Eglises d'Asie

Les minorités religieuses interviennent auprès du gouverneur du Tamil Nadu pour essayer d’empêcher la promulgation de la loi sur les conversions

Publié le 18/03/2010




L’Assemblée législative du Tamil Nadu a adopté le 30 octobre dernier le projet de loi prohibant les conversions forcées malgré les très nombreuses protestations des chrétiens, des musulmans, des dalits et des partis d’opposition. Au cours des débats, le ministre-président, Mme Jayalalitha Jayaram, a soutenu la nouvelle disposition législative en affirmant qu’elle n’était pas dirigée contre une religion ou une caste mais seulement contre ceux qui utilisent la force et la séduction pour gagner de nouveaux adeptes. Cette loi est censée remplacer l’ordonnance temporaire qui avait été publiée le 5 octobre 2002 par le gouvernement du Tamil Nadu (1) et avait suscité une énorme vague de protestations à travers toute l’Inde. Le projet de loi impose une peine d’un maximum de quatre ans de prison et une amende pouvant s’élever à 100 000 roupies (2 080 euros) à ceux qui, par la force ou par la séduction, se rendront coupables de la conversion d’un dalit, d’un membre d’une minorité ethnique, d’une femme ou d’un enfant. Elle impose aussi une peine d’un an de prison aux prêtres qui n’informeraient pas les autorités du district d’une conversion dont ils seraient responsables.

Cependant, le projet de loi avait encore besoin d’être approuvé par le gouverneur de l’Etat du Tamil Nadu avant de prendre force de loi. C’est la raison pour laquelle, quelque temps après l’adoption de la loi par l’Assemblée législative, une délégation de 16 membres conduite par l’archevêque de Madras-Mylapore, Mgr Arul Das James, a tenté une dernière démarche auprès du gouverneur du Tamil Nadu pour lui demander de ne pas accorder son approbation à la loi votée par l’assemblée. La délégation comportait des représentants des religions minoritaires chrétienne et musulmane et des groupes marginaux.

Dans son argumentation devant le gouverneur, la délégation s’est appuyée sur le fait que, dans l’Etat, une majorité morale s’est dégagée pour condamner le projet de loi. Un communiqué publié par la délégation en tirait la conclusion que, moralement, le gouvernement avait perdu son mandat ainsi que le soutien nécessaire de la population même s’il continuait à bénéficier de la majorité numérique à l’Assemblée législative. Le mémorandum présenté par la délégation au gouverneur affirmait que le projet de loi était dirigé contre les minorités et s’étonnait que le gouvernement n’ait pas été capable de citer un seul cas de conversion obtenue par la force pour justifier la publication de son ordonnance. En conséquence, la délégation mettait le gouvernement au défi de présenter au public un Livre blanc rapportant les cas de conversions obtenues par la force ou la séduction, qui l’avaient obligé à intervenir par le moyen de cette ordonnance aujourd’hui transformée en loi. Par ailleurs, par l’intermédiaire de l’archevêque de Madras, la délégation a exprimé sa crainte que le terme de “séduction” utilisé dans le texte de la loi ne soit trop vague et puisse être utilisé pour recouvrir des activités caritatives bien intentionnées. Après avoir écouté les doléances de la délégation, le gouverneur s’est contenté de répondre que rien ne serait fait de contraire aux dispositions de la Constitution du pays.

Dès sa publication, le 5 octobre, l’ordonnance de prohibition des conversions forcées était entrée en vigueur. Aussi bien, la police n’a pas tardé à enregistrer des plaintes pour tentative de conversion par “séduction” déposées contre des chrétiens. Ainsi un étudiant du district de Theni à 550 km. au sud-ouest de Chennai, a accusé son directeur d’école de lui avoir dit qu’il atteindrait des postes élevés dans l’administration s’il pratiquait le culte chrétien. Une autre plainte émane d’un paysan du même district à qui un pasteur pentecôtiste aurait promis une maison s’il rejoignait son Eglise. Un prêtre catholique du district a estimé que ces récentes plaintes étaient inspirés par les mouvements fondamentalistes hindous.