Eglises d'Asie

Après vingt-et-un ans d’exil, le patriarche du bouddhisme unifié semble avoir recouvré une partie de sa liberté d’initiative et de mouvement

Publié le 18/03/2010




La suite des événements récents semble confirmer le processus de libéralisation qui, depuis le début du mois d’avril, marque les relations du bouddhisme unifié, jusqu’ici banni, et des autorités civiles. La nouvelle orientation avait été illustrée, le 2 avril dernier, par la spectaculaire rencontre du Premier ministre vietnamien avec le patriarche, le vénérable Thich Huyên Quang, venu se soigner à Hanoi, depuis le lieu de son exil forcé au Centre-Vietnam (1). Des propos affables avaient été échangés et l’on se demandait quelle en serait la suite.

Le patriarche paraît avoir recouvré, depuis cette rencontre, une partie de sa liberté de déplacement. Après plus de vingt-et-un ans de résidence surveillée, émaillée de quelques escapades (2), dans la province de Quang Ngai, il multiplie aujourd’hui les déplacements, depuis sa rencontre avec le chef du gouvernement. Le 7 avril, le dirigeant bouddhiste avait pu s’embarquer dans un train à destination de Huê où environ 2 000 religieux et laïcs bouddhistes, appartenant au bouddhisme unifié comme à l’Eglise bouddhiste patronnée par l’Etat, lui ont fait un accueil triomphal. Revenu ensuite dans sa résidence du Binh Dinh, il avait entrepris un nouveau voyage à Huê le 21 avril pour y participer aux cérémonies de commémoration de la mort du patriarche Thich Dôn Hâu, cérémonies qui avaient réuni plus de 3 000 religieux et laïcs. Le lendemain, les autorités de Huê l’escortaient jusqu’au monastère Nguyên Thiêu, dans la province de Binh Dinh. Cependant, son vou le plus ardent était de se rendre à Saigon lieu d’où il avait été exilé en février 1982 par “une mesure administrative” prise par la municipalité.

Le voyage à Hô Chi Minh-Ville a eu lieu le 2 mai sous escorte des cadres du Bureau des Affaires religieuses (3). Arrivé dans la métropole du Sud-Vietnam, le religieux n’a pas obtenu l’autorisation de résider avec les religieux du bouddhisme unifié mais a été directement conduit à la pagode An Quang, pagode célèbre avant 1975 pour sa résistance aux pouvoirs établis, aujourd’hui le siège de l’Eglise bouddhiste du Vietnam, Eglise patronnée par le pouvoir vietnamien. Une foule de 1 000 personnes l’y attendait. Le religieux a pu s’adresser à elle. Il a notamment déclaré qu’“il était temps pour les bouddhistes de s’unir et de réaliser les enseignements de Bouddha de libérer les gens de la souffrance et de l’injustice”.

Cependant, la rencontre la plus importante du religieux exilé à Hô Chi Minh-Ville fut celle du deuxième personnage du bouddhisme unifié, le vénérable Thich Quang Dô, toujours retenu en résidence surveillée dans une cellule du monastère Thanh Minh Thiên, à Saigon. Elle a eu lieu le lundi 5 mai et a duré toute l’après-midi. On présume que l’entretien a porté sur l’avenir du bouddhisme unifié, toujours interdit par les autorités civiles. C’était la première visite reçue par le vénérable Thich Quang Dô depuis sa mise en détention administrative et une des rares visites échangées par les deux hauts dignitaires du bouddhisme depuis 1982 (4).

Selon le Bureau international d’information bouddhiste qui a publié plusieurs communiqués détaillés sur le séjour du patriarche à Saigon, le vénérable a eu plusieurs entretiens avec des responsables politiques, en particulier, avec le président du Comité populaire de Hô Chi Minh-Ville, Lê Thanh Hai. Lors de cette rencontre, le 7 mai, le religieux a demandé au dirigeant saigonais que le bouddhisme unifié soit autorisé à mener des activités religieuses publiques. Il a aussi exposé son désir de voir le bouddhisme procéder à son unification, ce à quoi son interlocuteur a répondu qu’il s’agissait là d’une affaire intérieure au bouddhisme. D’autres rencontres ont suivi, en particulier, un long entretien avec le consul des Etats-Unis à Hô Chi Minh-Ville, Mme Emi Lynch Yamauchi, accompagnée de conseillers. Enfin, le 12 mai, une nouvelle rencontre entre les vénérables Thich Huyen Quang et Thich Quang Dô a eu lieu au monastère de Thanh Minh Thiên. On apprenait aussi que le patriarche désirait passer quelques jours dans ces lieux avant de prendre la route de sa pagode dans le Binh Dinh.