Eglises d'Asie

A Taiwan, un colloque organisé pour le 60ème anniversaire des relations diplomatiques entre la Chine et le Saint-Siège analyse les obstacles aux relations entre Pékin et le Vatican

Publié le 18/03/2010




Du 5 au 6 décembre derniers, à l’université catholique Fu Jen de Taipei, un colloque a réuni environ deux cents experts de l’Eglise catholique en Chine à l’occasion du soixantième anniversaire de l’établissement de relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la Chine. Après six décennies, les changements politiques qui ont eu lieu de part et d’autre du détroit de Formose posent de nouveaux défis aux trois parties concernées, le Saint-Siège, la République populaire de Chine et la République de Chine (Taiwan), ont conclu les participants au colloque. Organisé dans les locaux de Fu Jen, ce colloque était partiellement financé par le ministère taiwanais des Affaires étrangères.

L’établissement de relations diplomatiques entre la République de Chine (RdC) et le Saint-Siège remonte au 2 juin 1942. Après la prise du pouvoir par les communistes sur le continent en 1949, la RdC s’est repliée à Taiwan. En 1951, Mgr Riberi, internonce en Chine, fut expulsé par le régime de Mao Zedong et l’année suivante la nonciature fut déménagée à Taipei. Après les années 1950, une décennie de persécution pour l’Eglise en Chine populaire, et la Révolution culturelle (1966-1976), durant laquelle toute activité religieuse fut bannie, la politique d’ouverture mise en ouvre par Deng Xiaoping à partir de 1979 a permis une reprise graduelle des contacts entre l’Eglise de Chine et l’Eglise universelle, sans pour autant que les relations entre le Vatican et Pékin s’améliorent du tout au tout.

Dans un discours remarqué, le cardinal Paul Shan Kuo-hsi, évêque de Kaohsiung et président de la Conférence régionale des évêques de Chine à Taiwan, a affirmé que le principal souci du Vatican au sujet des relations entre la Chine populaire et le Saint-Siège était le lien de communion des catholiques chinois avec l’Eglise universelle et leur liberté religieuse. Le cardinal a précisé que, pour ce qui regarde les relations entre le Vatican et Pékin, l’Eglise à Taiwan s’en tenait à deux principes : premièrement, pour le bien de l’Eglise persécutée en Chine, elle n’interviendra pas dans le dialogue entre le Saint-Siège et la Chine populaire ; deuxièmement, le bien des catholiques à Taiwan ne doit pas être sacrifié au nom ce dialogue. Selon lui, Taiwan n’est pas le cour du problème des relations entre Pékin et le Vatican ; ce qui fait problème, c’est l’athéisme matérialiste prôné par le Parti communiste chinois, refusant aussi bien la religion que le Saint-Siège. Le dossier de ces relations n’avancera véritablement, a encore souligné le cardinal Shan, que lorsque le pouvoir chinois abandonnera l’idéologie qui est la sienne et garantira une vraie liberté religieuse.

La religieuse Beatrice Leung Kit-fun, professeur à l’université Lingnan de Hongkong, a ensuite retracé les difficultés qui ont émaillé l’histoire des relations entre le Vatican et Pékin ces quinze dernières années. Dans le contexte politique actuel, Sour Leung a noté que l’unique objectif recherché par la Chine populaire au sujet d’une éventuelle normalisation de ses relations avec le Saint-Siège était d’isoler Taiwan sur la scène internationale tandis que le souci du Vatican était de favoriser le développement de l’Eglise de Chine. Les points-clefs à résoudre, a-t-elle poursuivi, sont la nomination des évêques en Chine, l’unité entre les deux parties “clandestine” et “officielle” de l’Eglise, les relations que le futur légat du pape à Pékin entretiendra avec les évêques locaux et enfin le déménagement de la nonciature apostolique de Taipei à Pékin de façon à minimiser autant que possible le préjudice pour Taiwan. A cela s’ajoute, a encore précisé la religieuse, les blocages créés par les nominations épiscopales menées le 6 janvier 2000 sans consultation préalable avec le Saint Père (1) et la canonisation le 1er octobre de la même année, le jour de la fête nationale en Chine populaire, de 120 martyrs de l’Eglise en Chine (2). Selon Sour Leung, les facteurs qui pourraient mener la Chine à passer un compromis avec le Vatican sont les suivants : la volonté d’améliorer l’image internationale de la Chine populaire, les problèmes créés au sein de la population par le vide spirituel actuel, une stratégie visant à utiliser les religions pour contribuer à la stabilité sociale, particulièrement au sein des minorités religieuses, et enfin l’influence indirecte qui est celle du Vatican sur les pays de tradition chrétienne.

Pour le P. Jeroom Heyndrickx, observateur de longue date de ce dossier, il ne faut pas s’attendre à ce que le pouvoir chinois desserre le contrôle qu’il exerce sur l’Eglise. Le harcèlement dont sont victimes de nombreux catholiques sur le continent en témoigne. Seule une volonté mutuelle d’ouverture et de respect mutuel pourra éventuellement sortir le dossier des relations entre Pékin et le Saint-Siège de l’ornière dans laquelle il est enlisé.

L’ambassadeur de Taiwan près le Saint-Siège, Raymond Tai Rui-ming, s’est également exprimé lors de ce colloque. Selon lui, le fait que, dès 1971, le Saint-Siège a ramené le rang de son représentant à Taipei d’internonce à simple chargé d’affaires ad interim est un signe explicite de la bonne volonté du Vatican envers Pékin dans ce dossier. Dans l’hypothèse où des relations diplomatiques sont établies avec la République populaire de Chine, il est improbable que le Saint-Siège prenne l’initiative de rompre ses liens avec la RdC pour la simple raison que le Vatican n’a jamais pris l’initiative d’un tel geste envers aucun autre pays.

Outre différentes autres interventions, ce colloque a été marqué par la publication par l’université Fu Jen d’une collection de 1 000 pages intitulée : “Une collection de documents relatifs à l’histoire des 60 ans des relations diplomatiques entre la Chine et le Vatican”.