Eglises d'Asie

Des remarques du Premier ministre sur le nationalisme hindou soulèvent une vague de protestations dans divers milieux de l’Inde

Publié le 18/03/2010




Dans un message de fin d’année, publié par les grands quotidiens indiens, le Premier ministre Atal Behari Vajpayee a évoqué, entre autres sujets, ses convictions religieuses et politiques. Mais il les a présentées avec une telle ambiguïté que cette évocation a suscité des critiques acerbes venant de tous bords, aussi bien des milieux chrétiens que des partis politiques d’opposition et même des cercles du nationalisme hindou dont pourtant il fait partie. Après s’être déclaré opposé au tournant fondamentaliste pris par l’hindouisme dans le pays, le chef du gouvernement fédéral indien a exprimé sa conviction que les deux notions (idéologie qui veut faire de l’Inde une nation théocratique sur la base de l’hindouisme) et de bharateeyata, que l’on pourrait traduire par indianité, étaient équivalentes. Il a précisé : “Il n’y a pas de différence entre et la bharateeyata car les deux expriment la même notion (…), à savoir que l’Inde appartient à tous et que tous appartiennent à l’Inde.” La façon de s’exprimer était assez vague pour que les propos de M. Vajpayee soient compris d’une manière différente par chacune des parties en présence, les catholiques soulignant le vague de la pensée, les partis d’opposition accusant le Premier ministre de se ranger du côté des fanatiques hindous, tandis que les groupes de l’extrême droite lui reprochaient sa confusion en ce qui concerne l’identité hindoue.

La réaction de la Conférence des évêques catholiques s’est fait entendre par son porte-parole, le P. Donald De Souza. Celui-ci a affirmé ne pas comprendre ce que voulait dire le Premier ministre en amalgamant ces deux concepts d’indianité et , car cette dernière appellation, contrairement à la première, désigne l’idéologie politique des groupes d’extrême droite. Dans son message, Vajpayee avait déploré que soit conçue par certains d’une manière trop étroite et trop rigide, ce qui était contraire à l’esprit de la doctrine. Selon le P. De Souza, l’interprétation du Premier ministre ne correspond en rien à la réalité telle qu’elle est vécue sur le terrain où la population fait l’expérience d’une idéologie à la fois violente et extrémiste.

Comme à l’accoutumée, les partis politiques d’opposition ont émis des critiques des plus vigoureuses. Le porte-parole du Parti du Congrès, S. Jaipal, a aussitôt remarqué qu’en assimilant au nationalisme hindou, M. Vajpayee reprenait tout simplement les thèses les plus extrêmes du fondamentalisme hindou, en oubliant que l’Inde est une “nation laïque où tous possèdent des droits égaux et où les cultures sont égales en dignité”. Harkishan Sing Surjeet, secrétaire général du Parti communiste de l’Inde, a affirmé que, malgré ses accents libéraux, le cour du message de fin d’année du Premier ministre était fait, lui aussi, de cette même idéologie que l’on diffuse sous le nom . Selon le dirigeant communiste, M. Vajpayee est bien connu pour son silence lorsque se déchaîne la furie des groupes fondamentalistes. Des parlementaires, comme Kuldip Nayyar, ont déclaré qu’ils refusaient de prendre au sérieux les propos du chef du gouvernement tant que celui-ci ne serait pas capable de réprimer les manifestants hindous du Gujarat.

Cependant, ce sont des milieux proches du Premier ministre que se sont élevées les critiques les plus acerbes. C’est ainsi que l’on a pu entendre le porte-parole du Rashtriya Swayamsevak Sangh (Corps national des volontaires, RSS), Ram Madhav, désavouer publiquement l’auteur du message de fin d’année, dans un entretien avec la presse, le 31 décembre dernier, où il a accusé celui-ci d’avoir une idée confuse de l’identité hindoue. A ce propos, il rappelait un poème écrit il y a quelques années par l’actuel chef du gouvernement, dans lequel était présentée avec une autre rigueur. L’hindou authentique y était décrit comme quelqu’un qui mène une guerre implacable contre le mal. Selon Madhav, ceux que Vajapayee qualifie aujourd’hui d’extrémistes hindous étaient considérés alors comme des représentants du véritable esprit hindou.

Il faut cependant remarquer que les malheureuses remarques relevées et stigmatisées dans des milieux aussi divers ne constituaient pourtant qu’une minime partie du message de fin d’année. Pour sa plus grande part, celui-ci se présentait comme un appel à l’unité “des esprits, des intentions et de l’action Il incitait le gouvernement et la société civile à “travailler ensemble (…)” pour que “chaque enfant indien reçoive une bonne alimentation, une bonne éducation et soit l’objet de la préoccupation de tous”.