Eglises d'Asie

Moluques : le chef de la milice extrémiste islamique des Laskar Jihad, aujourd’hui dissoute, a été acquitté par la justice indonésienne des charges qui pesaient sur lui

Publié le 18/03/2010




Le 30 janvier dernier, un tribunal de Djakarta a acquitté Jafar Umar Thalib, chef de la milice extrémiste islamique des Laskar Jihad des charges retenues contre lui. Le verdict a provoqué une certaine surprise dans la mesure où, deux jours auparavant, deux dirigeants chrétiens du Front de souveraineté des Moluques avaient été condamnés à des peines de prison ferme et que ce procès avait été analysé par les analystes comme une tentative des autorités indonésiennes de présenter les extrémistes tant musulmans que chrétiens comme également responsables des violences meurtrières qui ont endeuillé les Moluques de 1999 à 2002 (1).

A l’issue du procès, Jafar Umar Thalib a déclaré que le verdict n’était que justice car les charges retenues contre lui étaient artificielles. Le chef des Laskar Jihad était accusé d’avoir tenu un discours incendiaire le 26 avril 2002 devant 2 500 personnes à la mosquée Al Fatah d’Amboine, chef-lieu de la province des Moluques. Deux jours après le discours, un groupe d’hommes masqués avait pris d’assaut le village chrétien de Soya et tué treize personnes. Lors du procès, le ministère public avait requis une peine de prison d’un an seulement, le Code pénal lui laissant la possibilité de requérir sept ans ferme, et avait étayé son propos par une cassette audio enregistrée le 26 avril 2002 à Amboine, alors que la procédure judiciaire indonésienne ne reconnaît pas aux enregistrements sur cassette le statut de preuve. Invitée à commenter le verdict, Sidney Jones, directrice du programme indonésien de Group Crisis, s’est montrée sceptique quant au degré de fiabilité du système judiciaire indonésien.

Aux Moluques, l’annonce du verdict n’a pas créé de remous particulier. A Amboine, l’actualité locale était plutôt dominée par la question du retour chez elles des personnes déplacées. Sur les 330 000 personnes qui ont trouvé refuge ces trois dernières années dans la ville et ses pourtours afin d’échapper aux violences intercommunautaires, un tiers environ a regagné son domicile d’origine. Les deux tiers restant s’interrogent sur leur avenir, le gouvernement central ayant décidé de réduire drastiquement l’aide apportée aux personnes déplacées à travers tout le pays à la date du 16 janvier dernier. Cependant, selon le Centre de crise du diocèse catholique d’Amboine, au lendemain de l’acquittement de Jafar Umar Thalib, une soixantaine d’ex-membres des Laskar Jihad ont été signalés dans le port d’Amboine, débarquant de ferries en provenance de Surabaya, à Java Est, et de Macassar, dans la province de Célèbes-Sud. Si elle est confirmée, leur arrivée constituerait une violation des accords de Malino de l’an dernier (2).

Fondés en 1999, les Laskar Jihad ont prononcé leur autodissolution en octobre 2002 (3) après avoir contribué à semer la terreur aux Moluques où les affrontements intercommunautaires, entre chrétiens et musulmans, ont fait près de 6 000 morts. Les Laskar Jihad n’ont jamais expliqué précisément les raisons de leur autodissolution même si certains observateurs ont pensé que la dissolution du groupe était le prix à payer pour éviter à son chef d’être envoyé en prison. Avant cette date, Jafar Umar Thalib avait déjà eu maille à partir avec la justice indonésienne : en 2001, la police l’avait arrêté, lui reprochant d’avoir présidé à la mort par lapidation d’un des membres des Laskar Jihad (4). Relâché, Jafar Umar Thalib n’a jamais été jugé pour ce motif.