Eglises d'Asie

Mgr Bacani, évêque auxiliaire de Manille, estime que les évêques catholiques du pays ne doivent pas sacrifier leur mission prophétique par peur d’affaiblir le gouvernement Arroyo

Publié le 18/03/2010




Après l’accession de Gloria Macapagal-Arroyo à la présidence du pays en janvier 2001, les évêques catholiques philippins, qui n’avaient pas peu contribué à la chute de son prédécesseur, Joseph Estrada, avaient défini en ces termes leur position vis-à-vis de la nouvelle équipe dirigeante philippine : “solidarité critique”. Tels avaient été les mots employés par le président de la Conférence épiscopale, Mgr Orlando Quevedo (1). Le 14 novembre dernier, Mgr Teodoro Bacani, évêque auxiliaire de Manille et membre de la Commission pour les Affaires publiques de la Conférence épiscopale, a déclaré que l’Eglise courrait le danger de perdre son rôle prophétique à trop se montrer aux côtés du gouvernement et à ne pas oser critiquer les manques et les faiblesses de la politique suivie par l’administration Arroyo.

Mgr Bacani s’est exprimé à la suite de la Journée nationale de prière et de jeûne. Cette journée, instituée en 1998 par Joseph Estrada et célébrée le deuxième samedi du mois de novembre, tombait cette année le 9 novembre. A Mandaluyong City, dans la banlieue sud-est de Manille, le cardinal Jaime Sin, archevêque de Manille, a mené plusieurs centaines de prêtres, de religieuses et d’agents pastoraux de l’Eglise jusqu’à proximité de sa résidence en priant pour les pauvres. Il a demandé à Dieu de briser “le moule de la pauvreté qui paralyse la nation” tandis que la présidente Arroyo, à ses côtés, priait pour la fin “des conflits, de la pauvreté, de la terreur et du mensonge”.

Selon Mgr Bacani, l’Eglise prête le flanc aux attaques des médias à trop se montrer aux côtés du pouvoir et à ne pas exprimer publiquement ses critiques. A ses yeux, il est nécessaire que l’Eglise allie l’action à la prière, voire même n’hésite pas à recourir “aux manifestations publiques”. Il serait utile, a-t-il poursuivi, de revenir à une structure de “dialogue ouvert” entre le gouvernement et l’Eglise, comme c’était le cas au temps de l’administration Fidel Ramos où, entre 1992 et 1998, des réunions régulières avaient lieu entre le cabinet et les représentants de la Conférence épiscopale.

Au titre des manquements du gouvernement que l’Eglise se devrait de dénoncer, Mgr Bacani a cité la mauvaise conjoncture économique et la faiblesse de la lutte contre la corruption. Depuis l’arrivée au pouvoir d’Arroyo, a souligné l’évêque auxiliaire, le chômage est passé de 10,1 % à 11,2 % de la population active. Les salaires de nombreux travailleurs ne suffisent pas ou à peine à nourrir une famille type. Les diplômés et ceux qui disposent d’une vraie expérience professionnelle n’hésitent pas à partir travailler à l’étranger et à s’y employer comme domestiques car les chances de trouver dans le pays un travail correspondant à leurs qualifications sont trop faibles. Selon les statistiques officielles, 558 376 Philippins ont quitté le pays durant les sept premiers mois de l’année 2002 pour travailler à l’étranger, un chiffre en hausse de 4,3 % par rapport à la même période en 2001.

Pour Mgr Bacani, l’approche qui a été celle de la Conférence épiscopale jusqu’à aujourd’hui et qui a consisté à exprimer des critiques en privé n’est plus adaptée. Selon lui, les évêques s’y tiennent uniquement parce qu’ils ont le sentiment qu’ils “ne peuvent pas publiquement critiquer une personne qu’ils ont aidée à accéder au pouvoir”.

La prise de position de Mgr Bacani n’a pas suscité de réactions officielles de la Conférence épiscopale. Interrogé par l’agence Ucanews (2), Fernando Zialcita, professeur en sciences sociales à l’université jésuite Ateneo de Manille, a déclaré que la prudence des évêques était à mettre en rapport avec la fragilité de l’administration Arroyo. Tout en rappelant que les évêques s’étaient à l’occasion exprimés publiquement, il a souligné que la hiérarchie de l’Eglise devait prendre en considération “les graves conséquences qu’il y aurait à affaiblir le gouvernement”.