Eglises d'Asie

Les suggestions du ministre de la Défense malaisien au sujet de la nécessité pour le gouvernement philippin de contrôler les écoles coraniques sont diversement appréciées

Publié le 18/03/2010




En visite à Manille, Najib Abdul Razak, ministre de la Défense de la Fédération de Malaisie, a déclaré que, si l’expérience de son gouvernement devait être d’une quelconque utilité, “les écoles religieuses ne doivent pas être laissées à elles-mêmes”. Son propos faisait référence aux mesures prises récemment par Kuala Lumpur pour contrôler les écoles coraniques qui, selon le ministre, peuvent devenir “un terreau fertile de terroristes potentiels” si les autorités ne s’avisent pas de s’en préoccuper de près (1). Le 28 avril, le ministre malaisien a rencontré la présidente des Philippines, Gloria Macapagal-Arroyo, pour, selon lui, discuter des mesures visant à “couper les vivres” aux groupes terroristes locaux et internationaux. Il a notamment conseillé à la présidente de surveiller “de près” les écoles coraniques des Philippines.

A l’appui des propos du ministre malaisien, le chef des services de renseignement des forces armées philippines, Victor Corpus, a déclaré qu’en mai 2002 une madrasa, une école coranique pour jeunes enfants, avait été perquisitionnée par les autorités. Il s’est avéré qu’elle était financée depuis le Moyen-Orient, que ses dirigeants disposaient d’un camp d’entraînement à Mindanao hébergé par le MILF (2) et que des armes et des explosifs y furent trouvés. Sans préciser la localisation de cette madrasa, Victor Corpus a affirmé qu’elle était dirigée par le mouvement Rajah Soliman, mouvement qui aurait des liens avec la Jemaah Islamiyah, groupe considéré comme terroriste par les Etats-Unis et accusé d’être derrière l’attentat meurtrier commis à Bali, en Indonésie, en octobre dernier (3).

Pour un certain nombre d’oulémas de la région de Manille, les affirmations de Victor Corpus sont irrecevables. D’une part, les armes et les explosifs trouvés dans la madrasa auraient été déposés sur les lieux par les militaires philippins eux-mêmes. D’autre part, “les Philippines ne sont pas la Malaisie et l’objet de nos écoles est d’enseigner à nos enfants comment être un bon musulman, pas à les former au terrorisme”.

Selon la Ligue des oulémas des Philippines, le pays compte 1 581 écoles coraniques dont seulement 35 sont enregistrées auprès du ministère de l’Education. Pour Agieb Bilal, musulman américain originaire de Harlem, à New York, et consultant auprès du secrétariat à l’Education de la Région autonome musulmane de Mindanao (ARMM), “chaque école coranique est un royaume en soi, avec son propre roi”. Après avoir mené une étude sur l’état des madrasas à Mindanao pour le compte de l’ARMM, il estime que ces écoles “ne servent pas de base de formation pour les terroristes”. Il ajoute toutefois qu’elles ont failli dans la mesure où elles ne préparent pas leurs élèves “à l’univers de pauvreté et de discrimination dans lequel ils vivent ni ne les forment “à être une force de changement de ce monde”. Une fois sortis de ces écoles, poursuit Agieb Bilal, les élèves ont peu d’options : soit ils retournent cultiver la terre, soit ils partent à l’étranger où ils trouvent à s’employer dans les pays musulmans, soit “ils rejoignent des bandes de voyous ou des groupes extrémistes islamiques”.

Présent depuis trente ans à Mindanao, le P. Angel Calvo, coordinateur d’un groupe interreligieux engagé pour la paix à Zamboanga, déclare quant à lui que, tout au long de son ministère dans le sud philippin, il n’a jamais vu de madrasa où était enseigné le terrorisme. Selon lui, le gouvernement devrait soutenir plus activement les écoles qui offrent un enseignement promouvant la culture et l’identité musulmanes véritables, c’est-à-dire comprenant le respect de la vie.