Eglises d'Asie

Mindanao : selon Mgr Capalla, archevêque de Davao, le désordre qui règne dans la région ne doit pas être exagéré à l’excès pour justifier le retour des Américains dans la zone

Publié le 18/03/2010




Le 14 mars dernier, près de 50 000 personnes se sont rassemblées à Davao en dépit des récents incidents et divers attentats qui ont marqué l’actualité de ces dernières semaines à Mindanao. Réunies à l’occasion de la messe célébrée dans la cathédrale San Pedro en mémoire des vingt-deux personnes mortes dans l’attentat du 4 mars dernier commis à l’aéroport international de Davao (1), elles ont entendu tour à tour Mgr Fernando Capalla, archevêque de Davao, et Gloria Macapagal Arroyo, la présidente des Philippines, lancer des appels à la paix et à la justice. Quelques jours auparavant, lors d’un entretien exclusif avec Eglises d’Asie, Mgr Capalla avait déclaré que l’émotion suscitée à Mindanao par les événements de ces dernières semaines ne devait pas être utilisée à mauvais escient.

Selon Mgr Capalla, l’assaut lancé en février dernier par les troupes gouvernementales contre le camp de Pikit, bastion du Front moro islamique de libération (MILF), a certes été meurtrier, différentes sources mentionnant jusqu’à quatre cent morts. Cependant, cet assaut et les différents attentats qui ont lieu dans les semaines qui ont suivi ne doivent pas laisser penser que Mindanao a versé dans le chaos. Selon l’archevêque de Davao, “la situation n’est ni meilleure ni pire que d’habitude”. Ce qui inquiète le plus fortement Mgr Capalla, c’est ce qu’il perçoit être la manipulation de l’information qui se joue ces derniers temps dans le pays. Les journaux nationaux répercutent les informations fournies par les militaires. Celles-ci sont très exagérées, créant ainsi l’impression que le désordre va croissant dans le sud philippin, a-t-il déclaré.

Pour Mgr Capalla, nombreux sont ceux qui à Mindanao soupçonnent que le renouveau des hostilités entre l’armée et le MILF a été déclenché à dessein par le ministre de la Défense, Angelo Reyes, dans le but de créer les conditions d’un retour des Américains aux Philippines. On peut en trouver la preuve dans le fait que, moins d’une semaine après le début de l’assaut contre le camp de Pikit, les Etats-Unis ont annoncé, le 18 février dernier, le déploiement de soldats américains dans l’archipel des Sulu pour “épauler” l’armée philippine dans la chasse menée par elle contre le groupe Abu Sayyaf (2). Dans ce cadre, le désordre à Mindanao et les liens présumés entre Abu Sayyaf et l’organisation terroriste Al-Qaida justifieraient une intervention américaine.

A Manille, le déclenchement de la guerre en Irak a fait passer au second plan de l’actualité la question de l’arrivée de troupes américaines dans le sud philippin. Le cardinal Sin, archevêque de Manille, a qualifié cette guerre d’illégale sur le plan du droit international et d’immorale quant aux principes chrétiens. Mais la présidente Arroyo a justifié la politique de son gouvernement à Mindanao, la qualifiant de “défense active” visant à maintenir la paix. Tandis qu’une délégation gouvernementale partait le 25 mars à Kuala Lumpur pour rencontrer des représentants du MILF, la présidente déclarait : “Le gouvernement ne cessera pas de rechercher la paix, mais ne laissera aucun groupe perturber la paix et l’ordre à Mindanao [.]. Ce qui se passe à Mindanao n’est pas une guerre à tout prix mais une défense active.” Le 21 mars, au lendemain du début des hostilités en Irak, à l’occasion de la cérémonie de fin d’études des cadets de l’Académie militaire, la présidente a déclaré que les Philippines étaient aux côtés des Etats-Unis dans la guerre en Irak du fait “d’une alliance de sécurité durable” entre les nations luttant contre le “terrorisme” aux Philippines et en Asie. Insistant pour créer un lien entre le soutien philippin à l’entreprise américaine en Irak et le soutien de l’armée américaine à l’armée philippine à Mindanao, elle a ajouté que des “terroristes” dans le sud philippin étaient en lien avec des terroristes en dehors du pays et pouvaient chercher à se procurer des armes de destruction massive.