Eglises d'Asie

Tamil Nadu : malgré une terrible sécheresse qui a anéanti leurs ressources, les paysans refusent une assistance jugée par trop humiliante

Publié le 18/03/2010




Malgré la terrible situation économique à laquelle ils sont affrontés aujourd’hui, les paysans du Tamil Nadu, soutenus par la hiérarchie catholique de la région, se sont accordés pour trouver indigne et humiliant le type d’assistance qui leur a été accordé par les autorités de l’Etat. Celles-ci se sont vues obligées de transformer radicalement la manière de venir en aide aux familles éprouvées des cultivateurs du pays.

A la mi-janvier, la persistance d’une très grave sécheresse, la pire de celles qu’a connues l’Etat depuis au moins deux décennies, avait rendu obligatoire l’octroi d’une aide alimentaire gouvernementale à la population paysanne. Le retard des pluies de mousson avait transformé les campagnes de l’Etat en vastes étendues de terres desséchées à l’aspect désolé. La situation avait encore été aggravée par la querelle qui oppose aujourd’hui le Tamil Nadu à l’Etat voisin du Karnataka au sujet des eaux du fleuve Cauvery, retenues dans des réservoirs par ce dernier Etat. En conséquence, les riches terres de l’Etat du Tamil Nadu ont perdu deux moissons successives à près de 60 %, ce qui a eu pour effet de plonger la paysannerie locale dans la ruine économique et la famine. Selon la presse locale, le dénuement est tel qu’il a acculé deux paysans au suicide et qu’au moins 13 autres morts sont en relation avec la sécheres-se actuelle. Au début de cette année, on rapportait que beaucoup de cultivateurs laissaient paître le bé-tail dans les champs de riz pour que les bêtes, elles au moins, puissent survivre. Un éditorial du quo-tidien The Hindu du 27 janvier a présenté une description dramatique de la sécheresse actuelle, parlant de champs grillés et des nombreuses morts survenues dans les familles des cultivateurs de la région.

La première mesure du gouvernement local pour venir en aide à la population des campagnes date du 15 janvier. Elle avait été rendue obligatoire par les critiques de plus en plus acerbes des articles de la presse régionale et par la pression de l’opinion publique. Un repas gratuit journalier devait être distribué aux enfants et aux paysans. Huit jours plus tard, 29 des 30 districts de l’Etat étaient officiellement déclarés touchés par la sécheresse, reconnaissance qui leur permettait de bénéficier d’une aide fédérale. Ainsi au 31 janvier, plus de 1,2 millions de cultivateurs et ouvriers agricoles s’étaient fait enregistrer et avaient reçu des coupons leur donnant droit à un repas gratuit dans les 26 000 centres gouvernementaux de distribution alimentaire. Selon les statistiques locales, 80 % des inscrits bénéficiaient déjà de cette aide alimentaire.

Cependant, dès que sont apparues les premières files de paysans, tenant à la main le récipient destiné à recevoir leur repas quotidien, des voix se sont élevées pour dénoncer le caractère humiliant du type d’assistance accordée aux victimes de la sécheresse. S. Ragunathan, secrétaire d’une association de paysans, s’est dit choqué par le spectacle donné par ces files de mendiants. L’archevêque de Madurai, Mgr Marianus Arokiasamy a déclaré : “Confronté à un tel dénuement et à de telles souffrances, le gouvernement de l’Etat n’a su que distribuer des coupons de repas gratuit aux paysans, ainsi dépouillés de ce qui leur restait encore, à savoir leur dignité.” L’archevêque faisait aussi remarquer que le gouvernement ne s’était résolu à cette distribution alimentaire qu’après que la Haute Cour de Madras, le 8 janvier dernier, lui eut donné l’ordre de soumettre au tribunal un rapport sur la sécheresse et de prendre des mesures d’assistance alimentaire en faveur des paysans.

L’ensemble des réactions aux premières mesures d’assistance alimentaires a obligé le gouvernement à transformer totalement ses premières mesures. Le 31 janvier il annonçait qu’il mettait un terme à la distribution de repas gratuit. A sa place, il procède désormais à une distribution gratuite de trente kilos de riz par l’intermédiaire de magasins gouvernementaux.

Cependant, le conflit opposant le Tamil Nadu au Karnataka à propos des eaux du fleuve Cauvery reste posé. Selon l’archevêque de Madurai, le comportement des autorités du Tamil Nadu sur ce sujet, aurait gravement manqué de sagesse. Le fleuve a sa source dans le Karnataka et traverse cet Etat avant de venir arroser la région du delta située dans le Tamil Nadu, un véritable grenier à riz habité par plus trois millions de cultivateurs et ouvriers agricoles dont la subsistance dépend entièrement de la nature des récoltes de riz. Récemment, l’Etat du Karanataka a refusé d’obtempérer à la requête du gouvernement fédéral lui demandant d’ouvrir ses réservoirs d’eau au profit du Tamil Nadu. Des troubles graves ont alors eu lieu d’abord dans le Tamil Nadu puis, lorsque la requête a été acceptée par les autorités du Karnataka, c’est la population de cet Etat qui est descendue dans les rues.