Eglises d'Asie

Les évêques saluent le geste de la présidente Arroyo qui a annoncé son intention de ne pas se présenter aux présidentielles de 2004

Publié le 18/03/2010




L’annonce surprise, le 30 décembre dernier, par la présidente des Philippines, Gloria Macapagal-Arroyo, selon laquelle elle ne se représentera pas devant les électeurs lors des élections présidentielles de 2004 a, d’une façon générale, été salué comme un geste positif par l’ensemble des évêques catholiques du pays. Les responsables de l’Eglise apprécient l’exemple donné par la présidente dans un pays dont ils ne cessent de dénoncer la corruption et la faiblesse du personnel politique. Certains d’entre eux, toutefois, n’excluent pas que la présidente change d’avis si son parcours politique d’ici les élections de 2004 lui permet de rassembler sur son nom les suffrages d’une large majorité de Philippins.

Le 30 décembre 2002, Gloria Arroyo a choisi la ville de Baguio pour annoncer sa décision. Dans une intervention télévisée, elle a profité de l’anniversaire de la mort du héros national Jose Rizal pour expliquer que son geste était inspiré par le sens de la nation et du sacrifice dont avait fait preuve Jose Rizal, exécuté par les autorités coloniales espagnoles en 1896. Déclarant que sa personne avait été au centre des “événements qui depuis deux ou trois ans ont divisé la nation”, elle a dit que son cabinet et elle voulaient consacrer la petite année et demie restant avant les élections de 2004 à renforcer l’économie, à créer plus d’emplois, à éliminer la corruption, à travailler pour des élections honnêtes en 2004 et à panser “les profondes divisions de notre société”. Elue en 1998 vice-présidente de Joseph Estrada, Gloria Arroyo occupe le palais présidentiel depuis janvier 2001, date à laquelle une coalition rassemblant des militaires, les milieux d’affaires, la hiérarchie de l’Eglise catholique et les classes moyennes de Manille a obtenu la destitution du président Estrada sans passer par la procédure constitutionnelle de l'”empêchement” (impeachment).

Commentant cette décision le 2 janvier 2003, Mgr Orlando Quevedo, archevêque de Cotabato et président de la Conférence des évêques catholiques des Philippines, a salué le geste de la présidente, déclarant que le reste du personnel politique du pays devrait s’inspirer de l’“exemple de sacrifice de soi” donnée par Arroyo pour le bien commun. Il a ajouté que l’ambition d’Arroyo visant à mettre fin aux calculs politiciens “confirme malheureusement” que la politique aux Philippines se résume à “un art de l’autodestruction”, ceci expliquant le relatif échec de son gouvernement depuis deux ans.

D’autres évêques, et parmi ceux-ci un certain nombre qui n’ont pas hésité ces derniers mois à dénoncer l’insuffisance de l’action du gouvernement au sujet de Mindanao ou de la lutte contre la pauvreté, ont également salué l’annonce surprise de Gloria Arroyo. Mgr Teodoro Bacani, évêque de Novaliches, par exemple, qui a régulièrement déploré l’inaction des autorités pour répondre aux besoins des squatters, des vendeurs de rue et des travailleurs dont les salaires ne suffisent pas à sortir de la pauvreté (1), s’est dit “très heureux et soulagé”. Pour Mgr Antonio Ledesma, évêque d’Ipil et président de la Commission épiscopale pour le dialogue interreligieux, les habitants de Mindanao d’une façon générale et les victimes des exactions du groupe Abu Sayyaf en particulier ont perdu confiance dans l’armée, dont des membres sont fortement soupçonnés d’avoir laissé filer des hommes d’Abu Sayyaf en juin 2001 (2). Selon Mgr Ledesma, le geste de la présidente vient à point nommé pour tenter de restaurer l’“unité de la nation unité qui ne sera pas restaurée, a-t-il précisé le 8 janvier, par la formation évoquée ces jours-ci d’un “gouvernement d’unité nationale” si les valeurs et une vision commune de la nation et de la politique ne sont pas au centre de ce projet.

Pour Mgr Oscar Cruz, archevêque de Lingayen-Dugapan, très impliqué tout au long de l’année 2002 dans la lutte contre la corruption, les jeux clandestins d’argent et le trafic de drogue dans son diocèse, la décision de Gloria Arroyo tient du “trait de génie” car, “n’ayant plus d’ambitions”, la présidente devient inattaquable et pourra se consacrer pleinement aux maux dont souffrent les Philippines. Selon Mgr Cruz, la présidente peut échouer à réaliser ce qu’elle a promis le 30 décembre mais, si elle réussit, “les gens lui demanderont de se présenter” et “elle aura alors plus de chances de se faire élire qu’elle n’en aurait eu autrement”. Citant les valses-hésitations dont a fait preuve la présidente au sujet de l’abolition de la peine de mort (3), Mgr Cruz a conclu : “Vous devez vous souvenir qu’elle dit une chose et finit par faire son contraire.”