Eglises d'Asie

MESSAGE DES RESPONSABLES RELIGIEUX INDONESIENS AU PAPE JEAN-PAUL II AU SUJET D’UNE EVENTUELLE GUERRE EN IRAK

Publié le 18/03/2010




Constatant la rapide escalade de la tension dans le dossier irakien, nous, responsables des communautés religieuses d’Indonésie, à savoir, l’islam, le catholicisme, le protestantisme, l’hindouisme et le bouddhisme, ainsi que des artisans du dialogue interreligieux en Indonésie, exprimons notre profonde inquiétude concernant une attaque militaire américaine imminente contre l’Irak. Nous pensons qu’une action militaire, quelle qu’elle soit, n’entraînera qu’instabilité et ne causera que des destructions dans l’ordre mondial qui a été collectivement édifié par la communauté internationale au fil d’un long et difficile processus.

Dans ce contexte, nous sommes très honorés d’avoir l’opportunité d’une audience avec Votre Sainteté. Nous venons au Vatican pour voir Votre Sainteté et témoigner de notre respect pour la position ferme et constante de Votre Sainteté contre l’imminente guerre qui se profile en Irak. Nous tenons à exprimer notre gratitude pour les fortes paroles de Votre Sainteté en faveur de la paix qui sont parvenues jusqu’à notre pays, fort éloigné du Vatican. Nous souhaitons partager notre souci concernant la situation internationale actuelle ainsi qu’obtenir le soutien du Saint-Siège pour nos tentatives morales d’empêcher la guerre en Irak. Nous nous joignons au mouvement mondial pour la paix, unis à vous par la prière pour un monde meilleur fondé sur l’amour, la solidarité, le pardon et la réconciliation.

Nous espérons que notre rencontre avec Votre Sainteté renforcera un mouvement mondial pour la paix déjà très fort et fera avancer la culture de la paix et de la fraternité dans notre pays.

En lien avec la crise irakienne, nous souhaitons exprimer notre position et notre espérance dans les termes suivants :

1. Le conflit entre l’Irak et les Etats-Unis n’est pas un conflit interreligieux. Dans ce contexte, nous notons avec gratitude les efforts entrepris par le Vatican pour empêcher la guerre et ses appels en direction des Etats-Unis et de l’Irak. De même, nous apprécions les efforts du Vatican pour convaincre le monde que le conflit entre ces deux parties n’a rien à voir avec la religion. Ces efforts ont contribué de façon inappréciable à l’amélioration des relations entre les religions.

2. Notre espoir fervent est que Votre Sainteté et le Saint-Siège poursuivent leurs efforts, en particulier si la guerre en Irak ne peut être évitée.

3. Nous souhaitons demander à Votre Sainteté que le Saint-Siège ne cesse pas de demander aux Etats-Unis de s’abstenir de toute action unilatérale au sujet du dossier irakien, et en particulier de recourir à l’usage de la force militaire. Il est impérieux que les Etats-Unis respectent la résolution 1441 du 8 novembre 2002 des Nations Unies et coopèrent pleinement avec les Nations Unies dans la recherche d’une solution pacifique à la crise irakienne.

4. Nous pensons que les efforts visant au désarmement des armes de destruction massive de l’Irak devraient être menés dans le cadre des Nations Unies, par le biais du Conseil de Sécurité. Dans cette perspective, il est nécessaire que le Conseil de Sécurité de l’ONU accorde plus de temps aux inspecteurs chargés d’inspecter les armements irakiens sur le terrain de façon à ce qu’ils terminent leur travail. Le type de décision finale pour résoudre ce problème ne pourra être arrêté qu’après la remise du rapport final des équipes d’inspecteurs et devra recevoir l’accord des membres du Conseil de Sécurité ainsi que celui de la communauté internationale.

5. Nous voulons également demander à Votre Sainteté que le Saint-Siège poursuive ses bons offices pour convaincre le président Saddam Hussein de la nécessité de faire preuve de bonne volonté et de coopérer avec les équipes d’inspecteurs de l’ONU de façon à éviter toute accusation internationale selon laquelle l’Irak a caché intentionnellement ses armes de destruction massive et ne se soumet pas à la résolution 1441 du Conseil de Sécurité de l’ONU. Dans ce contexte, nous accueillons positivement l’attitude plus coopérative montrée récemment par le président Saddam Hussein aux inspecteurs de l’ONU. Nous espérons qu’une telle coopération se développera, en accord avec les dispositions prévues dans la résolution onusienne déjà mentionnée.

6. Nous estimons qu’au cas où le Conseil de Sécurité prenne une nouvelle décision dans l’hypothèse où le président Saddam Hussein enfreigne la résolution du Conseil de Sécurité, toute action soit orientée vers le désarmement de l’Irak et seulement cela, par le biais d’un processus pacifique. Cela pourra inclure, entre autres, l’élimination des armes de destruction massive sans recours à la force militaire. Attaquer des cibles civiles signifie tuer des innocents et laisser des millions d’orphelins, de veuves et d’invalides.

Forts de points susmentionnés, nous voulons redire notre espoir fervent que le Saint-Siège continuera et intensifiera ses messages et ses efforts diplomatiques avec toutes les parties concernées, de façon à trouver une solution juste et pacifique au problème irakien, une solution fondée sur les principes moraux et humanitaires communs à toutes les religions du monde. Les communautés religieuses en Indonésie ne cesseront de prier pour le succès de ces tentatives.

L’histoire nous a enseigné que la guerre n’est jamais la bonne réponse à un problème. Elle n’apporte qu’un immense lot de souffrances humaines et de morts.

Puisse Dieu nous bénir et nous guider par Sa Sainte Lumière dans nos efforts pour bâtir un monde de paix à travers des moyens pacifiques !

Le Vatican, 20 février 2003

Cardinal Julius Darmaatmadja, archevêque de Djakarta

Ahmad Hasyim Muzadi, président de la Nahdlatul Ulama

Ahmad Syafii Maarif, président de la Muhammadiyah

Nurchosish Madjid, islamologue

Natan Setiabudi, président de la Commission des Eglises (protestantes) d’Indonésie

I Nyoman Suwandha, religieux hindou

Bhikku Supeno Alidjurnawan, moine bouddhiste