Eglises d'Asie

Goa : même patronnées par le gouvernement BJP, les festivités du carnaval ont perdu de leur éclat et ont été largement commercialisées

Publié le 18/03/2010




Comme les autres années, le gouvernement de Goa s’est efforcé de donner aux festivités du Carnaval autant de pompe et de gaîté que durant les années de la domination portugaise. Les organisateurs avaient même obtenu que le drapeau du ministre-président flotte au-dessus de la parade des chars précédée par le roi Momo, un personnage comique chargé de lire le décret déclarant ouverte la fête du carnaval. Pourtant, le parti au pouvoir, le Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP), s’oppose partout dans le pays à la célébration de toutes les festivités à relent occidental. Le 14 février, des militants du Sangh Parivar, qui regroupe divers groupes de l’extrême droite hindoue, avaient causé de sérieux dommages à un magasin de Bombay vendant des cartes postales de la Saint Valentin. Ailleurs, des milliers de cartes avaient été brûlées. Une version indienne de la fête des amoureux avait même été inventée pour supplanter la fête occidentale. Il n’en est pas de même pour le carnaval de Goa. Il faut dire que dans cet Etat, le carnaval a été introduit il y a quatre siècles par les Portugais. Comme au Brésil, au Portugal et en d’autres lieux, il était célébré trois jours avant le début du Carême. Ce qui, bien entendu, donne une coloration chrétienne à la fête du Carnaval (terme signifiant littéralement : ‘Adieu à la viande !’). Le premier jour de fête débute dans une ville de l’Etat. Les jours suivants, elle se poursuit dans les autres villes de Goa.

Aujourd’hui encore, les anciens de Goa se souviennent de la joie régnant au cours des festivités dans les années 1950. Une vielle dame rappelle : “Nous passions nos nuits à nous promener et à danser dans les rues en costumes de satin tandis que les hommes masqués aspergeaient les dames de parfum. Des batailles simulées avaient lieu durant lesquelles des groupes rivaux se jetaient de la poudre de talc.” Une autre personne âgée évoque la participation spontanée de toute la population. Elle dit : “Des hommes en habits fantaisistes amusaient la foule au coin des rues avec des tours et des jeux appartenant à la culture Konkani.” Un vieux Goanais ajoute : “Ce qui se passe dans le carnaval d’aujourd’hui a peu de chose à voir avec la joyeuse animation de jadis.”

Dès que Goa a été libérée de la domination portugaise, le carnaval a perdu beaucoup de son pittoresque et de sa gaîté. En dépit des efforts déployés dans les années 1970 pour en refaire vivre l’esprit, avec des parades en habits de couleur, à l’imitation du Brésil, jamais la fête n’a retrouvé sa somptuosité d’antan. La fête est aujourd’hui devenue une curiosité, patronnée par l’Etat, surtout destinée à attirer les touristes, plus particulièrement les étrangers. Cette année, les télévisions allemande et russe y étaient présentes. La population locale y participe peu, à part les curieux et les occupants des chars de parade transportés par des camions et décorés sous divers thèmes. La commercialisation y est de plus en plus visible. Cette année, quinze chars étaient sponsorisés par diverses marques célèbres, dont beaucoup de marques de spiritueux. Les chars sont de plus en plus nombreux, chaque année. Le premier jour des fêtes, à Panaji, capitale de Goa, ils formaient un cortège de 79 chars appartenant à ces catégories différentes, comique, traditionnelle, familiale, etc.

Lors de la parade de cette année, nombreux étaient les chars ayant pour ambition de délivrer un message social. Ainsi, sur le char décoré par l’Association des visionnaires, une ONG locale, était déployée une pancarte portant la phrase : “La joie du carnaval est contagieuse mais ce n’est pas le sida.” D’autres groupes avaient composé le décor de leur char sur le thème de la guerre en Irak et donnaient à lire des pancartes du type : “Envoyez leur de la nourriture, pas des missiles !” D’autres associations de l’aide à l’Enfance avaient monté des chars dans l’intention de fustiger la pédophilie et la violation des droits de l’enfant, pratiques existantes chez les touristes fréquentant l’ancienne colonie portugaise.