Eglises d'Asie

Moluques : selon Mgr Mandagi, évêque du diocèse catholique d’Amboine, la paix est de retour dans l’archipel mais la situation reste toutefois fragile

Publié le 18/03/2010




A l’image de ce qui se passe dans la région de Poso, sur l’île de Célèbes (1), la paix est de retour aux Moluques où les communautés chrétienne et musulmane vivent à nouveau côte à côte dans le calme. Selon l’analyse de Mgr Petrus Canisius Mandagi, évêque du diocèse catholique d’Amboine, la principale raison de ce retour au calme est la dissolution, le 14 octobre dernier, de la milice extrémiste musulmane des Laskar Jihad (2) et l’évacuation de ces miliciens depuis cette date. A cela s’ajoute, a déclaré Mgr Mandagi le 6 novembre dernier, les arrestations de treize membres du groupe Cowok Keren. Ces hommes, tous chrétiens, sont accusés d’avoir perpétré des attentats à l’explosif à Amboine et ailleurs aux Moluques. Pour Mgr Mandagi, ces arrestations font l’effet d’un avertissement à l’adresse d’éventuels autres fauteurs de trouble.

Cependant, au-delà du calme retrouvé, la situation reste volatile, a estimé l’évêque catholique. Selon lui, les chrétiens récemment arrêtés ou les miliciens du Laskar Jihad “ont été utilisés” et la police serait avisée de chercher les commanditaires des violences qui ont déchiré ces trois dernières années les Moluques, qu’il faille mener ces recherches “à Amboine, à Djakarta ou même à l’étranger”.

Pour le P. Böhm, du Centre de crise du diocèse catholique d’Amboine, le retour à la paix est réel dans la mesure où les parties en présence, les communautés chrétienne et musulmane, ont pris conscience qu’elles partageaient le même ennemi, les terroristes, quelle que soit leur appartenance religieuse. Sur les îles de Céram et Buru, la vie reprend son cours normal mais nombre des réfugiés qui vivent toujours à Amboine craignent de retourner chez eux, sur ces deux îles, car elles ne font pas confiance aux forces de sécurité qui ont montré par le passé leur incapacité à prévenir les brutales éruptions de violence intercommunautaires. A Amboine, si des lieux de contacts existent entre les deux communautés, tant les chrétiens que les musulmans continuent de vivre dans des quartiers distincts.

A court ou moyen terme, le P. Böhm estime que différents facteurs pourraient à nouveau créer des tensions. En premier lieu, la succession de l’actuel gouverneur, M.S. Latuconsina, et de ses deux adjoints constitue un premier test. Leur mandat s’est achevé le 11 novembre 2002 ; il a été prolongé par le ministère de l’Intérieur d’un mois mais les élections à venir sont un facteur de risque. Deuxièmement, dans la ville d’Amboine et ses alentours, 145 000 personnes déplacées n’ont pas de travail et pourraient, les jeunes en particulier, descendre dans la rue en cas d’émeutes. Troisièmement, le sentiment populaire est que les criminels sont laissés en liberté et que la justice ne fait pas son travail ; à cela s’ajoute le ressentiment de la rue devant le détournement des aides gouvernementales allouées à la reconstruction et au retour à la paix aux Moluques. Finalement, le retour des personnes déplacées chez elles, tel qu’il est prévu par les autorités et qui doit se terminer en août 2003, est lourd de menace dans les zones où une communauté a pris la place d’une autre. Dans ce contexte, souligne le P. Böhm, la présence d’importantes forces de sécurité aux Moluques n’est pas un gage de paix, tant l’attitude de certains bataillons, ceux des Kopassus en particulier, est associée aux actes de terrorisme.