Eglises d'Asie

Uttar Pradesh : la Haute Cour de justice de l’Etat ordonne des fouilles pour déterminer la présence éventuelle d’un temple hindou sous la mosquée détruite d’Ayodhya

Publié le 18/03/2010




Une décision prise le 5 mars dernier par la Haute Cour de justice de l’Etat d’Uttar Pradesh à propos du site controversé d’Ayodhya a suscité des réactions immédiates dans les milieux directement concernés. Le jugement prononcé par le tribunal indien ordonne de procéder à des fouilles sur les lieux de l’ancienne mosquée détruite pour vérifier si cette dernière avait été effectivement construite sur les ruines d’un temple hindou. C’est en effet ce que prétendaient les groupes hindouistes d’extrême droite qui, en 1992, avaient mené le sac de la mosquée d’Ayodhya, une démolition qui avait été suivie par des troubles opposant les hindous aux musulmans sur tout le territoire du pays et causant un millier de morts (1). Selon ces groupes, les musulmans qui, en 1528, avaient construit la mosquée sur le site d’Ayodhya pour honorer Baber (Zahir ud din Baber, 1483-1530), le fondateur de la dynastie des Moghols en Inde, avaient au préalable rasé un temple élevé sur les lieux mêmes de la naissance de la divinité Rama, un avatar de Vishnu. Cette décision a ravivé les craintes de beaucoup de voir se rallumer un conflit interreligieux qui a déjà fait de très nombreuses victimes. La Haute Cour de l’Uttar Pradesh a demandé à la commission d’enquête du Service archéologique de l’Inde, dépendant du gouvernement fédéral, d’entreprendre des fouilles sur le site controversé et de soumettre un rapport au tribunal infirmant ou confirmant l’existence d’un temple hindou. Le travail d’excavation qui devait commencer le 10 mars est accompagné de mesures de haute sécurité.

Le P. Babu Joseph, porte-parole de la Conférence épiscopale catholique de l’Inde, s’est déclaré préoccupé et a déclaré que “ces fouilles vont forcément avoir des répercussions sur le climat social de l’Inde”. Selon lui, le jugement de la Haute Cour ne peut qu’aggraver les tensions sociales dans le pays. “On ne peut édifier une société cohérente à partir de fouilles effectuées dans son passé… Le cours de l’histoire ne peut être renversé a-t-il fait remarquer. Il a souligné encore que, selon les réclamations exprimées par le Vishwa Hindu Parishad (Conseil mondial hindou, VHP), près de 30 000 lieux de culte musulmans ou chrétiens seraient bâtis sur le site d’anciens temples hindous. Il a souhaité que le regard de tous se tourne vers l’avenir, vers le progrès de l’humanité.

A la suite de la décision du tribunal, des dirigeants musulmans ainsi que certains éditoriaux de la gran-de presse ont appelé à la prudence et demandé à chacun de redoubler de vigilance. Syed Shahbuddin, ancien parlementaire et membre d’une grande association musulmane de l’Inde, a jugé que la décision prise par les juges de la Haute Cour n’était ni judicieuse ni raisonnable. Il a fait remarquer que le Service archéologique de l’Inde, à qui ont été confiées les fouilles, en tant que service gouvernemental, n’est pas une institution indépendante. L’actuel Vice Premier ministre, L.K. Advani, était l’un des dirigeants hindous impliqués dans la démolition de la mosquée. Lui et un de ses collègues sont encore aujourd’hui parmi les personnes mises en examen. En conséquence, Shahbuddin et son organisation ne s’opposent pas à la décision du tribunal mais demandent que les fouilles soient supervisées par une commission archéologique indépendante qui en évaluera les résultats.

Dans les milieux politiques de l’opposition et ailleurs, beaucoup d’objections ont été élevées contre les fouilles ordonnées par la Haute Cour. C’est ainsi qu’un ancien ministre fédéral de la Justice s’est demandé comment un fait historique vieux de plusieurs siècles pouvait intervenir dans les débats démocratiques actuels. Un archéologue, Suraj Bhan, a fait valoir que les recherches ne pourront jamais établir de façon indiscutable la destruction d’un temple hindou au XVIe siècle, mais elles serviront de dangereux précédent aux groupes sectaires qui exigeront encore plus de fouilles.

Les réactions sont, bien entendu, tout autres dans l’extrême droite hindoue. Celle-ci a fait bon accueil à la décision du tribunal, considérée comme le meilleur moyen de trancher la question de la propriété du site, en suspens depuis les événements de 1992. D’ores et déjà, les militants fondamentalistes font état d’une étude réalisée à l’aide d’un radar et d’un scanner par une entreprise géologique indo-canadienne qui apporterait la preuve d’une structure sous-jacente à la mosquée détruite.