Eglises d'Asie

La Conférence des évêques catholiques condamne la guerre d’Irak en accord avec l’opinion générale du pays et les déclarations du gouvernement

Publié le 18/03/2010




Quelques jours après l’ouverture des hostilités, la Conférence épiscopale de l’Inde s’est prononcée sans ambiguïté sur la guerre menée en Irak par les forces armées des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne. Le 21 mars dernier, lors d’une conférence de presse, son porteparole, le P. Babu Joseph a déclaré : “Faire le choix de la guerre en vue de désarmer une nation est totalement inacceptable, alors que la voie des négociations reste ouverte et est encore possible” (1). Les évêques de l’Inde ont déploré qu’aux négociations menées sous le l’égide des Nations Unies, on ait préféré mener indépendamment une guerre contre l’Irak qui ruine l’autorité de l’organisation internationale. Par suite, leur condamnation de l’initiative guerrière s’est voulue sans nuance : “Ceci est une violation des normes existantes de l’Organisation des Nations Unies qui a été créée précisément pour rétablir la paix dans des situations de crise.” Aussi bien, les évêques de l’Inde demandent à l’ONU de faire pression sur les belligérants afin de mettre un terme aux hostilités le plus tôt possible. Voilà déjà longtemps que l’Eglise en Inde avait exprimé son inquiétude à propos d’une éventuelle guerre en Irak. Le 4 février dernier, un communiqué signé des évêques de l’Inde avait demandé à la communauté internationale d’éviter une guerre en Irak, susceptible de “provoquer une tragédie humaine colossale… dans un pays déjà ravagé par la malnutrition, la pauvreté et les sanctions économiques”.

Des raisons diverses ont sensibilisé les milieux catholiques de l’Inde à cette guerre. Nombreux sont les catholiques parmi les quelque quatre millions d’Indiens qui sont allés chercher un emploi dans le Golfe persique, en particulier au Koweït, à la frontière de l’Irak. Un certain nombre d’entre eux sont rentrés au pays dès avant le début des hostilités forçant le gouvernement indien à les accueillir et leur prêter assistance, tandis que l’inquiétude gagnait la parenté en Inde de ceux qui sont restés sur place. Les catholiques travailleurs dans le golfe persique sont originaires des archidiocèses de New Delhi et de Bombay, mais surtout de l’ensemble des diocèses du Kerala d’où ils proviennent pour une bonne moitié. C’est la raison qui a poussé le cardinal Varkey Vithayathil, président du Conseil des évêques du Kerala, à noter, dans un communiqué de presse du 22 mars dernier, que le Kerala était l’Etat de l’Inde le plus affecté par la guerre d’Irak. Il a appelé le peuple chrétien à la prière et, dès le 23 mars suivant, dans toutes les paroisses du Kerala, des séances de prières pour la paix en Irak ont été organisées (2). Cependant, la raison principale de l’opposition des catholiques indiens à cette guerre est sans doute l’attitude générale du catholicisme mondial, en particulier l’opposition résolue du pape Jean-Paul II à cette guerre. Une association indienne, Aman Ekta Manch (Forum pour l’unité et la paix), a même envoyé une supplique au pape, signée par 2000 personnes dont beaucoup de musulmans, lui demandant de faire le voyage à Bagdad pour empêcher le déclenchement des hostilités (3).

Naturellement, ce sont les milieux musulmans qui ont été les plus choqués par l’attaque américaine. Dès le 20 mars, le plus haut dignitaire musulman en Inde qualifiait l’opération militaire en Irak “d’attaque contre l’islam et l’humanité Il ajoutait que “désormais l’existence des pays musulmans dans le monde était en danger” (4). Le lendemain vendredi, jour de prière, des milliers de musulmans indiens manifestaient en diverses villes du pays, notamment à Lucknow, Bhopal, Ahmedabad et Bombay. C’est au Jammu-et-Cachemire où la population est majoritairement musulmane que les réactions ont été les plus vives. A l’Assemblée législative où les débats ont été ajournés, on a pu entendre “A bas George Bush ! “Honte à Bush ! Des manifestations ont eu lieu dans toute la région, les 20 et 21 mars. A Srinagar, capitale d’été du Cachemire, la police a fait usage de gourdins et de gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants.

Quoique généralement modérées, les déclarations du gouvernement fédéral ont reflété la même désapprobation que celle qui s’est manifestée à la base. Au lendemain de l’annonce de l’ultimatum du président Bush, le ministère indien des Affaires étrangères exprimait sa profonde angoisse et soulignait sa “déception devant l’incapacité du Conseil de sécurité de l’ONU à agir collectivement”. Le 21 mars, lors d’un meeting à Bangalore, le ministre de la Défense, George Fernandes, affirmait : “Nous ne sommes pas en faveur de la guerre !” Le jour suivant, le Premier ministre Atal Behari Vajpayee faisait dire par son ministre des Affaires étrangères qu’il considérait que cette guerre était injustifiée et inévitable.