Eglises d'Asie

Sumatra : l’évêque catholique de Medan s’est engagé aux côtés de ceux qui dénoncent les graves pollutions dégagées par l’industrie papetière locale

Publié le 18/03/2010




A Porsea (Sumatra Nord), une importante fabrique de pâte à papier, la PT Inti Indorayon Utama, fermée en 2000 par arrêté gouvernemental, du temps de la présidence d’Abdurrahman Wahid, pour cause de pollution grave, a obtenu en novembre dernier de rouvrir ses portes. Sous le nouveau nom de Toba Pulp Lestari (TPL), la société entend reprendre sa production. Depuis, les riverains protestent. La pollution de l’air et de l’eau, une déforestation galopante, la baisse des eaux du célèbre lac Toba, la pollution des eaux de la rivière Asahan, les émanations toxiques et les maladies respiratoires au sein de la population avaient en effet emporté la décision du président Wahid. Trois ans plus tard, la nouvelle société a promis un meilleur traitement des eaux usées, un équipement spécial pour neutraliser les émanations chimiques. Elle a promis également le recrutement d’un personnel local, un programme de développement socio-culturel et le recours à un groupement d’inspecteurs indépendants garants d’une production maîtrisée. Mais Mgr Pius Datubara, archevêque catholique de Medan (Sumatra Nord), ne veut pas se laisser impressionner par ces promesses et maintient son opposition à la réouverture de l’usine de pâte à papier : « Comment pourrais-je les croire alors que je les ai vus, armés, employer la force contre ceux qui entendaient s’opposer à leur stratégie ? »

Les médias, en effet, ont rapporté qu’au moment de la fermeture de l’usine en 2000, une douzaine de personnes ont été tuées au cours des heurts violents qui s’étaient produits entre les contestataires, la police et les agents de sécurité de la société. Mgr Datubara affirme qu’il a connu personnellement quatre personnes victimes de cette violence policière et cinq cas d’empoisonnement mortel lié aux émanations toxiques. C’est pourquoi il confirme avoir permis à ses prêtres, à ses séminaristes, aux religieuses et aux étudiants de l’université St Thomas d’Aquin, située à Medan, soit à 130 km. au nord de Porsea, de se joindre à la foule des manifestants. « Voir des gens tomber victimes de cette société me fait pleurer dit-il. En novembre dernier, deux pasteurs protestants et quatorze manifestants ont été mis en examen pour avoir saccagé le bureau du responsable du district de Porsea au cours d’une manifestation et, depuis cette date, sont toujours détenus par les autorités. Avec des responsables musulmans locaux et des pasteurs protestants, Mgr Datubara a rencontré le gouverneur de la province qui leur a avoué son impuissance sur ce dossier : « Je ne suis qu’un représentant du gouvernement central a-t-il argué.

Indorayon, fondée en 1986, est cotée à la bourse de Djakarta et à celle de New York. Parmi les géants de l’industrie papetière indonésienne, elle détient des droits sur 269 060 hectares de forêts de pins dans plusieurs districts de Sumatra Nord. Elle produit chaque année 240 000 tonnes de pâte à papier et 60 000 tonnes de fibres de rayonne qu’elle exporte vers l’Europe, le Japon et les Etats-Unis.