Eglises d'Asie

Des responsables chrétiens dénoncent un projet de loi visant à ce que chaque élève reçoive une instruction religieuse conforme à son appartenance confessionnelle

Publié le 18/03/2010




Le 18 mars dernier, 2 000 élèves et enseignants issus des écoles chrétiennes du pays ont manifesté devant la Chambre des Représentants contre un projet de loi stipulant que chaque enfant scolarisé dans les écoles aussi bien publiques que privées reçoive une éducation religieuse conforme à son apparte-nance confessionnelle. Une semaine auparavant, une manifestation pour les mêmes motifs avait eu lieu à Manado, sur l’île de Célèbes. Selon nombre de responsables catholiques et protestants d’écoles chré-tiennes, le texte de loi, qui devrait être soumis au vote des députés le 2 mai prochain, constitue une vio-lation aussi bien des droits des écoles chrétiennes que de ceux de leurs élèves. Pour Cyprianus Murwanto, enseignant catholique, la loi “pourrait ôter aux écoles catholiques ce qui fait leur carac-tère propre et menacer leur développement”. Cependant, s’il semble que, dans les milieux chrétiens, une majorité d’opinion est bien défavorable au projet de loi, l’unanimité est loin d’être acquise.

Selon Frère Heribertus Sumarjo, secrétaire de la Commission pour l’éducation de la Conférence épis-copale catholique, deux dispositions du texte de loi concentrent les critiques des milieux chrétiens. Le premier point concerne l’obligation qui sera faite, dans l’hypothèse où la loi est votée dans son état présent, à tous les établissements scolaires de dispenser un enseignement religieux à chacun de leurs élèves en fonction de l’appartenance confessionnelle de ces derniers. A première vue, explique le frère Sumarjo, une telle disposition paraît aller dans le sens de la défense des droits des élèves, mais en fait elle est contraire au droit constitutionnel d’étudier la religion de son choix. Etant donné qu’une très forte proportion des élèves des écoles chrétiennes est musulmane, le caractère chrétien des établis-sements chrétiens sera amoindri par l’obligation faite de fournir des professeurs musulmans pour les élèves musulmans ainsi que par la nécessité de mettre à leur disposition, dans l’enceinte des écoles, des lieux de culte musulman, voire des mosquées. La seconde disposition contestée par une partie des milieux chrétiens est la partie de la loi consacrée aux mesures applicables aux contrevenants de la loi. Selon un des articles du projet de loi, ceux qui empêcheraient les élèves de recevoir une éducation religieuse correspondant à leur appartenance confessionnelle se verraient menacer d’une peine de prison allant jusqu’à dix ans ou d’amendes pouvant atteindre un milliard de roupies (110 000 euros).

Au début du mois de mars dernier, devant les représentants de treize universités catholiques du pays, Mgr Cosmas Michael Angkur, évêque de Bogor et président de la Commission pour l’éducation de la Conférence épiscopale, a déclaré que les évêques catholiques tenaient la loi pour “discriminatoire” et étaient résolus à obtenir son retrait ou à la faire amender avec l’aide du Parti du réveil national, parti proche de la Nahdlatul Ulama, la plus importante des organisations musulmanes de masse du pays. Pour les évêques, toute loi concernant l’éducation nationale devrait être fondée sur la notion de “pluralisme”. Le 5 mars dernier, le Conseil national de l’éducation catholique et le Conseil de l’éducation chrétienne des Eglises protestantes ont rencontré des députés, des hauts fonctionnaires du gouvernement et des responsables d’organisations musulmanes pour leur demander de faire amender la loi et repousser la date de son vote. “La religion est une affaire personnelle et le gouvernement ne doit pas s’en mêler. Une loi sur l’éducation nationale ne devrait donc pas mentionner la question de l’éducation religieuse ont-ils déclaré à leurs interlocuteurs.

Pour certains responsables d’écoles chrétiennes, l’opposition à la loi ne va cependant pas de soi. En effet, affirme l’un d’eux, sous le sceau de l’anonymat, “des écoles catholiques dispensent déjà un enseignement religieux en fonction de l’appartenance confessionnelle de leurs élèves”, mais “ce qu’elles souhaitent, c’est recruter elles-mêmes leurs professeurs ; en matière de recrutement, elles ne souhaitent pas se voir dicter leurs choix par les autorités”. Pour d’autres responsables, le débat concerne le respect de la liberté des élèves à choisir quel enseignement religieux ils souhaitent recevoir. Ainsi, s’interroge le P. Paul Suparno, recteur de l’université catholique Sanata Dharma, à Yogyakarta, “le fait est que, lors de leur admission dans un établissement catholique, les élèves signent un texte signifiant leur accord pour assister à des cours d’instruction religieuse catholique. Est-ce juste ?” Les écoles catholiques enseignent les valeurs du catholicisme à tous leurs élèves mais “dans de nombreux établissements catholiques, les valeurs ou les cultures véhiculées par les autres religions ne sont pas enseignées poursuit-il, soulignant le fait que les étudiants y sont forcés de suivre des cours de christianisme. Selon lui, pour être honnêtes, les écoles catholiques devraient offrir la possibilité aux non-catholiques de suivre les cours de la religion qu’ils souhaitent.

Selon le Jakarta Post du 19 mars dernier, Akbar Tandjung, président de la Chambre des Représentants, a déclaré aux manifestants chrétiens réunis sur les marches du Parlement que la date à laquelle la loi controversée sera soumise au vote était flexible. Le ministre de l’Education nationale, Abdul Malik Fajar, a pour sa part déclaré que le texte était amendable. Il a toutefois ajouté qu’il pensait que “la loi tenait compte des remarques de l’opinion publique”.