Eglises d'Asie – Inde
Gujarat : le pessimisme règne dans les milieux catholiques de l’Etat après la victoire du parti nationaliste hindou aux élections législatives
Publié le 18/03/2010
Selon beaucoup d’observateurs, quelques mois après les heurts interreligieux des trois ou quatre mois ayant suivi l’incident de Godhra, le 27 février, et une campagne électorale ayant largement exploité la tension subsistante, ces élections apparaissaient comme celles de tous les risques (1). Or, à la fin de la journée du 12 décembre, le secrétaire d’Etat à l’intérieur, K. Nityanandam, pouvait commenter : “Je n’ai jamais vu dans le passé d’élections aussi paisibles.” Il faut remarquer toutefois que le déploiement des forces policières avait été impressionnant. 14 700 lieux de vote avaient été déclarés à risque contre 7 000 lors du scrutin précédent.
Quelques incidents sans gravité ont cependant eu lieu. Des listes électorales incomplètes ont été la plus grande source de troubles. Dans presque chaque circonscription électorale, des milliers d’électeurs, munis de pièces d’identité valides, sont rentrés chez eux sans avoir pu déposer leur bulletin dans l’urne, leurs noms ne figurant plus sur les listes électorales qui avaient été entièrement révisées après les troubles intercommunautaires du début de l’année. Dans quelques bureaux de vote, des électeurs mécontents de n’avoir pu trouver leur nom sur la liste ont créé des incidents. Un très grand nombre de plaintes ont été enregistrées, pour listes incomplètes, à Maninagar, dans la ville de Ahmedabad, lieu où se présentait, le ministre-président, Narendra Modi. Plus de 13 000 noms avaient disparu de la liste révisée. Pour la plupart, ce sont des noms des partisans du Parti du Congrès qui ont été éliminés, la révision des listes ayant été accomplie sous la responsabilité du gouvernement du Gujarat.
Cependant, les commentaires que l’on a pu écouter de la bouche de personnalités des milieux des religions minoritaires laissent entrevoir que ces élections loin de mettre un terme aux tensions existantes risquent fort de les exacerber. Résumant l’opinion générale, l’archevêque de Madurai, Mgr Marianus Arokiasamy a déclaré : “C’est un recul définitif dans la lutte contre le fanatisme hindou.” La sour Françis-Xavier, supérieure générale des religieuses de l’Immaculée Conception a jugé que le scrutin sorti des urnes au soir du 12 décembre était un événement extrêmement malheureux et constituait une véritable menace pour un pays animé pendant des siècles par un esprit séculier et pluraliste. Des personnalités catholiques, comme George Menezes, ancien président de l’Union catholique panindienne, envisage un avenir extrêmement sombre pour les minorités de l’Etat. Selon lui, l’extrême droite hindoue qui a organisé une campagne électorale très dure, fondée sur les photos des corps des pèlerins hindous brûlés le 27 février, à la gare de Godhra, est prête à toutes les dérives. Elle aurait l’intention d’éliminer du Gujarat tous les musulmans et même tous les chrétiens avant de le faire dans le reste du pays.
Toutefois, ces vues catastrophiques ne sont pas celles de tous les chrétiens. Cotta Carvalho, le secrétaire général de l’Union catholique panindienne, affirme lui qu’une telle victoire ne sera pas de longue durée. Il précise même que les élections ne devraient pas effacer les crimes commis au Gujarat lors des derniers troubles. Ceux qui les ont perpétrés, même vainqueurs aux élections, restent des criminels.