans les Etats de Goa et de Chhattisgarh. De son côté, l’assistant de Pravin Togadia, accusait la Commission électorale de faire preuve de discrimination à l’égard de la communauté hindoue : “Est-ce un péché d’être hindou ? demandait-il. Cependant quelques jours avant la date prévue du début de la manifestation, les dirigeants hindouistes semblaient ne pas se douter qu’elle aurait lieu. Togadia avait même exprimé le voeu que la procession ne se limite pas au seul Etat du Gujarat et qu’elle se transforme bientôt en manifestation nationale.

L’interdiction gouvernementale et le coup de force policier ont été bien accueillis par les minorités religieuses du Gujarat et par un grand nombre d’hindous modérés inquiets des débordements auxquels la procession aurait pu donner lieu. Mais elles n’ont pas mis un terme aux intentions des responsables hindouistes. Dans un communiqué publié le 18 novembre, jour de son arrestation et de sa libération, sous caution, le dirigeant du VHP annonçait le lancement d’une grande campagne sur le réveil religieux et l’“hindutva” (2) sur l’ensemble du territoire de l’Etat. Des cassettes vidéo et audio devaient être distribuées dans plus de 18 000 villages où les propagandistes ne peuvent se rendre.