Eglises d'Asie

Selon Human Rights Watch, la répression sur les Hauts Plateaux du Centre Vietnam a augmenté en intensité au cours des derniers mois

Publié le 18/03/2010




Dans un nouveau document publié le 21 janvier 2003 (1), l’organisation américaine de défense des droits de l’homme Human Rights Watch attire l’attention sur l’aggravation de la répression policière qui s’exerce depuis près de deux ans sur la population des Hauts Plateaux du Centre-Vietnam. Selon Mike Jendrzejczyk, responsable de la division ‘Asie’ de l’organisation, “presque deux ans se sont écoulés depuis que les manifestations de février 2001 ont eu lieu, mais la répression exercée contre les Montagnards est plus dure que jamais. Ceux-ci sont interrogés, arrêtés, battus, emprisonnés, pour la simple raison qu’ils sont chrétiens ou sont suspectés de soutenir le mouvement pour la restitution des terres et la liberté religieuse”.

Au cours des deux ans écoulés, plus de deux cents Montagnards ont été emprisonnés pour avoir participé aux événements de février 2001, ou bien pour être allés chercher asile au Cambodge pour eux ou pour leurs compatriotes. Aujourd’hui, 70 d’entre eux purgent des peines de longue durée. Ces deux derniers mois, les arrestations se sont multipliées et trente nouveaux militants montagnards ont été placés en détention. Pour la seule période des fêtes de Noël, une douzaine des chrétiens montagnards ont été appréhendés alors que de nombreuses cérémonies de Noël ont été interdites, la consigne étant d’empêcher tout rassemblement de la minorité chrétienne à cette époque. Dans le district de Krong Ana, dépendant de la province de Dak Lak, durant la troisième semaine de décembre, six fidèles ont été arrêtés alors qu’ils participaient au culte. Huit autres ont été appréhendés alors qu’ils essayaient de passer la frontière du Cambodge. Le mouvement de répression s’est poursuivi au cours du mois de janvier. Dans le district de Chu Pah, province de Gia lai, huit Montagnards ont été arrêtés les 11 et 16 janvier. Le rapport de Human Rights Watch signale également une très importante vague d’arrestations qui ont eu lieu en août et septembre 2001. Elles ont visé, selon les autorités locales, des militants se préparant à mener des manifestations le jour de la fête nationale. A cette époque, des dizaines de personnes ont disparu où se sont réfugiées dans la clandestinité.

La plupart des personnes arrêtées sont gardées en prison plus de six mois avant d’être jugées. Lorsque les militants montagnards sont traduits devant les tribunaux, les procès sont extrêmement rapides et ne durent jamais plus d’une journée. En outre, les personnes impliquées dans ces procès fermés au public et à la presse internationale ne bénéficient de l’aide d’aucun conseiller ou avocat indépendant. Dans un document annexe de six pages ajouté au rapport, l’organisation humanitaire dresse une liste partielle de 70 Montagnards traduits devant des tribunaux populaires de Gia Lai, de Dak Lak, de Ayun Pah (Gia Lai) ou condamnés à des peines de prison sans que l’on ne connaisse ni la date ni le lieu du jugement (2). Ces jugements et ces condamnations, la plupart du temps signalés par la presse officielle locale, se sont étalés de septembre 2001 à décembre 2002. Les peines infligées les plus graves se sont élevées jusqu’à 12 ans de prison. Généralement, les inculpés ont été condamnés à des peines allant de 5 à 10 ans de prison. Le dernier procès a eu lieu au tribunal populaire de la province de Dak Lak, le jour de Noël, le 25 décembre 2002. Les huit Montagnards traduits devant les juges, avaient, à la même époque l’année précédente, été ramenés de force au Vietnam par les polices vietnamienne et cambodgienne, alors qu’avec 167 de leurs compatriotes, ils cherchaient refuge dans un camp de réfugiés au Cambodge. Un d’entre eux a été condamné à 10 ans de prison et quatre ans d’assignation à résidence, les autres à 8 ans de prison et 4 ans d’assignation à résidence.

Le rapport de Human Rights Watch s’appuie également sur un certain nombre de documents non connus jusqu’à présent dont il présente des extraits. Il fait état principalement d’une directive interne du Parti communiste vietnamien intitulée “Matériel de propagande et de lutte contre les desseins des forces ennemies pour établir une nation Dega indépendante et un protestantisme Dega” et datée du 22 octobre 2002. La directive fait l’amalgame entre l’organisation politique visant à la création d’une nation indépendante appelée Dega et le protestantisme appelé du même nom qui, selon les auteurs du document n’est pas une véritable religion. “Il s’agit d’une organisation politique réactionnaire s’affichant comme une religion mais destinée à organiser la lutte de la population pour la création d’une nation Dega… » La directive énonce et décrit les moyens à employer dans la lutte contre la propagation de cette religion. Il demande que soient dénoncées toutes tentatives d’évangélisation par les adeptes de la religion Dega ainsi que les rapports entretenus par ceux-ci avec l’étranger. Selon cette directive, l’organisation chrétienne Dega compterait quelque 150 membres, dans huit districts, 22 communes et 37 villages. Mais, fait remarquer le rapport de Human Rights Watch, le rapport englobe dans le même soupçon les 440 autres communautés protestantes des Hauts Plateaux qui, en principe, sont rattachées à l’Eglise évangélique.

D’autres documents, émanant de l’Eglise évangélique du Sud-Vietnam, Eglise ayant reçu la reconnaissance officielle de l’Etat au début de l’année 2001, sont portés à la connaissance du public par le rapport de l’Association humanitaire. Une requête signée du révérend Duong Thanh, président en exercice du Conseil exécutif de l’Eglise évangélique, et envoyée au Premier ministre le 19 octobre 2002 (3) a dressé un tableau dramatique des persécutions subies par les communautés protestantes montagnardes. Quelques jours auparavant, lors de sa réunion annuelle du 7 au 12 octobre 2002, la Conférence épiscopale catholique avait envoyé une dénonciation de la persécution des catholiques montagnards (4) à l’Assemblée nationale du Vietnam rapportant des faits du même ordre. A la même époque, une lettre du secrétaire général de l’Eglise évangélique du Vietnam, le révérend Thai Phuoc Truong, faisait savoir que, dans la province de Dak Lak, 354 des 412 églises avaient été fermées et que leurs responsables étaient persécutés (5).

Selon les auteurs du rapport, les requêtes envoyées par les Eglises aux plus hautes autorités semblent n’avoir eu jusqu’à présent aucune influence. D’ailleurs, le rapport de l’association américaine, lui-même, a été rejeté en bloc, le 23 janvier dernier, par la porte-parole des affaires étrangères qui n’y a vu que “calomnie, invention et déformation”.