Eglises d'Asie

Un an après les massacres du Gujarat, les victimes attendent toujours qu’on leur rende justice

Publié le 18/03/2010




A la veille du premier anniversaire des massacres du Gujarat (1), l’Union catholique panindienne, un des plus importants mouvements de laïcs de l’Inde, a rendu publique sa profonde préoccupation devant le déni de justice subi par les victimes des massacres de l’année dernière et par leurs proches. S’exprimant devant les médias, le 26 février dernier, le dirigeant national de l’association, John Dayat, a déclaré : “On observe une étrange léthargie chez les hommes de loi lorsqu’il s’agit d’entamer le procès des militants du Sangh Parivar (2) qui ont animé les hordes meurtrières dans les attaques qui ont suivi les incidents de Godhra, alors que ceux qui sont accusés d’avoir incendié le train de Godhra où cinquante-neuf personnes sont mortes ont déjà été inculpés au nom de la loi de prévention du terrorisme (POTA). C’est, en effet, au nom de cette loi, très contestée par les mouvements de défense des droits de l’homme lorsqu’elle a été adoptée en 2002, que le gouvernement a arrêté 123 musulmans accusés d’être à l’origine de l’incendie du train.

Les attaques de l’association de laïcs ont été dirigées principalement contre le gouvernement de l’Etat. “Le ministre-président, Narendra Modi, a fait remarquer John Dayan, et quelques-uns de ses collègues portent leur poids de culpabilité dans les massacres qui ont suivi, quoi qu’il en soit de la valeur de leur récente victoire électorale.” Le véritable test de la démocratie en cet Etat, a-t-il ajouté, sera le temps qu’il faudra pour traduire les responsables des massacres anti-musulmans devant les tribunaux. Le représentant des laïcs catholiques a également exprimé son regret de constater qu’au lieu de rassurer les victimes, de véritables efforts étaient accomplis par les groupes politiques au pouvoir aujourd’hui pour entretenir la terreur au sein des minorités religieuses et pour marginaliser encore davantage les personnes appartenant aux basses castes ou aux minorités ethniques. La confrontation interreligieuse a trouvé de nouveaux champs de bataille, a-t-il dit, y compris les “dargahs” (sanctuaires musulmans) et les lieux de culte. Elle s’est même étendue à d’autres Etats qui, depuis des siècles, vivaient dans le calme. Lors de la manifestation qui s’était autoproclamée “Dharma Sansar” à New Delhi, les gros bonnets du Sangh Parivar ont appelé à frapper les membres du clergé chrétien et sont allés jusqu’à exalter les assassins du missionnaire australien Graham Staines.

Le président de l’Union catholique panindienne a également souligné un événement récent que beaucoup considèrent comme une provocation, “du sel versé sur les blessures des minorités a-t-il précisé, à savoir l’installation du portrait de Savarkar dans le hall central du Parlement, en face de celui du Mahatma Gandhi. Vinayak Damodar Savarkar (18831966) est un brahmane du Maharastra qui codifia la doctrine sociale et politique connue sous le nom de l’« hindutva » et en publia les principes essentiels dans un livre intitulé : “Hindutva : Qui est un hindou ?” (1923). Il affirmait que les hindous constituent une seule nation, justifiant leur demande de bâtir un “hindurashtra” (‘une nation hindoue’) afin de soutenir, protéger et promouvoir les intérêts de la race hindoue (3). Aux dires de John Dayal, en rappelant ainsi une doctrine qui, ces temps derniers, a fait couler tant de sang sur le sous-continent, le gouvernement affiche son mépris pour la laïcité et le pluralisme qui sont les fondements de la démocratie hindoue.

A la fin de la conférence de presse, divers membres de l’association catholique ont évoqué un certain nombre de lois et de mesures dont ils désirent la disparition. Ils ont souhaité l’abrogation de la loi contre les conversions récemment adoptée au Tamil Nadu et qui risque d’être reprise dans d’autres Etats. L’octroi aux dalits chrétiens des divers avantages sociaux accordés aux autres dalits a été une fois de plus demandé. Il a été également exigé du gouvernement qu’il revienne sur les directives interdisant au personnel religieux étranger de participer à des réunions religieuses en Inde.