Eglises d'Asie

Mindanao : l’Eglise catholique condamne les attentats récemment commis à Davao, attentats dirigés tour à tour contre les populations civiles et trois mosquées de la ville

Publié le 18/03/2010




Le 4 avril dernier, le président de la Conférence des évêques catholiques des Philippines, Mgr Orlando Quevedo, archevêque de Cotabato, a condamné en des termes très clairs les attentats commis la veille à Davao, la grande ville portuaire située au sud de l’île de Mindanao. Le 2 avril, l’explosion d’une bombe déposée sur un embarcadère pour passagers du port avait fait seize morts (dont une religieuse catholique) et une cinquantaine de blessés. De plus, durant la nuit du 2 au 3 avril, trois mosquées des quartiers musulmans de Davao avaient été soit mitraillées soit endommagées par des grenades et des bombes artisanales jetées à l’intérieur de leurs enceintes ; quelques personnes présentes sur place ont été légèrement blessées, les dégâts matériels étant relativement peu importants.

“Comme je condamne dans les termes les plus fermes l’attentat commis sur le port qui a tué nombre de civils innocents et causé un nombre encore plus grand de blessés, je condamne avec la même vigueur les attentats contre les trois mosquées, a déclaré Mgr Quevedo. En s’en prenant aux lieux sacrés que sont ces mosquées, on cherche à enflammer les sentiments religieux et les préjugés que les uns et les autres peuvent entretenir. L’objectif est d’introduire une dimension religieuse dans un conflit qui est, à la base, politique et économique.” S’adressant à la population de Davao, centre portuaire vital pour l’économie de la région et ville relativement épargnée jusqu’à récemment par les violences, Mgr Quevedo a poursuivi en demandant aux uns et autres, catholiques et musulmans, de faire preuve “de retenue et de sobriété”. Par ailleurs, Mgr Quevedo s’est inquiété de la propension des autorités à rendre responsable le Front moro de libération islamique (MILF) de tous les attentats commis dans la région. Une telle attitude, a-t-il déclaré, ne fait que fragiliser un peu plus la paix en poussant de jeunes musulmans, déjà portés à la radicalisation par le contexte international et la guerre en Irak, à rejoindre le MILF, voire des mouvements tels Abu Sayyaf.

Dans les jours qui ont suivi, aucune revendication n’est parvenue aux médias ou aux autorités permettant d’imputer ces attentats à telle ou telle partie en présence dans le conflit qui oppose depuis des décennies les forces armées gouvernementales et les mouvements indépendantistes d’obédience musulmane. Des sources proches des enquêteurs estimaient que les actions contre les mosquées pourraient avoir été menées en représailles de l’attentat sanglant commis sur le port de Davao et pour venger celui commis un mois auparavant, quasiment jour pour jour, à l’aéroport de Davao (1). Pour Eid Kabalu, porte-parole du MILF, l’action contre les mosquées “pourrait avoir eu pour objectif de déclencher une guerre entre chrétiens et musulmans à Mindanao”. Réagissant à l’arrestation à Cotabato City le 8 avril de cinq musulmans soupçonnés par la police d’avoir pris part aux attentats de Davao des 2 et 3 avril et présentés par les autorités comme appartenant au MILF, Eid Kabalu a démenti que les suspects en question appartiennent au mouvement séparatiste musulman. Selon lui, deux d’entre eux seraient connus à Cotabato City pour être des trafiquants de drogue.

Présente dans la région pour la promotion d’un service de ferry destiné à faciliter la circulation des marchandises et aider ainsi au développement économique de Mindanao, la présidente Gloria Macapagal-Arroyo est allée se recueillir dès le 3 avril sur l’embarcadère où la bombe qui a fait seize morts avait explosé. Dénonçant l’état de “violence illégale” régnant selon elle à Davao, elle a ordonné aux forces de l’ordre de “prendre toutes les mesures nécessaires” pour que “les terroristes échouent à faire de la ville un lieu régenté par la peur”. Selon son porte-parole, Ignacio Bunye, la présidente a aussi insisté sur la nécessité, pour les habitants de la région, de faire montre d’unité, de patience et de solidarité interreligieuse. “En aucune façon, nous ne pourrons gagner contre le terrorisme si existent au sein de notre peuple des barrières ethniques et religieuses”, a-t-il ajouté. Commentant cette actualité et les déclarations de la présidente, le sénateur Aquilino Pimentel, avocat de profession et élu de Mindanao, s’est dit soucieux pour la défense des libertés civiles dans le sud philippin. La liberté d’action accordée aux forces de sécurité peut être interprétée par elles comme un feu vert donné à la répression contre les populations civiles, a-t-il déclaré en substance.