Eglises d'Asie

La lettre de l’archevêque de Saigon au Comité d’union du catholicisme, bien que connue de tous, est pratiquement ignorée de la presse officielle

Publié le 18/03/2010




Si la lettre de l’archevêque de Hô Chi Minh-Ville dénonçant le régime aliénant et injuste sous lequel est placée la société vietnamienne (1) a rapidement été diffusée sous le manteau et vite connue à l’intérieur comme à l’extérieur du Vietnam, elle n’a, par contre, à notre connaissance, eu pratiquement aucun écho dans la presse officielle vietnamienne qui jusqu’à présent n’a fait paraître aucune analyse ou critique à propos d’un document pourtant important. A notre connaissance, seul l’hebdomadaire Catholicisme et Nation, organe de presse du Comité d’union à Hô Chi Minh-Ville, y a fait allusion, tout en refusant d’en dévoiler le contenu (2).

C’est dans la rubrique des réponses aux lettres de lecteurs, rubrique tenue par le directeur de la revue, le P. Truong Ba Cân, qu’il est fait référence à cette lettre. La revue commence par reproduire entre guillemets ce qui semble être le texte intégral d’une lettre de lecteur. Ce dernier fait référence au Congrès du Comité d’union du catholicisme qui a eu lieu au début du mois de janvier à Hanoi (3) et il s’indigne que quatre prêtres, membres importants du Comité, parmi lesquels le P. Truong Ba Cân, aient, chacun d’eux, accordé une interview au quotidien Nhân Dân, organe du Parti communiste vietnamien, interview dans laquelle chacun des quatre prêtres, à l’exception d’un seul qui émet des réserves, se félicite de la liberté religieuse régnant au Vietnam. Mais, dit le lecteur, “ces prêtres sont des hommes de l’Etat, il est normal qu’ils parlent pour faire plaisir à l’Etat Le lecteur rapporte ensuite que, grâce à une radio émettant de l’étranger, il a eu connaissance de la lettre envoyée par l’archevêque de Saigon au Congrès du Comité d’union. Selon lui, l’archevêque décrit avec une grande franchise le grave déclin de la société vietnamienne. Le lecteur se pose alors la question : “Pourquoi cette lettre n’a-t-elle pas été lue au cours du Congrès ? Pourquoi n’a-t-elle pas été reproduite dans la revue Catholicisme et Nation 

Au cours de sa réponse qui comporte deux pages de quatre colonnes, le P. Cân fait une première allusion indirecte aux affirmations de Mgr Mân dans sa lettre, sans le nommer. Celui-ci avait affirmé que les religions comme la société vietnamienne étaient placées sous le régime du “demander-donner à savoir un système qui fonctionne par demande d’autorisation pour le citoyen et par octroi de permission pour l’Etat. Le P. Cân s’oppose à cette définition, car, écrit-il, la liberté religieuse au Vietnam n’est pas arbitraire mais reconnue par la Constitution et par la loi. C’est la seule allusion faite par le P. Cân au contenu de la lettre. Plus loin, il reconnaît qu’effectivement la lettre de Mgr Mân n’a pas été lue au cours du Congrès. Mais, ajoute-t-il, en tout, six évêques avaient envoyé une missive au Congrès, parmi lesquels l’archevêque de Saigon. Les responsables se sont contentés d’informer l’assemblée de l’existence de ces six lettres. Aucune d’entre elles n’a été lue. Le P. Cân attribue cette omission au peu de temps dont a disposé le Congrès. Beaucoup d’autres interventions, par exemple celle qui avait été préparée par la représentation de Hô Chi Minh-Ville, n’ont pu, faute de temps, être lues devant l’assemblée et ont subi le même sort que la lettre de Mgr Mân. En conclusion de son texte, le directeur de la revue saigonaise insiste en disant qu’il ne faut pas aller chercher ailleurs la raison du silence observé à propos de la lettre de Mgr Mân. Il ne s’agit là que de “l’observation de principes et de pratiques habituelles”.

Avant d’aborder la lettre de Mgr Mân, le directeur de Catholicisme et Nation avait commenté les interviews accordées au Nhân Dân par les quatre prêtres du Comité d’union, à savoir le P. Nguyên Tân Khoa, du diocèse de Da Nang, président, le P. Truong Ba Cân, 7ème dans la liste du présidium, le P.Trân Xuân Cuong, du diocèse de Kontum, 9ème sur la liste et le P. Nguyên Duc Hiêp, de la province de Nam Dinh, Ces interviews qui ont paru le 2 janvier dernier dans les colonnes de l’organe du Parti communiste, avec les discours prononcés au Congrès par le Premier ministre et d’autres officiels, ont tous adopté un ton convenu pour faire un éloge dithyrambique de la politique religieuse du régime. Seule l’interview du P. Trân Xuân Cuong, originaire d’un diocèse où se trouvent des chrétiens issus des minorités ethniques, émet un certain nombre de réserves concernant les difficultés rencontrées par ceux-ci pour bénéficier du ministère de prêtres. Le P. Truong Ba Cân souligne qu’au moins en ce qui concerne son interview, ses propos ont été rapportés avec fidélité. Il confirme qu’il a bien déclaré : “Aujourd’hui, il faut dire que les diverses religions au Vietnam ont des activités très normales. Pour le catholicisme, les jours de fête, les fidèles sont très nombreux. Partout, un nombre impressionnant d’églises ont été restaurées ou construites.” Cependant, il émet plus loin quelques restrictions à cette première affirmation pour conclure en disant que, si en certains endroits, ou dans certains domaines, il existe des choses anormales, c’est parce qu’il n’y a pas eu assez d’efforts accomplis pour régler les problèmes en suspens. “Les lignes politiques, elles, sont claires !”, souligne-t-il en conclusion.