Eglises d'Asie

Papouasie occidentale : les responsables religieux de la province s’opposent à la volonté du gouvernement de diviser la province en trois entités distinctes

Publié le 18/03/2010




Par un communiqué commun daté du 5 février dernier et diffusé à partir de Jayapura, chef-lieu de la province de Papouasie occidentale, les responsables religieux de la province ont signifié leur ferme résolution de s’opposer au projet du gouvernement central, à Djakarta, de diviser la Papouasie occidentale en trois nouvelles provinces, à savoir la Papouasie, l’Irian Jaya central et l’Irian Jaya occidental. Selon Mgr Leo Laba Ladjar, évêque du diocèse catholique de Jayapura, le projet du gouvernement ne peut que susciter des troubles dans la province et perturber profondément la scène politique locale. Lu devant la presse par l’évêque catholique, le communiqué a été signé par le révérend Herman Saud, président de la Communion des Eglises (protestantes) de Papouasie, par Irianto Setiawan, président du Conseil bouddhiste de Jayapura, par I. Dewa Putu Mustika, président du Conseil hindou d’Indonésie dans la province de Papouasie, et par Zubaer D. Hussein, président de la branche papoue du Conseil des oulémas d’Indonésie.

Pour les responsables religieux de la province, le projet du gouvernement s’inscrit en contradiction avec la loi de 2001 sur l’autonomie spéciale concédée à la Papouasie occidentale (1) et qui stipule expressément que la création de nouvelles provinces ne peut se faire sans l’accord de l’Assemblée législative papoue, le DPRD. Les religieux mettent en avant le fait que, pour résoudre la question papoue et la revendication à l’indépendance de certains milieux papous, le dialogue est indispensable. Or, dénoncent-ils, l’attitude du gouvernement de Megawati Sukarnoputri, en cherchant à imposer la division de la province comme un fait accompli, adopte une attitude opposée à celle qui serait nécessaire.

Le projet de division de la province en trois nouvelles entités remonte à 1999. Cette année-là, le gouvernement Habibie avait fait voter une loi prévoyant la division de la Papouasie en trois provinces et celle des Moluques en deux. Pour ce qui concerne la Papouasie, la loi fut en fait promptement enterrée, l’action du gouvernement ayant été perçue par les militants de la cause indépendantiste papoue comme une tentative visant à affaiblir leur mouvement. Des manifestations de rue avaient eu lieu dans la province et avaient culminé par l’occupation des bureaux du gouverneur de la province à Jayapura durant trois jours (2). Après cette date, le président Abdurrahman Wahid avait donné un certain nombre de signes de bonne volonté en direction des indépendantistes, permettant notamment le changement de nom de la province d’Irian Jaya en Papouasie occidentale (3).

Sous la présidence de Megawati Sukarnoputri, les militaires ont repris une influence certaine sur la politique de Djakarta vis-à-vis de la province, faiblement peuplée avec seulement 2,4 millions d’habitants, peu développée dans la mesure où 60 % de la population est analphabète et vit selon un mode ancestral dans des montagnes très isolées mais d’un intérêt stratégique pour l’Indonésie du fait de la présence à Timika de la plus importante mine d’or et de cuivre du monde, à Tangguh d’un gisement de gaz naturel et de plusieurs champs pétroliers. Au début de ce mois, devant un tribunal de Surabaya, un officier de l’armée indonésienne a finalement reconnu ce qui était un secret de polichinelle, à savoir que c’est bien l’armée qui est responsable de l’assassinat en novembre 2001 de Theys Hiyo Eluay, leader de la cause indépendantiste papoue (4). Selon les observateurs, la décision du gouvernement d’accélérer la division de la province serait en partie inspirée par les militaires qui voient là un moyen d’affaiblir le Mouvement pour la Papouasie libre (OPM), principale organisation indépendantiste de la province.