Eglises d'Asie

Tamil Nadu : la récente loi sur les conversions devient l’enjeu central de la campagne menée à l’occasion d’une élection partielle

Publié le 18/03/2010




La campagne électorale précédant l’élection partielle qui devait avoir lieu le 26 février dans l’Etat de Tamil Nadu a remis à l’ordre du jour la loi destinée à restreindre le plus possible les conversions, qui avait été adoptée le 30 octobre 2002 par l’Assemblée de l’Etat du Tamil Nadu et promulguée le 3 décembre 2003 par son gouverneur (1). En effet, dans la circonscription de Sathankulam où a lieu cette élection destinée à fournir un remplaçant à un député décédé l’année dernière, les chrétiens qui représentent 41 % des 150 000 électeurs ont décidé de choisir leur candidat en fonction de la position adoptée par ce dernier à l’égard de cette loi.

La loi en question dont l’intitulé affirme qu’elle est destinée à prohiber les conversions forcées prévoit une peine de quatre ans d’emprisonnement et une amende de 100 000 roupies pour ceux qui convertiraient une personne appartenant à une basse caste ou à une ethnie minoritaire, ou encore une personne mineure ou de sexe féminin, en utilisant la contrainte ou la séduction. La loi exige également des prêtres des diverses religions qu’ils informent les fonctionnaires du district de tous ceux qui sont introduits à une nouvelle religion par leurs soins. La loi prévoit un an d’emprisonnement pour ceux qui ne se conformeraient pas à cette formalité.

L’élection partielle du 26 février a offert aux chrétiens une occasion d’exprimer leur point de vue à propos d’une loi qui a subi non seulement les feux de la critique des chrétiens du Tamil Nadu mais aussi de l’opinion éclairée d’une grande partie du pays, en particulier de la grande presse nationale. La plupart des responsables d’Eglise se sont montrés soucieux de n’afficher officiellement aucune marque de faveur pour un quelconque candidat. Par contre, ils ont demandé aux fidèles de faire de cette loi la pierre de touche dans le choix des candidats. Le P. J. Edward, curé de paroisse dans la circonscription de Sathankulam, a officieusement conseillé à ses chrétiens de manifester par leur vote leur réprobation à l’égard de cette loi.

Le ministre-président de l’Etat, Mme Jayalalitha Jayaram, et son parti s’étaient à l’époque engagés à fond pour l’adoption de la loi sur les conversions. Conscients de la difficulté de leur situation actuelle, les mêmes se sont efforcés, au cours de la campagne, de gommer leur engagement passé pour s’attirer la sympathie des électeurs chrétiens. C’est ainsi que Mme Jayalalitha Jayaram a fait placarder dans les villages habités par des chrétiens des posters où elle est représentée en compagnie de Mère Teresa. Elle a par ailleurs accompli, pendant quatre jours, une visite complète de la circonscription, ce qu’elle n’avait jamais fait auparavant. Un député de l’opposition a vu là un réflexe de peur. Les candidats de l’opposition appartenant au Parti du Congrès sont également allés solliciter les bénédictions de Mgr Peter Fernando, évêque du diocèse de Tuticorin sur le territoire duquel se trouve la circonscription en question.

Malgré ces sollicitations, l’évêque de Tuticorin n’a manifesté sa faveur pour aucun des partis en présence. Il a fait remarquer que la loi sur les conversions restait un problème fondamental. L’Eglise, a-t-il dit, a été mécontente de voir cette loi adoptée par le gouvernement en dépit des manifestations, des grèves de la faim, des délégations envoyées au gouvernement pour signifier le désaccord de l’Eglise. Le gouvernement, a souligné Mgr Fernando, s’est efforcé de plaire aux partisans de , l’idéologie de l’extrême droite hindoue voulant faire de l’Inde une nation théocratique, alors qu’il avait obtenu le pouvoir dans le Tamil Nadu grâce à l’aide des minorités religieuses à qui il avait promis de respecter le principe de la laïcité.

Cependant, la neutralité de l’évêque de Tuticorin n’a pas été suivie par tous, beaucoup de chrétiens ayant décidé de soutenir sans réserve le Parti du Congrès, qui reste le seul parti d’opposition après que la formation politique locale eut décidé de ne pas présenter de candidats.