Eglises d'Asie

A l’occasion du nouvel an javanais, plusieurs liturgies eucharistiques se sont inspirées de la culture javanaise

Publié le 18/03/2010




Une paroisse de Yogyakarta, connue pour ses recherches en matière d’inculturation, a inauguré une liturgie plus inculturée à l’occasion du nouvel an javanais (1). A cette occasion, les catholiques avaient revêtu le costume javanais traditionnel. Des fleurs, des fruits et des palmes de jeunes cocotiers décoraient l’autel. Les prières et les lectures étaient psalmodiées en javanais accompagnées d’un orchestre “gamelan”, un ensemble composé d’instruments métalliques à percussion. Au-delà de ces manifestations visibles d’inculturation, le seul fait qu’une messe soit célébrée ce jour-là, le 13 mars dernier, à la paroisse du Sacré Cour de Pugeran à Yogyakarta a sans doute été ce qui a manifesté le plus clairement le rattachement à la culture javanaise. En effet, à l’occasion du nouvel an javanais, le premier jour de “Suro le premier mois du calendrier javanais, est traditionnellement consacré à des exercices spirituels.

Ces pratiques, communes aux adeptes du “kejawen”, le mysticisme javanais, consistent à consommer du riz nature, sans autre aliments, à ne pas boire d’eau pendant 24 heures, à s’immerger dans une des sept rivières sacrées et à tourner en silence autour du “keraton le palais royal javanais.

Yogyakarta est considéré comme le centre de la culture javanaise et la paroisse du Sacré Cour célèbre depuis quelque temps une messe hebdomadaire inspirée de la culture javanaise avec les prières, les lectures et les chants en javanais accompagnés de la musique “gamelan”. Près d’un millier de catholiques venus d’autres paroisses, la plupart des Javanais, dont quelques adeptes du “kejawen”, remplissaient l’église, réputée d’inspiration javanaise de par son architecture traditionnelle avec terrasse et puits au fond du jardin. Trois prêtres javanais animaient cette messe (2).

Selon Emmanuel Suhardjendro, un des principaux organisateurs de cette célébration, l’idée était d’“inviter les catholiques à célébrer le premier jour de Suro selon les deux traditions auxquelles ils appartiennent, javanaise et catholique”. Il a expliqué que ce 13 mars avait été choisi pour cette liturgie parce que c’était le dernier des dix premiers jours de la nouvelle année, le moment du “bubur gandul”, quand “on mange du porridge et quelques mets frugaux d’accompagnement pour signifier que l’on veut vivre une vie simple”. Suhardjendro a aussi souligné que les paroissiens javanais avaient demandé cette messe après que la paroisse eut célébré, pour la première fois cette année, une messe pour le premier de l’an lunaire, très largement suivie par la communauté chinoise (3).

Dans son homélie, le P. Ambrosius Wignyo Sumantoro a rappelé que l’objet de cette messe était de préserver la culture javanaise : “Si les Javanais eux-mêmes ne se préoccupent pas de leur culture, qui le fera à leur place ?” Suro est le premier des douze mois du Saka Jawa, le calendrier javanais. Ce calendrier comprend un cycle de huit ans. L’année actuelle est l’année “Be”. Le calendrier originel suivait l’année solaire mais le comput calqué sur le comput musulman basé lui-même sur l’année lunaire fut imposé il y a 370 ans par un roi javanais. Ce qui fait que le premier jour de Suro est plus ou moins proche du nouvel an musulman, cette année le 4 mars.

A cause de cette proximité et parce que le 4 mars était un jour férié, la paroisse St Ignace de Magelang, pour sa part, a célébré le premier jour de Suro le 3. Près de quatre cents paroissiens dont des adeptes du “kejawen” ont participé à cette première adaptation liturgique. Le P. Johanes Heru Purnomo a rappelé à l’assemblée que le Concile Vatican II avait demandé aux catholiques de tenir compte et de respecter les cultures comme moyens d’évangélisation afin que chacun puisse exprimer sa foi dans sa culture et dans sa propre langue.

Herman Yosef Suprianto, un converti, a expliqué qu’il avait tenu à participer à cette messe parce que lui-même était javanais avant de devenir catholique et qu’il croyait que le premier jour de Suro “possédait un pouvoir mystérieux et sacré”. Il a confié avoir jeûné trois jours à l’occasion de la nouvelle année javanaise, comme lors du Carême, “pour se purifier des scories du monde et développer sa vigilance intérieure”.