Eglises d'Asie

L’archevêque de Cotabato, Mgr Orlando Quevedo, s’interroge sur les objectifs poursuivis par les parties en présence dans le conflit qui se déroule à Mindanao

Publié le 18/03/2010




Face au regain des combats et des actes de terrorisme à Mindanao ces dernières semaines, Mgr Orlando Quevedo, archevêque de Cotabato et président de la Conférence épiscopale philippine, s’interroge sur les objectifs poursuivis par les parties en présence. Il dénonce également l’enchaînement de la violence qui se manifeste dans le centre de la région depuis l’assaut lancé par les troupes gouvernementales, le 12 février dernier, contre le camp du Front moro islamique de libération (MILF) à Pikit (1). Dans une récente édition du CBCP Monitor, la publication de la Conférence épiscopale, il voit dans l’attentat commis le 4 mars dernier à l’aéroport de Davao, qui a fait 21 morts (dont un missionnaire protestant américain présent aux Philippines depuis 1978) et 145 blessés, et les différents autres attentats de moindre ampleur commis dans les jours qui ont suivi “un scénario à développement rapide” de rébellion généralisée dans le sud philippin. Aujourd’hui, a déclaré Mgr Quevedo, “le gouvernement va devoir faire face à une guerre menée à coups d’actes de pur terrorisme par une troisième force”.

En utilisant l’expression “troisième force le président de la Conférence épiscopale signifie que la question de Mindanao aujourd’hui ne se joue pas simplement entre le gouvernement et le MILF. Avant que ces deux parties ne s’assoient à nouveau à une table de négociations, la confiance doit être rétablie et, selon Mgr Quevedo, cela ne peut se faire que si des réponses sont apportées aux questions suivantes :

Pourquoi le gouvernement a-t-il ordonné l’assaut du camp de Pikit ? Est-ce pour se saisir de membres du Pentagone, groupuscule évoluant aux marges du banditisme et de la rébellion musulmane ? Est-ce pour stopper une concentration de troupes du MILF qui seraient passées à l’assaut dans le cas d’un déclenchement d’une guerre en Irak ? Est-ce pour se saisir des terres occupées par le MILF pour y développer des plantations ou y chercher du pétrole ? “Où est la vérité ? s’interroge Mgr Quevedo.

Si l’objectif de l’armée est de se saisir des hommes du Pentagone, pourquoi n’avoir pas engagé une concertation à ce sujet avec le MILF comme le spécifient les accords signés dans le passé ? Dans le même temps, le MILF est-il sérieux lorsqu’il dément toute complicité avec le Pentagone alors qu’il est de notoriété publique qu’une partie au moins des hommes de ce groupuscule est constituée d’anciens soldats du MILF ? “Pour les partisans de la paix, qu’ils soient musulmans ou chrétiens, le MILF entame sa crédibilité si il abrite dans ses rangs ou sur les terres qu’il contrôle des éléments terroristes écrit encore Mgr Quevedo.

Qui est aux commandes à la tête de l’Etat ? La présidente Gloria Macapagal-Arroyo ? Une clique de militaires ? “A observer la situation, je ne parviens qu’à une seule conclusion : il existe des divisions au sein du gouvernement, d’une part entre les civils et les militaires et d’autre part au sein de chacun de ces deux groupes écrit l’archevêque de Cotabato. A la tête de l’Etat, il n’y a pas de consensus sur la politique à mener à Mindanao concernant le processus de paix, le MILF et la Région autonome musulmane de Mindanao (ARMM) (2).

Des éléments, selon Mgr Quevedo, profitent de cette absence de leadership. La “troisième force” en présence dans le centre de Mindanao se nourrit du conflit. Tout en prenant garde de ne pas désigner du doigt les militaires, “qui, sans enquêtes préalables, attribuent automatiquement tout nouvel acte terroriste au MILF Mgr Quevedo cite les “profiteurs de guerre” et s’interroge en même temps sur le ou les groupes qui ont intérêt à voir le conflit se prolonger. La perspective d’une guerre prochaine en Irak ne devrait que décider les parties en présence à négocier la paix, au risque de voir ce conflit interminable s’envenimer encore. “En attendant, dans les deux diocèses de Cotabato et Kidapawan, nous avons la charge de plus de 130 000 personnes déplacées, dommages collatéraux d’un conflit qui semble avoir perdu la raison conclue le président de la Conférence épiscopale.