Eglises d'Asie

Goa : à l’occasion d’un réajustement des circonscriptions électorales, le parti au pouvoir tente d’utiliser les antagonismes interreligieux à des fins politiques

Publié le 18/03/2010




Au plus fort de la domination portugaise, la majorité de la population de Goa a toujours été hindoue et la communauté catholique n’a jamais dépassé les 48 %. Aujourd’hui, à la suite de l’émigration de beaucoup de catholiques à l’étranger et de l’afflux dans l’Etat de nombreux migrants originaires du Karnataka, du Maharastra et d’autres lieux de l’Inde, les proportions ont changé et les catholiques ne représentent plus que 30 % d’une population qui s’élève à 1,6 millions d’habitants. En apparence, cette division en communauté majoritaire hindoue et en importante minorité catholique apparaît sans gravité particulière. En réalité, la coexistence des deux groupes, sans être tout à fait antagoniste, est loin d’être tout à fait amicale.

Le mois de mars dernier a, d’une certaine façon, fourni l’illustration concrète de cette division interne de Goa, ainsi que des efforts subtils de la coalition gouvernementale, menée par le Bharatiya Janata Party (BJP, Parti du Peuple indien), pour exploiter la situation à son profit. La première semaine du mois a été marquée par la gaîté et la drôlerie du carnaval (1), manifestation liée pour tous au catholicisme. La troisième semaine, dans les rues, se déroulait la très colorée fête du Shigmo, annonciatrice du printemps. Analogue à la fête célébrée dans le reste de l’Inde sous le nom de Holi, fête des couleurs, au cours de laquelle chacun se défie avec de l’eau colorée et des poudres de couleur, les festivités du Shigmo existaient avant l’arrivée des Portugais et est célébrée à peu près exclusivement par les hindous (2).

Cette division entre les deux communautés est également illustrée par les habitudes électorales propres à chacune d’entre elles. La majorité hindoue a longtemps voté pour le Mahrashtrawadi Gomantak Party (MGP) et, aujourd’hui, donne ses voix au Bharatiya Janata Party. Les catholiques ont longtemps soutenu le Parti uni des Goanais (UGP) et votent actuellement pour le Parti du Congrès. Cependant, l’arrivée à Goa de nombreux migrants venus d’autres parties de l’Inde a contribué à gommer pour beaucoup cette bipolarisation politique. Cette migration a été, d’une certaine façon bénéfique au climat politique dans la mesure où elle a permis à celui-ci de se libérer en partie des influences religieuses et de s’imprégner de davantage d’esprit laïque. C’est également la venue de ces migrants qui a obligé les pouvoirs publics à réajuster les limites des circonscriptions électorales.

Ce processus de délimitation de nouvelles circonscriptions a précisément fait renaître l’antagonisme entre les deux communautés durant la semaine qui a séparé le carnaval chrétien du festival du Shigmo. La commission chargée de la délimitation est assistée d’un comité entre les mains du BJP, chargé de lui fournir les nouvelles données. Le résultat en a été la création de nouvelles circonscriptions électorales, des modifications apportées aux circonscriptions existantes, nettement en faveur du BJP. Cette cuisine préélectorale a suscité la fureur de nombreux membres de la communauté chrétienne. L’éditorialiste du quotidien Herald du 15 mars n’a pas mâché ses mots : “Ceci est une nouvelle preuve que le processus de délimitation est une tentative délibérée et diabolique de la part du ministre-président Manohar Parrikar pour hindouiser (to saffronise) Goa par un effet en retour.” Par la suite, l’éditorialiste explique qu’en polarisant Goa sur ses limites intercommunautaires, le BJP tente de réactiver la division religieuse de l’Etat pour l’utiliser à des fins politiques, les siennes. La conclusion de cette diatribe n’est guère encourageante : “Le problème est que ceux qui sont opposés à Parrikar n’ont guère d’option… Le Parti du Congrès, dans son état actuel, est incapable de résister au mouvement d’hindouisation” (3).