Eglises d'Asie

A Macassar, quatre cents leaders religieux venus de tout le pays critiquent vigoureusement l’incapacité du gouvernement à mettre fin aux conflits interreligieux à Célèbes et aux Moluques

Publié le 18/03/2010




Les 15 et 16 janvier derniers, environ quatre cents responsables religieux venus de tout le pays se sont réunis à Macassar, chef-lieu de la province de Célèbes-Sud, pour débattre de la situation aux Moluques et à Célèbes, théâtres de violents affrontements interreligieux ces trois dernières années qui ont causé la mort de plus de 7 000 personnes, chrétiens et musulmans pour la plupart. Tout en soulignant les progrès réalisés depuis la signature des accords de Malino (1), ces responsables religieux n’ont pas ménagé leurs critiques à l’adresse de l’actuel gouvernement au pouvoir à Djakarta. Ils lui reprochent en particulier son incapacité à résoudre les problèmes de fond qui sous-tendent ces conflits et voient en cette incapacité la cause de la violence larvée qui sévit toujours dans la région de Poso, à Célèbes, et d’Amboine, aux Moluques (2).

Selon Hasyim Muzadi, président de la Nahdlatul Ulama, la plus importante organisation musulmane de masse du pays, le gouvernement fait preuve de “lenteur” face à la violence diffuse qui se manifeste encore aujourd’hui dans ces deux régions. Les autorités manquent “de leadership et de constance en particulier quant à la bonne administration de la justice, a-t-il ajouté lors d’une session où étaient présents, entre autres, le ministre des Affaires religieuses du gouvernement, Said Aqil Hussein Al-Munawwar, et un haut responsable national de la police, Erwin Mappaseng. Le président de la Nahdlatul Ulama a poursuivi en affirmant que le gouvernement ne devait pas se décharger de la gestion de ces crises sur les autres secteurs de la société, en particulier sur les responsables religieux. “Mettre fin à la guerre est le travail de tous, mais, dans le cas présent, le gouvernement devrait rester en première ligne a-t-il insisté. D’autres participants à la rencontre sont allés dans le même sens, estimant que le gouvernement agissait tel “les pompiers intervenant sur l’incendie une fois que celui-ci a causé de grands dommages.

Pour certains participants à la rencontre, le gouvernement doit cesser d’utiliser les conflits interreligieux comme une “matière première politique” au service de ses intérêts. De façon à mettre un terme définitif aux violences à Amboine et à Poso, il est urgent que les autorités mettent en ouvre de “réelles solutions” pour répondre aux besoins vitaux des habitants de ces deux régions, que ce soit en matière d’emplois, de reconstruction, de retour des personnes déplacées ou de remise en marche des services publics.

Retenu à Djakarta par une réunion du Comité permanent de la Conférence épiscopale catholique, le cardinal Julius Darmaatmadja, archevêque de Djakarta, avait fait parvenir un message aux leaders religieux réunis à Macassar. “La chose la plus essentielle est que la nation, y compris les responsables religieux présents ici, reconstruise la confiance et le respect mutuel entre les croyants des différentes religions pouvait-on lire dans ce message. Selon Mgr Johanes Liku Ada, archevêque de Macassar, l’un des aspects les plus significatifs de la rencontre a précisément été le respect que les uns et les autres se sont témoignés mutuellement. Auparavant, a-t-il expliqué, les chefs religieux étaient principalement préoccupés par la croissance du nombre de leurs fidèles ; à l’occasion de cette rencontre, “un changement d’état d’esprit” s’est fait jour : les responsables bouddhistes, chrétiens, hindous et musulmans ont réalisé l’importance de collaborer ensemble au développement et à la promotion des valeurs humaines. Les responsables religieux, a-t-il poursuivi, “ne se sont pas opposés, se rejetant mutuellement les torts, mais ont débattu ouvertement et harmonieusement des questions liées à la paix”. Se rapportant aux conflits intercommunautaires des ces trois dernières années, un des participants s’est exclamé : “S’il vous plaît, plus de mensonges entre nous !”