Eglises d'Asie

Gujarat : des enquêtes conduites par la police dans des établissements chrétiens inquiètent les responsables d’Eglise

Publié le 18/03/2010




Les milieux chrétiens du Gujarat ont exprimé leurs inquiétudes à propos de récentes enquêtes menées par la police locale auprès de diverses institutions chrétiennes de l’Etat, enquêtes dont la finalité leur paraît suspecte. De sources aussi bien protestantes que catholiques, on apprend en effet, qu’au moins vingt établissements d’Eglise ont fait l’objet d’une enquête policière depuis le milieu de février. Selon le P. Cedric Prakash, directeur d’un centre des droits de l’homme, à Ahmedabad, les questions posées par la police aux responsables d’établissements chrétiens de la ville ont concerné la provenance des sommes d’argent reçues, le nombre de pensionnaires résidant dans leurs maisons, le registre des conversions, le nombre des chrétiens et l’éventuelle augmentation de ce nombre, les activités des chrétiens.

Le porte-parole de l’Eglise (protestante) de l’Inde du Nord, le révérend Prakash Singhada et beaucoup d’autres pensent que le gouvernement est à l’initiative de ces enquêtes et qu’il ne veut pas en révéler les véritables motifs. Ainsi, Mgr Gregory Karotemprel, évêque de Rakjot, a été interrogé sur le nombre de chrétiens et d’établissements placés sous son autorité, autant de renseignements qui n’ont rien de secret et sont connus de tous. Par ailleurs les enquêteurs, là où ils se présentent, éprouvent le besoin de faire croire que l’enquête est conduite en vue de la sécurité des chrétiens. Ces derniers sont informés des personnes à contacter en cas de danger.

Beaucoup pensent qu’il s’agit là d’une initiative stratégique visant à justifier à posteriori une prochaine proposition de loi contre les conversions, dans le style de celle qui a été adoptée au Tamil Nadu (1). Celle-ci prévoit une peine de quatre ans d’emprisonnement et une amende de 10 000 roupies (210 euros) pour ceux qui convertiraient des personnes appartenant à une basse caste, à une ethnie minoritaire ou encore attireraient à leur religion des femmes et des enfants en usant de contrainte ou de séduction. Durant la campagne qui a précédé les élections législatives de décembre au Gujarat, gagnées pour la troisième fois par le parti pro-hindou, le Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP), les candidats nationalistes ont promis de promulguer une loi contre les conversions obtenues par la contrainte ou la séduction. Certains affirment même que la loi serait proposée au parlement au mois de mars.

Ces enquêtes policières ont amené quelques évêques de l’Etat à rédiger des circulaires mettant en garde les catholiques et les appelant à ne révéler aucune information. L’un d’entre eux, Mgr Thomas Macwan, de Ahmedabad, a demandé aux institutions catholiques de son diocèse de refuser de donner des informations sans autorisation écrite de sa main. Il a cependant prié les catholiques de faire bon accueil aux officiers de police qui ne font qu’accomplir leur devoir. Plusieurs autres évêques ont envoyé de semblables directives.

Le ministre de l’Intérieur de l’Etat et son secrétaire ont, à plusieurs reprises, démenti que le gouvernement ait donné l’ordre de procéder à de telles enquêtes. Parlant à la presse, le 10 mars 2003, le secrétaire à l’Intérieur a affirmé qu’il était du ressort de la police de rechercher des informations susceptibles d’aider au maintien de l’ordre dans la région, puis a refusé de répondre aux autres questions posées. Ces démentis ont du mal à emporter la conviction et beaucoup pensent que ce genre de comportement pourrait mettre le gouvernement dans une situation embarrassante. Ils rappellent qu’en 1988, les autorités du Gujarat avaient procédé à un semblable recueil d’informations et avaient été obligés d’y mettre un terme après des protestations à l’échelon national. Une autre enquête gouvernementale menée en 1998 avait, elle aussi, fait l’objet d’une action légale et la Haute Cour avait ordonné aux autorités d’interrompre cette initiative dont la motivation apparaissait sectaire.