Eglises d'Asie

Gujarat : durant la campagne électorale, les minorités ont réagi contre un manifeste partisan du parti nationaliste hindou au pouvoir

Publié le 18/03/2010




Les communautés chrétiennes et de nombreuses personnalités indépendantes de l’Etat du Gujarat ont été profondément choquées par le ton d’un manifeste publié le 1er décembre dernier et diffusé par le parti hindouiste, le Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP), dans le cadre de la campagne électorale précédant les législatives locales du 12 décembre 2002. Dans cet Etat où les tensions intercommunautaires sont encore vives quelques mois après les affrontements interreligieux qui ont eu lieu au début de cette année, beaucoup se sont émus du sectarisme et du parti-pris religieux animant le texte de la plate-forme politique du parti qui détient le pouvoir dans l’Etat depuis cinq ans.

Ce manifeste expose un arsenal de 344 mesures destinées à assurer la sécurité nationale, la promotion du “nationalisme culturel” ainsi que le développement socio-économique. Le parti-pris hindouiste est évident. Si le manifeste, tout en promettant une période de paix et de prospérité, n’oublie pas de rappeler que vingt-sept fidèles hindous sont morts le 24 septembre dernier, lors de l’attaque du Centre religieux hindou d’Akshardham, siège de la secte de Swaminarayan Sanstha, à Gandhinagar, par des terroristes soupçonnés d’être musulmans (1) ; par contre, il s’abstient totalement de faire mention des troubles interreligieux qui, pendant trois mois, à partir du mois de février 2002, ont fait plus de 1 000 morts, en majorité des musulmans, dans la population de l’Etat. Bien au contraire, il annonce la création de commandos de jeunes, destinés à combattre le terrorisme et à défendre le “nationalisme culturel” dans cet Etat à majorité hindoue.

A côté de mesures instituant la gratuité des transports publics pour les pèlerins se rendant aux deux grands centres de pèlerinage hindous, interdisant la construction de nouveaux abattoirs pour les bovins, la plate-forme du BJP s’engage aussi à adopter une loi interdisant les conversions religieuses. Commentant ce point du programme, l’actuel ministre-président de l’Etat, Narendra Modi, a déclaré qu’une “loi forte” interdisant les conversions religieuses est nécessaire, car, selon lui, les change-ments de religion menacent la stabilité sociale.

Cependant, la campagne électorale agressive du BJP s’est heurtée à des réactions venant en particulier des milieux chrétiens et indépendants de l’Etat. Ainsi, Achyut Yagnik, directeur du Centre Setu d’Etudes sociales et politiques, considère qu’en promettant à la population de la défendre contre le terrorisme, le BJP se moque d’elle : “Où est donc le terrorisme dans l’Etat ? C’est une question inexistante a-t-il déclaré. Mgr Godfrey de Rozario, évêque de Baroda, a fait savoir qu’une centaine de jeunes chrétiens de son diocèse allaient se rendre auprès des populations minoritaires de l’Etat pour les aider à prendre conscience du caractère anti-national de l’idéologie du parti au pouvoir.

Par ailleurs, un certain nombre d’associations indépendantes de l’Etat se sont regroupées pour former une organisation appelée “Groupe de la paix Celle-ci a organisé à Ahmedabad du 3 au 10 décembre, un festival de la paix, sur le thème “Justice pour tous et la Paix à jamais”. Selon un de ses organisateurs, le P. Cedric Prakash, la manifestation avait pour but de mobiliser la population au service de la paix et de l’encourager à lutter contre la violence et les forces de division. Des jeux de rue, des expositions picturales, des débats sur les problèmes d’actualités ont été organisés dans le cadre du festival. Pour tous les participants, l’ouvre principale qui s’impose aujourd’hui au Gujarat est de remettre l’Etat en état de marche. La violence et la tension qui se prolongent ont plongé l’économie dans la récession et multiplié les faillites individuelles.