Eglises d'Asie

Tout en reléguant aux oubliettes le marxisme-léninisme, une résolution du Comité central accentue encore le contrôle du Parti et de l’Etat sur les religions

Publié le 18/03/2010




On savait déjà, parce que les médias officiels en avaient largement rendu compte (1), qu’au cours du 7e plénum du Comité central du Parti (après le IXe Congrès) qui s’était tenu à Hanoi du 13 au 21 janvier 2003, l’actualité et les problèmes précis de l’heure en matière religieuse avaient occupé une large partie des débats. Des orientations avaient été tracées concernant les années à venir. Cependant, ce n’est que tout récemment qu’a été publié dans l’organe du Comité d’union du catholicisme le texte d’une résolution élaborée au cours de ce 7e plénum concernant le travail religieux (2). Ce texte de trois pages (3), qui semble consommer l’oubli dans lequel est tenue aujourd’hui la doctrine marxiste léniniste classique en matière religieuse, est cependant marqué par une volonté de contrôle minutieux du phénomène religieux.

Il est remarquable de constater en premier lieu l’absence de référence au léninisme et à sa terminologie. C’est désormais Hô Chi Minh qui est considéré comme le père de la politique religieuse poursuivie aujourd’hui par le Parti, simplement et vaguement définie comme “la politique de la liberté des croyances et l’union des croyants et des non-croyants En outre, dès le début du document, il est fait référence à la résolution n° 24 publiée par le Bureau politique en 1990, qui avait marqué un point de libéralisme jamais dépassé depuis dans la politique religieuse de l’Etat vietnamien (4). Son contenu est rappelé expressément : “Les croyances et les religions constituent le besoin spirituel d’une grande partie du peuple, besoin qui subsistera encore longtemps. La morale religieuse contient de nombreux éléments particulièrement accordés à l’ouvre d’édification d’une société nouvelle.” Peu de temps après le plénum de 1990, au mois de novembre 1990, ce nouveau statut social du phénomène religieux avait fait l’objet d’une communication officielle aux évêques, lors de la visite du cardinal Etchegaray au Vietnam au mois de novembre 1990 (5). Plus tard, le VIIe Congrès du Parti (1991) avait totalement entériné cette nouvelle façon d’envisager le sentiment religieux et le rôle des religions à l’intérieur de la société. Il avait littéralement repris la déclaration de la résolution n° 24. Dans les années qui suivirent, cette résolution fut progressivement oubliée, plus particulièrement sa deuxième partie concernant le côté positif de la morale religieuse. On n’en trouvait aucune trace dans le rapport au VIIIe Congrès en 1996 (6) qui d’ailleurs avait complètement laissé de côté le problème religieux. Lors du IXe Congrès de 2001 (7), les dirigeants communistes, inquiets des volontés indépendantistes de certains chrétiens des Hauts Plateaux du Centre-Vietnam, avaient durci leurs positions en matière religieuse et insisté sur le contrôle. Ce retour au libéralisme de 1990 dans le présent document, à un moment où, selon plusieurs sources, la répression s’accroît contre les chrétiens des ethnies minoritaires du Nord et du Centre-Vietnam, ne peut manquer de paraître étrange. Plus probablement, comme le dit le texte lui-même, s’agit-il de stratégie. “Le travail religieux, est-il dit, est une question stratégique de première importance.”

En réalité, la suite du texte montre que cette appréciation positive de la religion se situe à l’intérieur d’un texte qui est surtout orienté sur le contrôle des activités religieuses. Tout l’appareil de l’Etat, et non seulement les cadres spécialisés en ce domaine, est mobilisé pour l’accomplissement de ce contrôle. Des limites très précises sont données à la liberté des croyants. La résolution affirme, par exemple, que chaque croyant a le droit de se livrer à des activités religieuses en famille ou à l’intérieur des lieux de culte, ce qui réduit considérablement le champ de ces activités puisque la religion est ainsi exclue de tout le domaine public. Il est précisé aussi que le droit à la liberté religieuse ne peut s’exercer que dans les limites prescrites par la loi.

Cette volonté de surveillance des milieux religieux est illustrée par le sévère jugement porté par la nouvelle résolution sur une partie d’entre eux. Après quelques éloges en style convenu, le nouveau document s’en prend aux croyants qui ne se soumettent pas à la loi, aux organisations religieuses fonctionnant sans autorisation, aux personnes qui sous couvert de religion se livrent à des activités superstitieuses. Selon la nouvelle résolution, les réclamations de terres et de propriétés, autrefois offertes à l’Etat ou confisquées par lui, se sont multipliées. Enfin, elle désigne clairement les populations minoritaires dont un certain nombre de membres utilisent la religion pour mener des activités d’opposition et inciter les croyants à saboter l’union du peuple, à s’opposer à la normalisation politique.

On peut signaler encore une directive contenue dans ce nouveau document, qui semble conforme à l’actuelle volonté des autorités vietnamiennes d’écarter les ethnies minoritaires de la religion chrétienne en les faisant revenir aux religions traditionnelles. A plusieurs reprises, dans la résolution, il est recommandé de maintenir et de mettre en valeur le culte traditionnel rendu aux ancêtres et la vénération due aux grands personnages historiques. On souligne aussi le respect qui doit être manifesté aux croyances traditionnelles des ethnies minoritaires.

Plusieurs informations importantes sont fournies aux lecteurs de la résolution sur la politique à venir de l’Etat à l’égard des religions et du rôle que celles-ci pourront jouer à l’intérieur de la société civile. On apprend ainsi que le projet d’ordonnance qui, l’année dernière, avait provoqué une belle levée de boucliers dans les milieux religieux vietnamiens (8), n’a pas été abandonné. L’ordonnance devrait être promulguée et même être suivie d’une loi sur la religion adoptée par l’Assemblée nationale. On évoque également, avec discrétion, la possibilité pour les religions de prendre la responsabilité d’ouvres médicales, caritatives, culturelles, éducatives.