Eglises d'Asie

DROITS DE L’HOMME ET LIBERTE RELIGIEUSE AU VIETNAM : DEUX POLITIQUES DISTINCTES ET CONFLICTUELLES – L’expérience protestante – (Un rapport de l’Alliance évangélique du Canada)

Publié le 18/03/2010




A plusieurs reprises déjà, l’Alliance évangélique du Canada a fait paraître des rapports précis et détaillés sur la situation du protestantisme au Vietnam. La plupart ont été traduits et publiés en document annexe dans Eglises d’Asie. Voir, par exemple, “Les droits de l’homme et la liberté religieuse au Vietnam” dans EDA 351, ou encore “Une chance et un risque” dans EDA 329, “Essai de normalisation de l’Eglise protestante”…

dans EDA 325. Le présent document, traduit de l’anglais par M. Nguyên Huu Tân Duc, rassemble une quantité considérable d’informations concernant l’actualité du protestantisme au Vietnam.

 

L’expérience protestante

Le Vietnam d’aujourd’hui est un pays qui recèle d’énormes contradictions. Les visiteurs des villes peuvent abondamment attester les manifestations de la vie religieuse. Eglises et pagodes y sont bien remplies. Effectuant un changement radical par rapport au marxisme historique, les dirigeants vietnamiens ont décidé depuis le milieu des années 1990 de promouvoir en fait, non sans arrière-pensées, “les cultures et religions traditionnelles le culte des ancêtres et d’autres pratiques animistes, spécialement parmi les minorités ethniques. Ces mêmes pratiques étaient naguère méprisées comme vaines superstitions. Le Vietnam admet que la religion est “un besoin pour certaines personnes”, et annonce à grand renfort de publicité la liberté religieuse complète.

Cependant l’Etat exerce un contrôle méticuleux sur les organisations issues des six religions reconnues. Le libre exercice de la religion est strictement limité. Une activité religieuse que l’Etat ne peut co-opter, contrôler et politiser est vite taxée d’“illégale” et donc sujette à une dure répression “légale”, voire à des mesures extrajudiciaires encore plus sévères. Et cela ne va pas en s’améliorant ! Le 24 janvier dernier, lors de la clôture d’un plénum de neuf jours du Comité central du Parti, les dirigeants ont annoncé qu’ils avaient décidé d’“accroître le contrôle de l’Etat sur les affaires religieuses, et pour la première fois, le Comité central a passé une résolution sur les activités religieuses” (1).

De telles assertions donnent le frisson à nombre de croyants protestants, spécialement ceux appartenant aux groupes minoritaires dont on lira ci-dessous quelques témoignages, pris au hasard et forcément incomplets.

Les rapports hebdomadaires reçus par nous font état de descentes “illégales” de police dans un certain nombre d’églises domestiques dont les participants sont inculpés et condamnés à de lourdes amendes.

Des leaders chrétiens sont régulièrement convoqués aux postes de police pour des interrogatoires qui se terminent – et ceci n’est pas rare – par des abus physiques.

Des centaines d’églises ont été fermées et des congrégations dissoutes. Quelque quatre cents églises de la minorité Ede à Dak Lak, dont plusieurs avaient fonctionné pendant des années, furent dissoutes en automne 2002 au motif que quelques chrétiens étaient suspectés d’activités politiques. Nombre de chefs d’églises furent arrêtés dont certains ont été jugés et condamnés. Plus nombreux encore sont ceux qui ont “disparu”, ce qui veut dire soit qu’ils se cachent soit qu’ils ont subi un traitement extrajudiciaire fatal.

Lors de la dissolution de ces églises à Dak Lak, souvent au cours d’une cérémonie publique, leurs chefs sont sommés de jurer de ne plus se réunir pour l’adoration, la prière, l’enseignement ou pour l’administration des sacrements. Les mariages et funérailles selon les rites chrétiens sont interdits.

Les campagnes anti-chrétiennes visant les Hmong et les Montagnards comportent des ‘séminaires’ obligatoires pour étudier la propagande anti-chrétienne et souvent l’obligation de boire une répugnante mixture de sang d’animaux et d’alcool de riz en guise de profession publique de reconversion à l’animisme. Des campagnes se poursuivent également visant à fouiller maison par maison pour trouver des bibles et autres publications religieuses.

La majorité des protestants vietnamiens appartiennent à des peuples minoritaires. Depuis 1975 pas une page des Ecritures ou d’autres ouvrages chrétiens dans leurs langues n’a reçu d’imprimatur des autorités.

Alors que la communauté protestante du Vietnam s’est accrue de 160 000 en 1975 à 1,2 millions en 2002, une seule classe de quinze étudiants en 27 ans a été autorisée à étudier la théologie.

De 1997 à aujourd’hui, quelque 15 000 chrétiens Hmong des provinces du Nord-ouest ont été chassés de leurs maisons et de leurs villages ancestraux pour la simple raison qu’ils sont chrétiens. Devenus malgré eux des réfugiés de l’intérieur, ils traversent de terribles épreuves. Ce déracinement forcé est la cause de bouleversements sociaux et de dommages écologiques puisque, ne pouvant aller nulle part ailleurs, les Hmong sont forcés de couper les plantes anciennes ou les forêts secondaires pour cultiver les champs.

Des centaines de chefs chrétiens ont langui pendant des années dans d’atroces prisons au titre d’“arrestations administratives”. On en compte encore au moins une douzaine. Certains sont morts par malnutrition ou par manque de soins médicaux. En août 2002 un Hmong nommé Mua Bua Senh est mort suite aux coups infligés par des fonctionnaires parce qu’il avait refusé d’abjurer sa foi.

Fin décembre 2002, plusieurs rapports ont signalé des descentes de police chez des chrétiens de la province de Lai Chau au milieu de cérémonies pacifiques, avec confiscation de bibles et usage de gaz nocifs intoxiquant sérieusement un certain nombre de participants.

Même les activités des Eglises évangéliques du Vietnam (EEVN du Sud et EEVN du Nord) – toutes deux légalement reconnues et auxquelles le gouvernement n’attribue qu’un tiers des protestants du pays – sont entravées par le Bureau des Affaires religieuses. En 14 ans, l’EEVN (Nord) n’a pas été autorisée à tenir une seule assemblée annuelle.

Il n’y a qu’un paradigme qui puisse expliquer la différence entre une prétendue ‘liberté religieuse’ apparente maintes fois proclamée et les cruelles réalités dont souffrent la majorité de la communauté protestante du Vietnam comme les croyants d’autres confessions.

Deux politiques distinctes

Les protestants du Vietnam qui ont souffert des années de harcèlement, de discrimination et de persécution, comme ceux qui sont attentifs aux droits de l’homme et à la liberté religieuse sont forcés, devant des preuves irréfutables, de conclure que le gouvernement communiste suit deux politiques, bien distinctes et conflictuelles, en matière de religion.

La première est une “politique publique” inscrite dans la Constitution, qui proclame ostensiblement la liberté religieuse pour tout citoyen. Bien que cette politique ait été appliquée de façon inconsistante, s’appuyant sur des décrets successifs pour limiter de façon draconienne la liberté religieuse et tolérant de nombreuses exactions patentes de la part des fonctionnaires chargés de questions religieuses, les croyants des différentes confessions ont pu néanmoins survivre au Vietnam.

Cette “politique publique” est habilement mise en ouvre par le ministère des Affaires étrangères, le Front de la Patrie, le Bureau des Affaires religieuses et les médias officiels. La propagande d’Etat nie complètement toute atteinte de l’Etat à la liberté religieuse. Les prisonniers de conscience au Vietnam ne sont que des criminels de droit commun. On va parfois jusqu’à revendiquer, sans peur du ridicule, le crédit de la bonne santé des religions, en particulier la rapide croissance de la chrétienté protestante chez les minorités ethniques.

Nombre de visiteurs étrangers et de résidents au Vietnam, y compris les diplomates, se méprennent sur cette “politique publique” et sur les nombreuses manifestations de la pratique religieuse qu’ils peuvent observer : ils y voient des témoignages de la liberté religieuse et acceptent cette “politique publique” comme proche de la réalité.

La seconde est une “politique interne secrètement mise en ouvre au sein de puissants organismes gouvernementaux qui agissent en tant que bras droit du Parti communiste vietnamien. Cette politique n’a rien à voir avec la liberté religieuse telle que définie par la Constitution et supposée protégée par divers lois et décrets. Ses promoteurs et gardiens sont le Parti, le Bureau politique, le Front de la Patrie, le Bureau des Affaires religieuses et les unités spéciales du ministère de la Sécurité publique.

Quiconque dévoile cette “politique interne” et ses manifestations est accusé de réactionnaire et d’ennemi de la révolution communiste, de détraqué mental nourrissant de noirs desseins contre le Vietnam, et donc passible devant la loi. Dans le cas bien connu du P. Nguyen Van Ly, par exemple, sa simple et franche affirmation qu’il n’y a pas de liberté religieuse au Vietnam lui a valu une longue peine de prison pour “crime contre l’Etat”.

Du fait que la “politique interne” contredit en tous points la “politique publique” et qu’elle est appliquée secrètement, il s’ensuit que sa mise en vigueur par les divers organes de la sécurité est extrajudiciaire et extrêmement sévère. Les tentatives des victimes de la “politique interne” d’en appeler à la “politique publique” sont ignorées ou étouffées. De nombreux pétitionnaires qui ont porté plainte et fait appel à cette dernière sont isolés par les autorités locales qui leur font subir de sévères punitions extrajudiciaires.

Lorsque, comme c’est souvent le cas, des abus flagrants contre la liberté religieuse peuvent être clairement prouvés, les autorités attribuent ces exactions à des fonctionnaires dévoyés sévissant dans des zones reculées, qui n’ont sans doute pas bien compris la ligne éclairée de la “politique publique Aussi invraisemblable que cela paraisse, il semble que cette explication satisfait un grand nombre de gens, même des diplomates dont les pays se veulent les défenseurs des droits de l’homme. Apparemment leur vision du monde n’offre pas de place pour un système politique qui agirait avec une si parfaite duplicité. La mémoire des générations de croyants victimes de la cruelle oppression communiste s’évanouit à vue d’oil !

Une documentation volumineuse

Le rapport rédigé par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la tolérance religieuse lors de sa visite en 1998 a mis en lumière les contradictions dans les lois et pratiques du Vietnam en matière de religion. Aucune des recomman-dations de ce rapport n’a été mise en ouvre par le Vietnam.

Depuis longtemps les protestants du Vietnam et leurs frères et amis de par le monde sont au courant de ces deux politiques. Les deux Commissions pour la Liberté religieuse de l’Alliance évangélique mondiale et de l’Alliance évangélique du Canada ont présenté dans le détail les brutales manifestations de la “politique interne” dans un certains nombre de rapports bien documentés (2). Mi-2002 la société International Christian Concern a publié un rapport sur la persécution des chrétiens Hmong (3). Compass Direct, un service de presse spécialisé dans l’observation des persécutions des chrétiens dans le monde, a publié ces dernières années des douzaines de rapports dignes de foi sur les conséquences de l’application de la “politique interne” sur les 1,2 millions de protestants au Vietnam.

Les rapports annuels du département d’Etat américain sur la situation religieuse depuis 1998 ont clairement relaté, parfois de façon discrète, les injustices chroniques subies par les croyants de différentes confessions. Au terme d’une visite au Vietnam début 2002, des membres de la Commission américaine pour la liberté religieuse ont conclu que le Vietnam remplit parfaitement les critères d’une région dite de “préoccupation majeure” – catégorie réservée aux violateurs les plus flagrants de la liberté religieuse.

L’observation minutieuse du Vietnam par les organisations des droits de l’homme telles que Human Rights Watch, et plus récemment Amnesty International, a conduit ces dernières à concentrer leur attention sur les atteintes à la liberté religieuse et aux autres droits de l’homme chez les chrétiens Montagnards des Hauts Plateaux du Centre-Vietnam (4). Pendant plusieurs années, le Centre Freedom House pour la Liberté religieuse a relaté le traitement tout à fait répréhensible que le Vietnam réserve au mouvement des protestants Hmong dans les provinces du nord-ouest (5).

En dépit d’une telle documentation sur les cruautés de la “politique interne” vis-à-vis des religions, l’attitude des démocraties occidentales au regard des atteintes aux droits de l’homme au Vietnam semble pour le moins timide. Les organisations multilatérales osent rarement dire la vérité sur les réalités de ce pays. Certaines agences des Nations Unies donnent une bonne note au Vietnam qui utilise ceci comme preuve qu’il ne peut être accusé de porter atteinte aux droits de l’homme (6).

Voyons quelques preuves spécifiques récentes de cette “politique interne” du Vietnam.

Des preuves spécifiques

Le mouvement des chrétiens Hmong dans les provinces du nord-ouest :

A la fin des années 1980, des membres de la minorité Hmong des provinces du nord-ouest ont commencé à se convertir au christianisme. Selon les estimations les plus prudentes, on y compte au moins 250 000 protestants Hmong. Depuis ses débuts ce mouvement n’a cessé de subir de violentes persécutions de la part de l’Etat vietnamien. Des centaines de chefs chrétiens ont été emprisonnés dans de cruelles conditions. Certains sont restés incarcérés à ce jour. Vers le milieu des années 1990, le Parti changea sa tactique vis-à-vis des chrétiens Hmong. Il commença à promouvoir la religion traditionnelle Hmong traitée jusque là comme parasite et superstitieuse, mais désormais considérée comme bonne et saine afin d’enrôler des Hmong non chrétiens dans la lutte contre le développement du christianisme.

La “politique interne” déclencha sur une grande échelle des campagnes systématiques contre les Hmong, particulièrement dans les provinces de Lao Cai et Lai Chau, afin de stopper sinon d’inverser la croissance du mouvement chrétien (7). Des séminaires et cérémonies, auxquels les participants furent forcés de signer des documents d’abjuration et souvent de boire une mixture de sang d’animaux et d’alcool de riz, étaient organisés dans toute la région. Des brochures et autres matériels de propagande étaient préparés à l’intention des cadres responsables ; certains d’entre eux étaient distribués au public. En octobre 2001 une brochure bilingue (vietnamien/hmong) de 80 pages fut publiée sous le titre “Ne croyez pas les paroles qui distillent du venin de serpent” (8). Les matériels de propagande officielle détournent à dessein le terme hmong désignant Dieu comme preuve d’un complot politique visant à fonder un royaume Hmong. On n’hésite pas à caricaturer grossièrement les croyances et pratiques chrétiennes. Les chrétiens seraient paresseux, ils enseignent aux gens de ne pas travailler et de ne pas remplir leur devoir civique. Ils croient et font croire que les cailloux peuvent se changer en poulets, cochons ou chevaux et que la terre exploserait en l’an 2000. Ces méchants mensonges, répétés à satiété jusqu’à donner la nausée sans fournir aucune preuve, dérivent de la “politique interne 

C’est en grande partie grâce au mouvement chrétien que de nombreux Hmong ont été alphabétisés. Ils ont étudié la Bible et les textes chrétiens dans les deux langues vietnamienne et hmong. Etant devenus familiers avec des chrétiens vietnamiens à Hanoi et jouissant d’un brin de liberté, certains Hmong ont commencé à écrire des pétitions à l’intention des autorités locales et gouvernementales, dans lesquelles ils relatent les abus qu’ils ont subis, citent nommément les fonctionnaires fautifs, et demandent d’avoir la liberté de pratiquer leur croyance comme prévu par la “politique publique liberté dont jouissent apparemment leurs compatriotes vietnamiens à Hanoi.

Des centaines de copies de ces doléances, écrites dans un style simple mais bien articulé à l’intention des autorités locales et centrales, sont parvenues au cours des dernières années aux mains de responsables d’organismes des droits de l’homme. La grande majorité de ces pétitions sont ignorées par l’Etat. En fait, il arrive fréquemment que les pétitionnaires, au lieu de recevoir réparation, se voient menacer et attaquer par les responsables locaux lorsque leur hiérarchie commence à poser des questions aux fonctionnaires fautifs.

Un rapport publié à la mi-2002 par International Christian Concern présente des exemples de telles pétitions ainsi qu’une rare réponse de la part du Comité provincial de Lao Cai pour les affaires ethniques et religieuses (9). Dans cette réponse, les pétitionnaires sont copieusement sermonnés pour avoir violé toutes sortes d’étranges procédures qu’ils n’avaient aucune possibilité de connaître. Les pétitionnaires qui demandaient à être reconnus par l’Etat comme chrétiens et à rejoindre l’Eglise évangélique du Vietnam (Nord), se sont vu rétorquer qu’ils ne pouvaient pas être chrétiens parce qu’ils ne comprenaient pas ce qu’ils croyaient et parce que personne n’approuvait leur conversion. Ils ne pouvaient pas appartenir à l’EEVN (N) parce toute tentative de cette institution d’entrer en contact avec eux était illégale. Ils ne pouvaient pas se réclamer de la “liberté de religion” parce qu’au Vietnam “l’ennemi” exploite cette liberté pour s’opposer à la révolution. Selon ce document, “les fonctionnaires locaux appliquent correctement la politique du Parti et du gouvernement en matière de religion ; ils n’interdisent pas la religion mais les activités illégales telles que la diffusion et l’enseignement de la religion chrétienne, les réunions, la réception et l’usage de livres et littérature sacrés de tout genre, la l’installation d’organisations religieuses dans les hameaux et les villages, la création d’un trésor d’église.» Selon l’étrange logique du système, toutes ces interdictions n’ont rien à voir avec la liberté religieuse : ces activités sont illégales parce la “politique interne” du Parti et de l’Etat dit qu’elles le sont. Dans une réponse antérieure à une pétition bien argumentée des Hmong, des fonctionnaires locaux disaient simplement que la liberté de religion n’était pas faite pour les Hmong. En d’autres termes, la “politique publique” n’était pas pour eux.

Les détails du passage à tabac qui fut fatal à un chrétien Hmong de 36 ans nommé Mua Bua Senh sont dévoilés dans un document de Freedom House en novembre 2002 (10). M. Senh et sa famille avaient écrit sept pétitions entre mai 2001 et juin 2002. Ils portaient plainte nommément contre des fonctionnaires de Dien Bien Dong qui avaient sévèrement battu Senh parce qu’il avait refusé de renier sa foi. Envoyées au gouvernement central, ces pétitions furent totalement passées sous silence. En août 2002, M. Senh, qui avait été transporté de clinique en clinique, mourut finalement suite aux blessures causées par les multiples coups assénés par les autorités. Sa famille écrivit une autre lettre, signée par de nombreuses personnes du même village qui témoignaient que Senh avait été forcé d’abandonner sa religion et qu’il avait été roué de coups pour l’avoir refusé. Envoyée au gouvernement central, cette lettre ne reçut aucune réponse. La famille de Senh et trois autres familles chrétiennes furent par la suite expulsées de leurs maisons par des fonctionnaires locaux. Aucun de ces derniers n’a été traduit en justice. Il est clair que les cadres gouvernemen-taux peuvent violer en toute impunité la “politique publique” sur la religion telle que prévue par la Constitu-tion, parce qu’ils ont à leur disposition une secrète “politi-que interne” de “nettoyage religieux”, visant spéciale-ment les chrétiens de confession évangélique dont ils dé-tournent intentionnellement la dénomination en disant que “le protestantisme évangélique est une religion américai-ne”, afin de justifier leur plan de détruire le “somnifère de l’esprit”. Dans les documents internes comme dans les échanges verbaux avec les chrétiens, les autorités ont utilisé le terme tiêu diêt à propos de la chrétienté protestante. Ce terme signifie “liquider” ou “anéantir”.

La plus grande injustice commise à l’égard des chrétiens Hmong, généralement à l’insu des étrangers, est la violente persécution menée sans répit depuis 1997 qui a poussé quelque 15 000 Hmong à quitter leurs maisons et leurs terres ancestrales du Nord-ouest pour chercher refuge dans les Hauts Plateaux du Centre-Vietnam. Un grand nombre de Hmong, soumis à la menace sournoise ou à la force brute, ont abandonné leurs propriétés. Certains ont pu vendre à perte quelques possessions. Puis ils ont pris la fuite vers le Sud, à plus de 1 200 km. de leurs foyers. Ils n’ont cessé d’être exploités sur la route comme à leur arrivée. Début 2002, un groupe de 120 familles Hmong qui construisaient des abris, défrichaient le sol pour planter des cultures dans le sud de la province de Dak Lak, fut arrêté par l’armée vietnamienne et chassé de son nouveau campement juste au début de leur première moisson. On les transporta vers une zone éloignée sous contrôle militaire située dans l’ouest de la province, pour des travaux de défrichement et de plantation aux profits des militaires avec promesse de rémunération. Mais ces familles n’ont jamais reçu de salaire, seulement de la nourriture pour survivre tant qu’elles travaillaient. Une fois les travaux terminés, on les abandonna à elles-mêmes, sans terre ni assistance. Nouveaux venus dans la région, ces chrétiens Hmong furent particulièrement exposés aux ravages de la malaria, sans pouvoir compter sur l’assistance médicale de la part du gouvernement. La “politique interne” les avait chassés de leurs foyers, elle en avait fait des émigrants illégaux et vulnérables, à la merci de tous les abus. Le gouvernement eut alors l’impudence de les accuser de promouvoir “la migration interne illégale d’être responsables du désordre social et traîtres à l’unité nationale (11).

La persécution des chrétiens montagnards des Hauts Plateaux :

Le nombre de protestants au sein des tribus minoritaires des Plateaux du Centre-Vietnam, que l’on désigne par le terme collectif de “Montagnards”, se monte à plus de 400 000. On compte également un nombre moindre de catholiques chez les Montagnards. En 1975, quasiment tous les chefs de chrétiens montagnards furent arrêtés et soumis à de sévères conditions en camps de rééducation. En 1981, à leur sortie des camps, les chefs d’église survivants retrouvaient une Eglise affaiblie, décimée (12). Après une période de reconstruction, le nombre de croyants protestants a “explosé” (13) dans les années 1990. D’un point de vue sociologique, c’est la situation sans espoir dans laquelle se débattaient les Montagnards – alors que leurs compatriotes vietnamiens accaparaient leurs terres et les tenaient à l’écart du développement social et économique – qui les a conduit à chercher l’aide et le réconfort dans l’ambiance communautaire et d’entraide de l’Eglise.

En dépit du caractère dit “illégal” – au sens où il n’est pas reconnu par le gouvernement – de ce grand mouvement religieux, et bien qu’il ait souffert de harcèlements incessants, de nombreuses nouvelles congrégations ont vu le jour et ont réussi non seulement à fonctionner mais encore à croître. Parmi les églises individuelles un grand nombre comptent jusqu’à plusieurs centaines de croyants. Bien qu’elles fussent historiquement membres de l’Eglise évangélique du Vietnam (Sud), les autorités vietnamiennes ont toujours refusé d’inclure ces églises de Montagnards dans cette institution même après que celle-ci eut reçu la reconnaissance légale en avril 2001 (14).

En février 2001, les Montagnards ont surpris les autorités lorsque plusieurs milliers d’entre eux manifestaient contre l’accaparement de leurs terres par les colons vietnamiens et les atteintes à la liberté religieuse. Une féroce répression s’est abattue sur eux, prenant particulièrement pour cible les protestants qui devaient porter tout le blâme pour les manifestations. La répression a fait l’objet d’un compte rendu minutieux et convaincant par Human Rights Watch, d’abord dans un rapport substantiel publié en avril 2002 sous le titre “Repression of Montagnards: Conflict over Land and Religion in Vietnam’s Central Highlands et plus récemment dans une mise à jour de 20 pages intitulée “New Assault on Rights in Vietnam’s Central Highlands” (21 janvier 2003).

Dans son tout dernier rapport, Human Rights Watch cite un document de 21 pages du Parti communiste intitulé “Matériel de propagande pour s’opposer au projet des forces ennemies d’instaurer une Nation ennemie et le christianisme » (15). Les auteurs de cette pièce de propagande ont conclu sans ambages que pour se débarrasser de cette menace politique patente que représentait un petit groupe de Montagnards d’obédience Dega, il fallait dissoudre l’ensemble des 440 comités directeurs de l’église protestante de la province (16).

Les autorités de Dak Lak, qui avaient depuis longtemps prévenu les chrétiens de leur province que la “politique publique” ne s’appliquait pas à eux, ont trouvé dans l’activité politique d’une poignée de “chrétiens Dega” un alibi commode pour fermer plus de quatre cents églises dans la province à l’automne de 2002. Contre cette mesure, le Rév. Duong Thanh, président de l’EEVN (S) a protesté avec véhémence dans une lettre adressée au premier ministre le 19 octobre 2002. Des douzaines de rapports émanant de chefs d’églises qui avaient été forcés de dissoudre leurs églises et de cesser toute activité religieuse communale furent envoyés à l’EEVN (S) (17). Une méthode utilisée pour disperser les églises et arrêter toutes activités cultuelles a reçu une large publicité sur la télévision d’Etat. Human Rights Watch dispose d’une cassette vidéo d’un programme de 25 minutes diffusé à Dak Lak le 28 septembre 2002.

Un analyste bien au fait des réalités vietnamiennes décrit ainsi cette méthode après avoir visionné la cassette. “Lors de cérémonies , des communautés entières de Montagnards sont rassemblées pour des meetings publics présidés par les autorités locales et provinciales. Dans une séquence on peut lire sur une bannière : “Le Comité directeur de l’Eglise protestante qui s’est lui-même constitué illégalement, se dissout volontairement”. Des pancartes similaires, parfois découpées de façon à inclure le nom du village, apparaissent dans d’autres cérémonies télévisées. La mine des personnes qui paradent, le microphone à la main, pour lire laborieusement leurs confessions et leurs engagements d’abandonner le “christianisme illégal” et de suivre le Parti, était tout sauf “volontaire”. Les piles de “matériels illégaux et dangereux” saisis et montrés à la télévision ne comprenaient que des bibles et des livres de catéchisme. On montre aussi des gens en train de signer des documents comme indication qu’ils les livraient volontairement. Dans une autre séquence, un homme de type tribal, dont l’aspect n’a rien à voir avec le commun des hommes issus d’une minorité ethnique, mais fait plutôt penser à quelque méchant homme des bois, se traîne furieusement hors d’une hutte d’écorce au fond de la forêt et parle à la caméra. La voix off dit en vietnamien : “J’étais un adepte du christianisme protestant pendant cinq ans. Ils n’ont rien fait pour moi, rien, rien, absolument rien !” Cet extrait a pour effet de récuser à la fois le christianisme et les peuples minoritaires.”

Dans le journal provincial de Dak Lak du 17 mai 2002, on pouvait lire sous la rubrique “District de Krong Pak” un article intitulé “161 familles avec 405 croyants ont volontairement abandonné leur foi au christianisme évangélique Ici comme dans le programme télévisé ci-dessus, la “politique interne” déborde dans la sphère publique. Si puissante est la pression de la “politique interne” que des fonctionnaires ne peuvent s’empêcher de se vanter d’avoir réussi à reconvertir des chrétiens à l’animisme, même s’ils doivent l’inventer. En l’occurrence, les chefs chrétiens du district n’ont pu trouver aucune trace de ces 161 familles qu’on dit avoir réellement abjuré leur foi.

Des rapports à usage interne vantent aussi la mise en ouvre de la “politique interne” à l’égard de la chrétienté protestante. Un rapport adressé le 22 mai 2002 par la police de la sécurité publique du district de Khanh Son à sa hiérarchie de la province de Khanh Hoa, se félicite d’avoir “mobilisé 18 familles chrétiennes de 90 personnes à abandonner leur religion”. Dans un autre cas la police de Khanh Son affirme avoir fait des dons de 100 000 DVN (environ 7 US$) comme prime d’encouragement pour obtenir le renoncement au christianisme de neuf familles (18). Aucune mention n’est faite d’une activité politique quelconque. De tels rapports sont la preuve, au delà de tout doute raisonnable, de l’existence d’une “politique interne” anti-chrétienne.

Dans la province de Dak Lak, les autorités ont fait preuve d’imagination en cherchant à couvrir leur décision de fermer les églises. Ils ont ordonné aux fonctionnaires aux niveaux district et village de forcer les dirigeants des Eglises locales (pasteurs, évangélistes et chefs d’églises), spécialement dans le district de Dak Rlap, mais aussi en d’autres lieux, de soutenir les quatre points suivants (19) : il n’y a personne qui porte le titre de “pasteur” ou d'”évangéliste” dans ce secteur. (Car le gouvernement ne reconnaît jamais ceux qui ont été nommés par le Comité exécutif de l’Eglise évangélique du Vietnam (Sud), même s’ils disposent de documents officiels d’Eglise à cet effet.)

Il n’y a pas d’églises dans ce secteur. (Car les autorités ne les reconnaissent pas, même si l’on sait qu’en certains endroits, des centaines de chrétiens se sont réunis depuis de nombreuses années pour prier et ont reconnu par écrit leur appartenance à l’EEVN (S)).

Les comités directeurs des églises locales doivent être dissous.

Les bâtiments des églises doivent être démontés. Si un chrétien utilise sa maison pour organiser des services cultuels, les autorités confisqueront tout le mobilier : rideaux de séparation, tables, chaises. (Récemment, elles ont démoli trois églises dans le district de Dak Lak.)

Pourquoi les chefs d’églises dans ce secteur ont-ils signé de telles assertions fallacieuses contre l’Eglise ? Ils ont signé dans le chagrin et les larmes parce qu’ils ne pouvaient pas résister à la pression des autorités. Ils ont versé plus de larmes encore quand ils s’en repentaient devant Dieu. Les autorités leur disaient que c’était un ordre du gouvernement provincial, et que s’ils ne signaient pas aujourd’hui, ils auraient à signer le lendemain. Et que s’ils ne signaient pas le lendemain, on leur ferait subir une pression continuelle jusqu’à ce qu’ils acceptent de signer. C’est ainsi que la plupart des églises n’ont plus de service religieux et n’ont pas pu célébrer la fête de Noël 2002.

Pourquoi les autorités de Dak Lak obligeaient-elles les chefs d’églises à signer un tel document ? La réponse est qu’elles cherchaient à se protéger contre leurs propres méfaits. A les en croire, il n’y avait que quelques églises dans le secteur et elles les avaient déjà reconnues. Que les quatre cents églises ou plus dont parle le président de l’EEVN (S) dans sa lettre au premier ministre n’existent absolument pas. Et que, de fait, les chefs d’églises ont signé des documents attestant que de telles églises n’existent pas ! Ainsi donc, puisqu’un grand nombre d’églises n’existaient pas, il leur était impossible de les avoir fermées. C’est ce que le chef du Comité populaire de Dak Lak a déclaré à une délégation de l’Union européenne frustrée en visite dans les Hauts Plateaux en novembre 2002 (20). A la même époque, les autorités se plaignaient aux représentants de l’EEVN (S) en visite à Hanoi que des chefs d’églises avaient lancé de fausses accusations, et qu’ils auraient à répondre de leurs calomnies contre l’Etat.

Sur le plan historique, et particulièrement suite à l’agitation de février 2001, les dirigeants de l’EEVN (S) ont réaffirmé le statut apolitique de l’Eglise et, dans une circulaire, mis en garde les chrétiens de Dak Lak contre tout engagement auprès des gens et des idées du mouvement politique Dega. Les autorités ont néanmoins utilisé l’agitation politique d’une poignée de protestants Dega – qui par ailleurs se sont séparés de l’EEVN (S) – comme un alibi pour stopper les activités pacifiques et de longue date religieuses de tous les protestants.

Les organes légaux de l’Eglise :

Le Vietnam a conféré la reconnaissance légale à l’EEVN (Nord) en 1958 et à l’EEVN (Sud) en avril 2001. Cette reconnaissance légale ne sert actuellement qu’à entraver les deux organes d’Eglise. La “politique interne” renchérit régulièrement sur la “politique publique 

Dans une lettre adressée au premier ministre et au Bureau des Affaires religieuses en mai 2002, les dirigeants de l’EEVN (N) se sont plaint de ne pas avoir été autorisés à tenir une assemblée générale depuis 1988 et qu’ils étaient constamment empêchés par les autorités de mener à bien leur mission comme prévu dans leur constitution, déjà officiellement approuvée et supposée garantie par un article de la Constitution sur la liberté religieuse, autrement dit par la “politique publique” elle-même (21). La raison pour laquelle une assemblée générale n’était pas autorisée est que les autorités n’avaient pas réussi dans la mise en ouvre leur “politique interne” qui consiste à contrôler la hiérarchie supérieure de l’Eglise (22). Bien que les dirigeants de l’EEVN (N) aient été poursuivis simplement pour avoir eu des contacts avec les chrétiens Hmong des provinces du Nord-ouest et interdits de contact avec eux, en novembre 2002 ils ont néanmoins, avec courage, commencé à accepter dans leur institution des centaines d’églises Hmong comme cela est autorisé par leur constitution (23). Les autorités étaient furieuses.

La persécution contre les églises Hmong s’est poursuivie sans répit. La “politique interne” triomphe. A la mi-janvier 2003, des rapports inquiétants nous sont parvenus de trois sources indépendantes. Ils rapportent que les 28 et 29 décembre 2002, les services religieux protestants des districts de Dien Bien Dong et de Muong Lai, province de Lai Chau, étaient interrompus par la police qui pulvérisait une sorte de gaz nocif. Les personnes victimes du raid gardèrent brièvement en otages quatre agents de la force publique et les persuadèrent de signer un procès-verbal comme quoi ils admettaient leur responsabilité dans cette agression et ses effets éventuels sur la santé des gens. Peu après l’incident, une femme intoxiquée par le gaz fut victime d’un avortement. Ce document insolite signé par les agresseurs fut remis par quelques-unes des victimes aux représentants du ministère de la Sécurité publique à Hanoi.

Moins de deux ans après avoir reçu la reconnaissance légale, certains dirigeants de l’EEVN (S) estiment leur situation plus compliquée que le statut “illégal” antérieur. Essayer de jouer le jeu “légal” avec le Bureau des Affaires religieuses a peut-être, du moins le croit-on, contribué à la mort prématurée, à 60 ans, du président de l’EEVN (S), le Rév. Pham Xuan Thieu, survenue en juin 2002 (24). Les dirigeants se résignent de nouveau à mener nombre d’activités ecclésiales importantes dans la clandestinité du fait que la “politique interne” est constamment en conflit avec la “politique publique Les autorités ne cessent d’intriguer et de comploter, parfois avec succès, pour manipuler quelques personnalités vulnérables.

Suite à la reconnaissance légale, la demande prioritaire de l’Eglise est l’ouverture d’un séminaire pour la formation des pasteurs. Le 3 janvier 2003, l’EEVN (S) a reçu l’approbation pour ouvrir une classe de séminaire. Avant 1975 elle comptait environ 120 000 membres avec plus de cent étudiants au séminaire de Nha Trang, quelques douzaines à l’Ecole de théologie à Saigon, et quelques centaines d’étudiants des minorités ethniques aux écoles théologiques de Ban Me Thuot et de Dalat. Mais c’était insuffisant par rapport aux besoins de l’Eglise à l’époque. Depuis vingt-sept ans, tous les séminaires sont fermés et l’Eglise n’a reçu aucune permission pour préparer des programmes de formation de séminaristes. De nombreux ministres du culte ordonnés avant 1975 sont déjà morts. Aujourd’hui, alors que l’Eglise compte presque un million de membres actifs, cette nouvelle mesure permet seulement à une cinquantaine de personnes de suivre une école biblique. On appelle cela la liberté ! (25)

Le mouvement des églises domestiques :

Il y a sur l’ensemble du territoire vietnamien plus de 2 000 églises domestiques appartenant à quelque trente organisations évangéliques. Toutes ces églises sont considérées par l’Etat comme “illégales”. Cela signifie qu’à tout moment elles peuvent être l’objet d’une descente de police, leurs chefs et membres accusés d’activité religieuse illégale, condamnés à une amende, détenus ou arrêtés sous le coup d’une mesure administrative. Et cela arrive souvent. Plusieurs de ces organisations d’églises domestiques (pentecôtistes, baptistes, mennonites et autres dénominations) fonctionnaient comme des institutions religieuses avant la prise de pouvoir par les communistes.

Le traitement réservé aux églises domestiques va de l’aimable tolérance au harcèlement constant pour finir par les brutalités physiques et à la persécution pure et simple. Cela prendrait beaucoup plus de pages pour décrire ici les réalités vécues par ces croyants sous le règne de la “politique interne 

Conclusion

Le Vietnam a une “politique publique” qui figure en toutes lettres dans sa Constitution, qui garantit ostensiblement la liberté religieuse aux citoyens. Son application, cependant, reste assujettie au principe selon lequel c’est la responsabilité de l’Etat de contrôler la légitimité et l’orthodoxie religieuses. Le Parti et l’Etat font cela en décidant que tels croyants ou tels groupes méritent la légitimité et en essayant de co-opter la direction de telle ou telle confession. Dans le cas de la communauté protestante évangélique, l’application de cette politique exclut la majorité des croyants. Aux groupes qu’il considère légaux et qui se soumettent à la politique officielle, l’Etat distille à doses homéopathiques et aléatoires une liberté religieuse qu’on estime normale dans bien des pays. L’application de la “politique publique” par le Vietnam, qui reste constamment bien en deçà des critères internationaux en la matière, viole quotidiennement les accords internationaux que le Vietnam a signés.

La réalité est que cette “politique publique” est contrôlée au Vietnam par une “politique interne” draconienne d’inspiration marxiste orthodoxe sur la religion. Non seulement cette “politique interne” conduit à une application trompeuse de la “politique publique mais aussi elle autorise l’Etat à menacer, discriminer, contraindre, harceler et persécuter les croyants. La justification actuelle de cette “vigilance” à l’égard de la religion, c’est-à-dire de la “politique interne est que la religion est l’avant-garde d’un complot international ourdi par les ennemis du Vietnam sous le couvert d’une “évolution pacifique” destinée à renverser la révolution. Les armes de cette évolution pacifique s’appellent “démocratie, droits de l’homme et liberté religieuse”. Comme dans une guerre de guérilla, on fait flèche de tout bois. Ainsi, la puissance de la “politique interne” s’est manifestée au Vietnam lors de campagnes d’envergure et de longue haleine pour “stopper et renverser” le mouvement protestant, spécialement chez les minorités ethniques, grâce à des méthodes extrajudiciaires d’une incroyable cruauté.

Il n’est pas question de faire des cajoleries au Vietnam pour qu’il fasse un peu mieux dans l’application de sa “politique publique Ceci ne peut se réaliser aussi longtemps que règne la “politique interne A cette politique cruelle et inacceptable, doivent faire face les pays démocratiques respectueux des droits de l’homme et les généreux donateurs partenaires des accords bilatéraux et multilatéraux. Ce n’est que lorsque le Vietnam comprend qu’il risque de souffrir de sévères conséquences sur le plan international en poursuivant sa “politique interne” qu’un réel changement est concevable.

Si cet exposé porte principalement sur la liberté religieuse au Vietnam, le paradigme des deux politiques ici décrit pourra expliquer aussi la faillite du Vietnam sur la question des droits de l’homme dans son ensemble.

Commission pour la Liberté religieuse

de l’Alliance évangélique du Canada

Ottawa, Canada

27 janvier 2003