Eglises d'Asie

Tamil Nadu : la loi contre les conversions obtenues par force ou séduction est entrée en vigueur malgré les protestations

Publié le 18/03/2010




Malgré les protestations provenant des chrétiens, des musulmans et des hindous de basse caste, le gouverneur du Tamil Nadu, P.S. Ramamohan Rao, a finalement apposé sa signature au bas du projet de loi interdisant les conversions obtenues par force ou par séduction, le 3 décembre dernier. Le 30 octobre précédent, l’Assemblée législative, à l’issue de débats houleux, avait adopté cette loi très controversée qui punit de peines de quatre ans de prison et d’une amende de 100 000 roupies (2 080 euros) les personnes ayant utilisé force ou séduction pour convertir un dalit, un membre d’une ethnie minoritaire, une femme ou un enfant, et oblige les prêtres à informer l’administration du district de chacun des convertis dont il assure l’instruction religieuse au risque d’encourir une peine d’un an de prison (1).

L’archevêque catholique de Madras, Mgr Arul Das James, responsable du Conseil épiscopal du Tamil Nadu, en compagnie de dirigeants religieux musulmans et de responsables hindous dalits, avait mené campagne contre le projet de loi dès que celui-ci avait été présenté au parlement du Tamil Nadu en octobre dernier. Le 11 novembre dernier, avec une délégation de seize membres (2), il avait rencontré le gouverneur de l’Etat pour lui demander de ne pas signer le projet de loi. Beaucoup d’autres groupes d’origines diverses avaient également demandé au gouvernement le retrait de cette loi ambiguë où les termes “par force” ou “par séduction” pouvaient être interprétés de façon à empêcher tout développement des religions minoritaires.

Après la mise en vigueur de la loi, le ministre-président du Tamil Nadu, Mme Jayaram Jayalalitha, a réitéré ses déclarations apaisantes, assurant que la loi visait uniquement ceux qui, grâce à des moyens malhonnêtes, obligeaient certaines catégories de personnes à se convertir, mais qu’il n’était pas question d’intenter un quelconque procès dans le cas où un individu changerait volontairement de religion. Cependant, ces déclarations sont loin d’avoir mis un terme aux réactions qui continuent de se faire entendre. L’archevêque de Madurai, Mgr Marianus Arokiasamy, également président du Forum uni des minorités pour le Tamil Nadu, a fait savoir qu’il s’attendait à ce que le ministre-président signât le décret mais qu’il était persuadé que cette loi serait rapidement invalidée. Le président du Muslim Munnetra Kazhagam (Front progressiste des musulmans) s’est désolé de voir ignorer la volonté de la véritable majorité de la population d’un Etat connu pour sa tolérance religieuse et sa coexistence pacifique au profit de la stratégie d’un parti ne représentant qu’une majorité arithmétique. Chrétiens et musulmans ont fait valoir que cette loi était inutile dans un Etat où la liberté religieuse est respectée aussi bien par le christianisme que par l’islam qui enseignent, l’un et l’autre, qu’une conversion forcée est non seulement illégale mais que c’est une faute grave.

Plusieurs personnalités religieuses ont souligné les implications politiques de la nouvelle loi. “Par cette loi qui se veut menaçante, a déclaré Mgr Arul Das James, l’Etat se déclare ouvertement le protecteur de la religion majoritaire…” Mgr Peter Remigieus, évêque de Kumbakonam, a fait remarquer que, désormais, “les chrétiens vont prendre conscience qu’ils ont une identité politique”. Selon lui, c’est le manque d’unité parmi les chrétiens qui est la cause de la négligence dans laquelle on les tient. Chaque fois qu’ils se sont regroupés, même en groupes peu nombreux, ils ont su montrer qu’ils constituaient une force sur laquelle il fallait compter.