Eglises d'Asie

Les nationalistes hindous au pouvoir s’efforcent de réécrire les manuels d’histoire en fonction de leurs croyances

Publié le 18/03/2010




La victoire électorale du Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP) au Gujarat a raffermi un peu partout dans le pays les positions de l’extrême droite hindoue. Celle-ci, a, en particulier, relancé sa tentative pour imposer ses propres conceptions de l’histoire indienne dans les manuels de l’ensemble des écoles du pays, par le biais d’une réforme de l’éducation en cours. Un certain nombre de points historiques embarrassent en effet les tenants de l’assimilation de la culture indienne à la culture religieuse hindoue, des points qu’ils voudraient voir gommer des livres d’histoire. Ainsi, le fait que les premiers textes de l’hindouisme soient associés à la venue en Inde d’une population aryenne arrivant du nord-ouest entre 1500 et 1000 avant J.-C. vient contredire leur thèse générale. De même, en est-il de l’idée qu’il existe une civilisation de la vallée de l’Indus qui a précédé la civilisation védique. Les partisans de (la théocratie hindoue) refusent de penser que l’hindouisme ait pu naître d’un mélange de cultures et de peuples divers.

Voilà déjà longtemps (1) que la révision des manuels scolaires du pays a été lancée par le pouvoir fédéral, la constitution du pays accordant au gouvernement central le pouvoir d’imposer ses programmes aux divers Etats. Le Conseil national de la recherche dans le domaine de l’éducation et de la formation, organe du gouvernement central chargé d’établir le programme national et de superviser les études primaires et secondaires, vient de publier le premier volume d’une série de nouveaux manuels scolaires traitant de sciences sociales et d’histoire. L’annonce de la révision de ces manuels au cours des mois précédents avait déjà donné naissance à une controverse générale de la part des représentants des minorités religieuses et d’un certain nombre d’historiens de renom. La récente publication a relancé les critiques qui se sont élevées en grand nombre pour fustiger la vision partisane de l’histoire dont témoigne le nouveau manuel d’histoire.

Les auteurs du manuel ont omis dans leurs textes de nombreux faits historiques embarrassants pour leurs thèses. Ainsi, aucune mention n’y est faite de l’assassinat du Mahatma Gandhi par un fanatique hindou. Mais cette omission que les responsables du manuel ont promis de réparer est loin d’être la seule déformation des faits commise dans le nouveau livre. De nouveaux chapitres de l’histoire indienne ont été ajoutés. On peut y découvrir l’existence d’une nouvelle civilisation, appelée la civilisation “Indus-Saraswati” qui prend la place de la civilisation de la vallée de l’Indus que les historiens font généralement débuter aux alentours de 4000 ans avant Jésus-Christ et qui a duré quelque 2000 ans. Cette adjonction du terme “Sarawasti” désignant un ancien fleuve, élément central du mythe hindou, veut montrer que la civilisation de la vallée de l’Indus est en réalité partie intégrante de la culture védique. Alors que, selon les historiens, il n’existe pas de manifestation identifiable de celle-ci avant 1700 avant J.-C., le manuel la fait surgir dans le pays sans lui attribuer aucune date.

Déjà, dans les Etats pionniers en matière comme le Gujarat, des milliers d’étudiants se plongent dans les nouveaux manuels édités par les associations de l’extrême droite hindoue comme la Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS). Ils y apprennent par exemple que “la culture aryenne est le noyau de la culture indienne et que les Aryens constituent la race indigène” ou encore que “l’Inde est la demeure originelle des Aryens les chrétiens et les musulmans n’étant que des étrangers (2).