Aujourd’hui, beaucoup de gens jouissent de beaucoup de libertés dans leur vie quotidienne et des droits fondamentaux de l’homme dans la société, du moins dans les pays développés protégés par des lois constitutionnelles. Les libertés et le respect pour les droits de l’homme sont considérés comme essentiels pour le développement humain et pour notre bonheur dans la vie sociale quelles que soient les différences de races, d’idéologies ou de convictions religieuses.
Au Japon, une société démocratique formelle s’est développée après la deuxième guerre mondiale. Cependant, le maintien dans le temps d’une société réellement démocratique n’est pas un processus automatique, mais exige l’exercice continu et énergique des puissances intellectuelles des gens. Bien que le Japon d’aujourd’hui, économiquement prospère, ressemble à un pays démocratique, son “étatisme” est encore très fort comme Karel van Wolferen l’a montré : il n’y a pas de dictature, mais un système bureaucratique sévère (1). La construction d’une société civile, c’est-à-dire d’une société où la liberté et la dignité de la personne humaine individuelle sont protégées et placées au-dessus de tout le reste, est une question urgente dans le Japon contemporain, même si ce que l’on appelle son “collectivisme” est encore plutôt fort. Cela semble aussi être une question mondiale dans le monde moderne, même s’il faut prendre en compte chacune des cultures et des traditions locales.
Un modèle de société civile a émergé de l’histoire de l’Europe occidentale, à partir de la période de la Réforme. La dignité de l’individu fut mise en avant par le manifeste de Martin Luther à la diète de Worms en 1521, “je me présenterai ici seul, puisse Dieu m’aider !”. Les idées de liberté et de droits de l’individu furent renforcées par les Lumières et les révolutions civiles, la guerre d’indépendance en Hollande, la Révolution glorieuse en Angleterre, l’indépendance américaine et la Révolution française.
Dans une société civile saine, il devrait y avoir beaucoup d’associations privées, bénévoles, dans des domaines divers, associations qui jouiraient de leurs propres droits, de leurs libertés et responsabilités, différents de ceux qui appartiennent aux institutions de l’Etat. Les associations privées, composées de volontaires, se situent entre l’individu et l’Etat ou les communautés politiques régionales. Par conséquent, ces associations doivent protéger les gens de l’étatisme dans plusieurs domaines. Au Japon, on dit que le mouvement de formation de ces associations volontaires s’est amplifié spécialement après le grand tremblement de terre du district de Hanshin-Awaji, en 1995. Le fait que beaucoup de jeunes s’intéressent à ces mouvements volontaires qui aident les autres dans le pays comme en dehors du pays, est un développement encourageant pour le progrès de la société civile. Cependant, même si quelques-uns de ces groupes ont étendu leurs réseaux au niveau international, comme les organisations non gouvernementales, il n’en reste pas moins que leurs motivations et leurs principes de fonctionnement restent faibles. Pour se développer comme fondements nécessaires et essentiels d’une société civile saine ces groupes de volontaires devraient avoir une sorte d’idéologie morale interne en continu. La société civile doit contenir cette idéologie interne afin de promouvoir une attitude morale et revivifier ces droits, libertés et responsabilités de communautés plurielles. Cette idéologie morale interne doit être fournie par la religion.
Il est bien connu que le calvinisme a eu un impact positif dans l’émergence d’une société civile occidentale. Le droit de résistance, en grandissant, a libéré une liberté politique qui s’est opposée au pouvoir absolu des monarques. Ici, le concept d’autorité était important. L’autorité de la transcendance vis-à-vis de laquelle les gens s’engageaient était plus haute que l’autorité du monarque absolu. Cette idée a amené la séparation institutionnelle de l’Eglise et de l’Etat. De plus, la Réforme religieuse fut nécessaire pour façonner une personne nouvelle qui pourrait réformer la société sur les bases de la liberté de conscience contre les obstructions hiérarchiques.
Il est certain que plusieurs variétés de religions peuvent faire émerger des personnes qui s’engagent par rapport à une autorité plus haute que celle de l’Etat et qui puissent donc, en dépit de beaucoup d’obstacles, participer à la formation d’une société civile sur la base de l’amitié et de l’amour pour leur prochain. L’objet de cet article est de montrer l’existence d’un tel modèle de personne humaine à partir de l’histoire de la religion au Japon. Il est aussi de faire quelques suggestions pour la formation de sociétés civiles mondiales à partir de différents arrière-plans culturels, pour un vingt-et-unième siècle dans lequel se manifestent activement diverses fois religieuses, et cela, en coopération avec les croyants des autres religions. Un véritable croyant peut faire allégeance à une autorité interne plus haute que celle d’une culture ou d’un Etat particuliers. Il est ainsi en possession d’une mesure avec laquelle juger d’une culture ou d’un Etat particuliers où les abus de pouvoir étatique peuvent être empêchés. A l’intérieur de ce propos limité sur la formation d’une société civile où la liberté de religion et la dignité humaine peuvent être protégés, la minorité chrétienne du Japon doit coopérer avec les croyants des autres religions.
Il faut ici faire un commentaire. Bien que dans cette contribution je donne un rôle important à la religion dans la formation d’une société civile, je ne dis presque rien sur le shinto. Le shinto avait le statut d’une religion d’Etat avant la deuxième guerre mondiale. Après la guerre, il est devenu une religion parmi d’autres. Cependant, même aujourd’hui, le culte de l’empereur reste au centre du shinto et il est donc difficile à cette religion de juger l’Etat quand la Constitution japonaise d’aujourd’hui déclare que l’empereur est le “symbole” du Japon. Bien que la signification du terme de “symbole” soit évidemment strictement juridique, l’Etat japonais est toujours tenté d’identifier le shinto et la culture japonaise per se. Ainsi, dans le passé ma tâche a été de montrer que le shinto est différent de la culture japonaise. Le shinto est certainement une religion parmi d’autres et ne peut se réduire à la tradition japonaise. Mais les gens ne reconnaissent toujours pas cet état de fait. Il faut ensuite montrer que la religion au Japon inclut le shinto en même temps que le bouddhisme, le christianisme et d’autres religions sur un mode pluriel (2). Donc, dans cet article je montrerai que la véritable religion se réfère à une autorité qui transcende celle de l’Etat, en prenant des exemples dans l’histoire du Japon.
Mais avec tout le respect que je dois à l’Etat, une prétendue religion civile ne peut pas transcender l’autorité de l’Etat, puisqu’elle est seulement instrumentalisée pour unifier l’Etat-nation. Ceci apparaît dans le fait que certaines idéologies japonaises identifient le shinto à une religion japonaise civile. Les religions dont je veux parler ici doivent être des religions positives avec une doctrine historiquement élaborée de la transcendance. La minorité chrétienne du Japon doit d’abord établir l’existence d’un christianisme japonais comme religion positive. Ceci se fera en le comparant avec la principale religion du Japon qui est le bouddhisme.
Le bouddhisme Kamakura
Le treizième siècle a connu une réforme du bouddhisme au Japon. Jusque-là, le bouddhisme mahayana (ou du grand véhicule) fonctionnait au Japon comme une protection magique et rituelle de la classe noble ou de l’élite au pouvoir. Il avait donc le statut d’une religion d’Etat. La classe des samouraïs a émergé au XIe siècle et s’est établie comme pouvoir de gouvernement à Kamakura dans l’est du Japon à la fin du XIIe siècle. Les samouraïs étaient à l’origine des soldats dévoués à la protection de la classe noble. Ils étaient toujours prêts à mourir pour leur seigneur. Ils vivaient donc en présence permanente de la mort et durent ainsi réfléchir sincèrement au sens de la vie et de mort dans leur vie quotidienne. Ils ressentaient un besoin de salut au sens personnel du terme. La réforme du bouddhisme fut donc bien accueillie par la classe des samouraïs comme par des gens ordinaires, paysans ou marchands.
La nature de ce renouveau du bouddhisme peut être résumée comme suit :
1 – Libération des éléments magiques et ésotériques du bouddhisme ancien.
2 – Accent mis sur les problèmes existentiels tels que la vie et la mort.
3 – L’établissement d’un objectif clair de vie personnelle.
4 – Orientation du comportement humain vers l’accomplissement de cet objectif.
5 – Apport de dynamisme dans la routine de la vie quotidienne.
Ces éléments nouveaux de réforme se sont développés en même temps que déclinait l’établissement ancien régi par les clans nobles pendant près de cinq cents ans.
Parmi les réformateurs bouddhistes, Shinran (1173-1262), Dogen (1200-1253), et Nichiren (1222-1282) méritent une mention particulière. Shinran excella dans la pureté intérieure et l’émotion religieuse à travers un engagement austère à Amida-Bouddha (tathagata personnel). Dogen poursuivit une logique philosophique pénétrante en même temps qu’un entraînement physique à travers une foi pragmatique. Nichiren se distingua par sa volonté prophétique et son action à travers la foi dans les Ecritures, en pratiquant le Sutra du Lotus.
Répondant à la grâce absolue du salut, l’obéissance complète de Shinran à Amida, en dehors de toute dépendance vis-à-vis des commandements juridiques, a été comparée au Sola Fide de Martin Luther. Contemporain de St François d’Assise, un grand enseignement de salut par sola fide est apparu Japon ! (3). L’interprétation du bouddhisme par Shinran et son activité peuvent se résumer dans les trois points suivants :
1- Une doctrine du salut. Après avoir pris profondément conscience de son péché, il a ressenti le besoin de se dé-vouer lui-même à Amida afin d’être sauvé, se faisant ainsi dépendant de la miséricorde gracieuse d’Amida. Son expé-rience religieuse personnelle était tellement existentielle qu’il a compris que l’ordre hiérarchique des moines ne pouvait être qu’un obstacle à son objectif de salut.
2- La communauté des croyants. Cette communauté fut nommée “fraternité”, et se composait principalement de paysans et de marchands. On leur enseignait à répéter Nenbutsu, un simple mot pour orienter leurs cours vers le seul Amida, rendant ainsi inutile tout culte des divinités animistes.
3- Le rapport au pouvoir politique. La fraternité était une association de volontaires, indépendante de tout pouvoir politique. Shinran enseignait que sa valeur ne provenait pas d’une autorité terrestre, mais de la miséricorde d’Amida et il ne permettait pas que les croyants résistent aux gouvernants avec des armes.
Dogen était un maître de zen, qui étudia longtemps en Chine. Son enseignement de bouddhisme zen est, en un sens, à l’opposé de la foi en Amida, parce que la vérité du Bouddha, le Dharma, se manifeste dans une réalité imper-sonnelle. Après être resté assis longtemps par terre et en niant son ego, une personne doit prendre conscience que le vide est la nature de la vraie réalité. Le soi véritable s’ac-complit ainsi dans le néant. Quand on est illuminé par ce Nirvana, on est libéré de toute souffrance et on peut vivre sa vie quotidienne dans la sérénité et la paix. L’enseigne-ment du zen est bien expliqué dans les “Dix Bulles” (4).
Nichiren appartint d’abord à la secte Nenbutsu, mais, plus tard, il la critiqua et la rejeta. Il revendiquait non seulement la suprématie du Sutra du Lotus (Saddharma-pundarikausutra) parmi tous les livres sacrés, mais aussi la voie du bodhisattva, c’est-à-dire, la compassion du Bouddha envers ses frères humains. Le motto de Nichiren était : “engagement pour la vérité du Bouddha et non pour la vérité de l’homme », ce qui signifiait que les actes hu-mains devaient suivre le Sutra du Lotus plutôt que d’être in-fluencés par des relations humaines de dépendance. La pen-sée politique de Nichiren se distinguait de celle des autres réformateurs. Parce que la loi du Bouddha et la loi du roi s’équilibraient en lui-même, il critiqua quelquefois le gou-verneur de Kamakura. Pour cela, il fut persécuté. Son opi-nion était que quand le gouverneur ou l’Etat gouvernaient avec une loi bonne, la population pourrait en profiter, tandis qu’un Etat gouverné par une loi mauvaise irait à sa ruine.
L’analogie suivante pourrait être intéressante. Alors que Shinran peut être comparé à Luther, Nichiren pourrait se comparer à Calvin, et peut-être Dogen à Menno Simons. Mais l’histoire des disciples de Shinran fut d’une certaine manière plus proche de celle des calvinistes.
Après Shinran, au temps de Rennyo (1415-1499), la secte Jyodo-shinshu (secte de ‘la terre pure’) participa souvent aux mouvements de résistance armée contre le pouvoir politique. La résistance la plus efficace se déroula à Kaga, où les croyants gouvernèrent par eux-mêmes d’une manière démocratique pendant plus de cent ans. Le zénith de ce pouvoir et en même temps sa dernière résistance furent à Ishiyama en 1570. Les moines et les fidèles combattirent pendant onze ans dans le château de Ishiyama contre Nobunaga Oda, qui termina finalement la période des guerres au Japon (1576) et unifia le pays.
Il est intéressant de noter que c’est à cette époque que le christianisme fut introduit au Japon par un prêtre jésuite, François Xavier (1549). C’est aussi à la même époque qu’en Europe, se déroulaient les guerres de religions (1562-1598) et que prit place la guerre d’indépendance de la Hollande contre l’Espagne catholique (1581). L’équilibre entre la loi de Dieu et la loi du roi fournissait des problèmes substantiels.
La raison pour laquelle j’utilise le terme de “réforme” pour parler de la renaissance bouddhiste se trouve dans ses conséquences socio-religieuses immédiates et des conséquences plus lointaines dans l’histoire du Japon. D’abord, en Europe, la Réforme commença avec le problème du salut personnel et se propagea dans les populations en même temps comme une réforme sociale. Une situation similaire prit place au Japon. Ensuite, même si le bouddhisme était accepté principalement par les classes dirigeantes et les intellectuels au Japon, les gens ordinaires étaient écartés du salut. Les réformateurs de Kamakura apportèrent le message du salut d’une manière simple aux gens ordinaires, même quand ils vivaient et travaillaient dans le monde. Ils n’avaient pas besoin d’abandonner leur travail pour devenir moines dans les temples. En fait, les moines des temples combattaient quelquefois contre les gouverneurs séculiers avant la période Kamakura, mais ces batailles avaient pour objectif unique de défendre ou d’acquérir des privilèges séculiers pour leur propre bénéfice. Après la période Kamakura, les gens se battaient en général pour protéger leur propre foi. La lutte pour la défense de sa foi est comprise comme une exigence de la liberté de conscience, ou du moins comme la toute première manifestation d’une exigence de droit humain moderne. Ces situations sont parallèles à l’enseignement de l’ascétisme “au sein de ce monde-ci” revendiqué dans l’histoire de la Réforme européenne.
Malheureusement, les résultats de la réforme au Japon ne parvinrent jamais à maturité et ne générèrent donc pas une société civile accomplie. Après Nobunaga, toute tentative de liberté religieuse fut réprimée par le pouvoir politique. En 1637, plus de trente mille chrétiens de Nagasaki s’engagèrent dans une lutte armée contre le shogounat de Tokugawa, et ils furent tous tués. Les navires hollandais à ce moment-là portaient assistance à l’armée de Tokugawa. Après cette révolte, ni le bouddhisme ni le christianisme ne furent plus capables de résister au pouvoir politique. L’espoir de voir la liberté fleurir dans la société s’évaporait. Cet épisode fut complété par la politique Sakoku, du shogounat de Tokugawa, qui ferma les portes du Japon à tous les autres pays (1639-1868). Pendant plus de deux cents ans la société apparut calme et paisible mais il n’y eut aucun réel développement ni aucune créativité.
[.]
La résistance de Fujyu-Fuse-ha
Une secte de disciples de Nichiren s’appelait Fujyu-Fuse-ha. En dehors du christianisme, cette secte fut le seul groupe religieux à être sérieusement persécuté par le gouvernement Tokugawa. Le cas de Fujyu-Fuse-ha nous aidera à comprendre le sens d’une société civile dans un monde non chrétien, parce que le problème de l’autorité fut posé pendant cette lutte et la liberté de religion y gagna quelque chose (5).
En 1599, Nichio (1565-1630) s’opposa au shogoun, Ieyasu Tokugawa, tout puissant à l’époque. Ieyasu donna l’ordre à Nichio de venir à la bénédiction inaugurale d’une nouvelle statue de Bouddha à Kyoto. Mais Nichio déclina l’invitation parce que la règle de Fujyu-Fuse-ha interdisait ce genre de participation aux cérémonies d’une autre secte. Le dictateur Ieyasu fut furieux du refus de Nichio de se soumettre à ses ordres et le punit en l’exilant sur une petite île. En dépit de la sévère répression gouvernementale le nombre des disciples de Nichio continua de croître année après année. Finalement, le gouvernement du shogounat organisa une arrestation massive des croyants en 1691, et les emprisonna ou les mit à mort.
Presque au même moment, en Angleterre, se déroulait avec succès la Révolution glorieuse. John Locke rentrait de Hollande et publiait ses “Lettres concernant la tolérance” (1689) et les “Deux traités de gouvernement” (1690). Il écrivait que l’Etat devrait mettre en ouvre une politique de tolérance religieuse pour la nation, par respect pour les puritains qui avaient été réprimés.
Le conflit entre Nichio et Ieyasu était similaire à celui qui opposait Locke aux partisans du droit divin des rois. L’une des questions majeures était “qui est propriétaire du territoire national”. La question pose celle de la légitimité du régime. Tandis que Ieyasu répondait : “Le seigneur de la nation est le propriétaire Nichio affirmait de son côté : “c’est Bouddha”.
Nichio disait : “C’est par la grâce de Bouddha que nous avons la chaleur du ciel et que nous maintenons la nourriture de nos vies par les récoltes de la terre.” En entendant que “le monde tout entier appartient à Bouddha et que le Japon fait partie du monde de Bouddha nous pouvons nous souvenir de ce passage de la Bible : «. le Dieu qui a créé le ciel, la terre, la mer et tout ce qui s’y trouve. Dans les générations maintenant révolues, il a laissé toutes les nations suivre leurs voies, sans manquer pourtant de leur témoigner sa bienfaisance, puisqu’il vous a envoyé du ciel pluies et saisons fertiles comblant vos cours de nourriture et de satisfaction.” (Actes 14,15-17). Cette grâce s’appelle grâce ordinaire dans la théologie chrétienne et elle est différence de la grâce particulière du salut par la foi.
Locke développa plus avant la légitimité de la souveraineté comme idée politique plutôt qu’idée théologique et il l’élabora concrètement en opposition au droit divin du roi dans ses “Deux traités”.
Le monde créé par Dieu fut confié à Adam, père de toutes les races. Le droit autorisé d’Adam comme gardien de la terre, particulièrement de la terre d’Angleterre, était-il hérité par le roi d’Angleterre ou par le peuple anglais ? Tandis que les partisans du droit divin défendaient la première position, Locke la contestait. Loche arguait que chaque personne confiait le droit naturel en sa possession à un gouvernant, par assentiment et l’intermédiaire d’un contrat social. Cependant, la liberté de conscience ou la liberté intérieure n’étaient pas confiées par la même occasion.
Ieyasu ordonna aux moines bouddhistes de venir à la célébration de la nouvelle statue de Bouddha. Mais les moines pouvaient clairement refuser cet ordre grâce à leur liberté de conscience. A l’exception de Nichio, tous les moines bouddhistes, y compris les disciples de Nichiren, participèrent à la cérémonie, répondant ainsi à l’ordre de Ieyasu, probablement pour bénir la dignité et le pouvoir politique de Ieyasu. Ainsi, la décision prise par Nichio pouvait sembler plutôt étrange. Il devait certainement être un homme anormal puisque beaucoup de bouddhistes d’alors pensaient qu’il était bon de se soumettre à l’ordre politique. Il pouvait accepter l’ordre de Ieyasu et se contenter de participer formellement à la cérémonie, mais, en fait, il ne le fit pas. Tout ceci ne s’est pas produit du fait de l’étrangeté de son mauvais caractère mais à cause de sa conscience religieuse. La doctrine de Locke pourrait soutenir cette position, à partir de laquelle une société civile pourrait démarrer. L’idée et le comportement de Nichio posaient une question mondiale à cette époque. L’autorité de la transcendance se situe au dessus de celle d’un gouvernant ou d’un chef d’Etat.
Une souveraineté non réductible à l’Etat
Considérons la formation d’une société civile à partir d’une perspective religieuse. Nichio était dévoué au bouddhisme. Habituellement, le bouddhisme est considéré comme une religion immanente plutôt que transcendante. Mais si l’on regarde le comportement de Nichio, on ne peut nier qu’il s’agisse d’une pensée transcendante. D’un point de vue socio-religieux, le bouddhisme ici fonctionne comme transcendant, parce que l’autorité du Bouddha est supérieure à celle du gouvernant. C’est pourquoi Nichio avait la capacité de résister à l’autorité du gouvernant dictatorial. Plutôt que de parler d’autorité peut-être vaudrait-il mieux utiliser le terme de souveraineté pour développer une philosophie publique sous-jacente à une société civile.
La notion de souveraineté était à l’origine une idée théologique introduite par Jean Calvin (1509-1564). Seul le Dieu créateur possède la souveraineté et aucune créature ne peut l’avoir. Mais dans l’histoire de l’Europe occidentale, dans le processus d’émergence de la société moderne sortant du Moyen Age, Jean Bodin utilisa l’idée de souveraineté pour fonder l’Etat absolu (1576) dans lequel le monarque jouissait d’une souveraineté absolue. Les huguenots, les calvinistes hollandais et les puritains s’opposèrent fermement à cette théorie monarchiste parce qu’un roi n’était pas davantage qu’une créature.
Ils pensaient qu’un roi ou un gouverneur d’Etat ne pouvaient pas posséder de souveraineté. Ceci amena l’idée de Monarchomachi c’est-à-dire l’idée qu’un mauvais chef doté d’un pouvoir absolu injuste devait être banni. Le concept de souveraineté tendait à inclure le pouvoir politique de haut en bas. Plutôt que ce type de pensée fonctionnant du haut vers le bas, Johannes Althussius mit l’accent sur la symbiose humaine dans une pensée fonctionnant du bas vers le haut dans son “Politika” (1610). Herman Dooyeweerd cite un passage du “Politika” d’Althussius : “Tout type de relations sociales suit des lois qui lui sont particulières et par lesquelles il est régi. Et ces lois sont différentes et divergentes dans chaque forme de relation sociale, suivant les exigences de la nature interne de chacune d’entre elles” (6). Dooyeweerd constate que la nature propre des formes variées de la relation sociale symbiotique amène le principe de souveraineté interne à chaque sphère. Les associations volontaires privées sont des exemples de ces relations sociales symbiotiques. Une association volontaire est faite du besoin vital de chaque personne de bas en haut sans qu’il y ait obligation imposée par l’Etat, et de ce fait l’association possède une souveraineté interne. Le besoin vital peut être quelquefois biologique et quelquefois éthique. Tous les deux sont interprétés comme étant des lois propres à l’être humain. Ces lois propres peuvent être jugées immanentes à cause de leur nature qui les fait aller du bas vers le haut, ou transcendantes si on les considère à partir de l’ordre de la Création.
Parce que ces lois propres ne sont pas réductibles à d’autres lois, on peut dire que chaque association volontaire possède la souveraineté dans sa propre sphère. Ainsi, la souveraine-té n’est pas seulement le fait de l’Etat, mais aussi celui de diverses associations volontaires privées, traversant parfois les frontières nationales. Entre l’individu privé et l’Etat, il y a un certain nombre d’associations volontaires possédant leur propre souveraineté, comme les organisations non gouvernementales et d’autres. Cette sphère intermédiaire est une sphère publique construite par les citoyens eux-mêmes. Le rôle de l’Etat est de protéger ces souverainetés privées en faisant des lois et quelquefois en les subventionnant afin de favoriser une symbiose fructueuse.
La société civile ainsi considérée est essentiellement religieuse. D’abord, chaque besoin vital des personnes provient du fait qu’elles écoutent leur voix intérieure ou leur autorité interne sans se préoccuper des autorités humaines externes. Ensuite, ces lois propres ne sont pas des artifices humains mais sont donnés, immanents ou transcendants, par les lois cosmiques du Bouddha ou par la loi de la création divine. Pour les naturalistes elles sont données par la nature. Enfin, l’objectif des associations volontaires est de parvenir au bien public qui est la manifestation de l’amour envers le prochain ou la compassion pour la fraternité. Cette forme de morale est mise en avant par chaque type de société suivant sa propre tradition.
La personne et le moi
Qui peut former une société civile ? Qui est obligé de participer à une société civile saine ? La réponse est que tous ceux qui comprennent la signification de la liberté et qui peuvent la partager avec les autres dans la solidarité doivent participer à une société civile saine. Nous avons besoin de ces personnes moralement saines pour maintenir une société civile.
Dans la tradition de la Réforme on peut trouver le concept de liberté dans la thèse suivante de Luther : “Un chrétien est parfaitement le libre seigneur de tous, soumis à personne. Un chrétien est parfaitement le serviteur diligent de tous et soumis à tous.” La première phrase affirme le sens de la liberté intérieure ou la dignité de la personne. Sans cette première phrase le chrétien ne serait qu’un esclave, un frère dépendant même s’il est plein de piété. En fait, dans la tradition luthérienne allemande, cette mauvaise “Pietat » (piété) est apparue sous le régime nazi parmi les “chrétiens allemands” qui pensaient que l’idée particulière de “folk » (peuple) était plus importante que l’idée universelle du christianisme.
Ainsi, la Réforme n’a pas seulement libéré la liberté mais elle a aussi quelquefois fourni une malheureuse illustration de mauvaise “pietat ». Pour une société civile saine comment prendre en considération la tradition de la Réforme ? Comment pouvons-nous trouver “la personne qui peut comprendre la signification de la liberté et qui peut la partager avec les autres dans la solidarité” ?
Tout comme dans la tradition luthérienne, la mauvaise “pietat » a été aussi expérimentée par les disciples des réformateurs japonais. Une attitude très similaire à celle des “chrétiens allemands” apparut chez les “bouddhistes japonais” qui pensaient que l’idée particulière de “folk” était plus importante que l’idée bouddhiste universelle pendant la deuxième guerre mondiale. Ce point est plus facile à voir dans le cas du bouddhisme-zen. Le terme provient de l’idée de non-ego ou de néant. L’idée de non-ego fut instrumentalisée comme “Messhi-Hoko c’est-à-dire “exterminer l’ego”, “se soumettre au seigneur”. L’idée de non-ego fut ainsi interprétée comme soumission non critique à l’Etat, sacrifice pour l’empereur, et soumission aveugle au pouvoir de l’Etat.
La “Logique du Topos (lieu)” de Kitaro Nishida peut aussi participer de cette dangereuse interprétation. En fait, son argumentation était que la maison royale japonaise, bien qu’issue de contingences historiques, devait être identifiée au “lieu universel du néant absolu” (7).
Regardons la raison pour laquelle cette forme d’interprétation erronée a été possible en étudiant la théorie de Nishida sur l’identité personnelle fondée sur la lucidité.
A- Le Topos et l’altérité absolue
Il est possible de lier la théorie de Nishida sur la lucidité à la structure de conscience de l’identité humaine. Il parle en effet clairement de “l’altérité absolue comme fondation du moi” (8).
Dans des textes comme son essai de 1932 “Moi et toi Nishida développe son idée d’altérité absolue, afin de produire différents types de compréhension de soi :
“Quand on pense que le moi voit le moi dans le moi, tout en pensant que le moi voit l’altérité absolue dans le moi, cela doit signifier que l’altérité absolue est le moi. A la base de notre monde et des choses qui peuvent être pensées, il y a un fondement bâti sur une forme de prise de conscience personnelle selon laquelle nous voyons l’altérité absolue comme base du moi et, vice-versa, nous voyons le moi dans l’altérité absolue » (9).
L’expression “le moi voit le moi dans le moi” peut être comprise simplement comme une tautologie. Cependant, cette expression définit la structure de la prise de conscience dans la philosophie de Nishina. Ce n’est donc pas simplement une tautologie. Pour Nishida – qui rejette la logique aristotélienne comme une logique réifiante, ou un type de logique qui voit le moi objectivement -, c’est l’origine d’une logique du topos.
[NDLR : Suit une explication assez complexe du fait que chez Nishina, l’expression “je vois le moi dans le topos du néant absolu” s’est transformée en “je vois le vrai moi dans l’absolu autre Pour l’auteur, chacun possède cette forme de structure d’identité dans sa compréhension intrinsèque de lui-même. Il fait ensuite appel à un psychiatre, Bin Kimura, qui, pour étudier la maladie mentale a fait des tests destinés à relier des empêchements fondamentaux à cette structure philosophique de compréhension de soi.]
Kimura note : “En général, on dit que la schizophrénie est un excès de conscience de soi ou de réflexion. En parti-culier, le type de patient introverti regarde continuellement et obsessionnellement le moi, et cela l’empêche de maintenir des relations interpersonnelles harmonieu-ses” (10).
Même si cela ne va pas jusqu’à la schizophrénie, on estime qu’un très grand nombre de Japonais manifestent des symptômes de mentalité pathologique en considérant avec effroi “l’oil de l’autre”. Ceci est aussi profondément lié à la structure psychologique qui produit une “culture de la honte”. On peut comprendre combien il peut être important pour les Japonais de nourrir dans leurs cours la véritable signification de “l’absolu autre”. Dans le cas d’un philosophe comme Nishida doté de fortes capacités spéculatives, peut-être avec l’aide d’une philosophie bouddhiste profonde, il y a eu une clarification de l’existence de “l’absolu autre” au sein du moi en même temps que dans sa propre compréhension de soi.
Mais qu’en est-il des Japonais en général ? La plupart des gens ne sont-ils pas coincés dans cette “culture de la honte” et “une anatomie de dépendance”, ignorant des moyens de changer cet état des choses ?
De plus, il apparaît aussi qu’il y a des problèmes dans la structure logique de la philosophie de Nishida et dans ses fondations dans le bouddhisme Mahayana. On peut dire en effet que la compréhension tautologique de soi-même, “le moi voit le moi dans le moi”, empêche l’établissement d’un “moi” dans le vrai sens chez les Japonais. Ne serait-ce pas que le bouddhisme mahayana souffre d’un déficit de principe transcendantal ? Il faut dire qu’au sein de l’état mental des Japonais, qui pendant longtemps ont été nourris de bouddhisme mahayana, l’établissement du “moi” en est resté à la non-existence de “l’absolu autre”. Il y a la perte en soi-même du vrai partenaire personnel auquel on s’adresse. Il s’ensuit que le renoncement à soi devient facilement une absolue affirmation de soi.
B – Le Topos et Jésus-Christ
Dans ce climat psychologique que peut apporter une motivation religieuse théiste de base aux Japonais et à la culture japonaise ? Quand on dit : “je vois le vrai moi dans l’autre absolu”, dans le cas de la prise de conscience zen, l’autre absolu est le topos du néant absolu. Dans la religion bouddhiste, c’est comme cela que cela doit être. Mais ce ne peut être le cas dans le christianisme qui est une religion de l’être, opposée à une religion du néant. Le premier verset de l’Evangile de Jean est : “Au commencement était la parole.” Le premier verset de la Genèse est : “Au commencement Dieu créa la terre et le ciel.” Même si l’on reçoit de plein fouet le défi du “néant” du bouddhisme, on ne peut oublier que le christianisme affirme fortement l’acte de création du monde par un Dieu personnel.
Emmené par la motivation religieuse fondamentale de la Création, de la Chute et de la Rédemption, le christianisme ne peut pas considérer le “topos du néant absolu” comme l’absolu autre mais plutôt le “topos de l’être absolu”. Dans ce cas, le topos n’est évidemment pas un lieu physique, mais un topos de sens. Le “topos de l’être absolu” est donc Jésus-Christ comme accomplissement du sens. L’acteur de la transformation doit être Jésus-Christ. Le schéma de la compréhension de soi chez le chrétien est le suivant : je vois le vrai “soi” en Jésus-Christ. C’est en outre le schéma de compréhension de soi qui résulte de la rédemption du péché en Christ. C’est la prise de conscience que le but et le sens du fait que je sois créé comme sujet sont la raison pour laquelle je prendrai mes responsabilités vis-à-vis des autres et de la société. Ce n’est pas une thèse obtenue comme le résultat d’une spéculation, mais quelque chose qui est obtenu par la Révélation de la Bible et par la grâce du Christ.
On peut dire que la fréquente expression de Paul en Xristoi (en Christ), c’est-à-dire être en Christ comme le topos du sens, est la manière quotidiennement expérimentée du chrétien de se comprendre soi-même.
[NDLR : Suivent plusieurs expressions de St Paul, citées par l’auteur à l’appui de sa thèse.]
Après tout donc, Christ est “l’absolu autre” et je suis moi. Je ne suis pas “uni au Christ” dans une expérience mysti-que, il n’y a pas non plus de réduction à un principe d’existence dans lequel “Christ est l’expérience ultime du croyant” (le vrai moi). On peut ainsi dire que la connais-sance de Dieu et la connaissance sont liées entre elles.
Dans “je vois le vrai moi dans l’absolu autre”, si vous prenez la maison royale historique comme étant “l’absolu autre”, cela amène au “bouddhiste japonais”, le mauvais modèle de pietat que Nishida a finalement suivi. Le fait d’interpréter l’autre absolu à travers un concept impersonnel est un point faible du zen. Pourtant, dans le bouddhisme, il n’est pas nécessaire de l’interpréter dans un sens impersonnel. Par exemple, Amida-Bouddha est clairement personnel comme nous l’avons déjà vu. C’est pourquoi peut-être la secte Jyodo-shinshu s’est montrée historiquement plus résistante au pouvoir politique. L’amour du Christ ou la compassion d’Amida sont considérés comme personnels et infinis. Cet amour ou cette compassion infinis et personnels rendent les gens capables de se mettre au service des autres. Mais si l’absolu autre est fini, comme le montre Kimura, l’identité personnelle de chacun sera instable. On peut identifier cet “absolu autre” à une personne respectable, un dirigeant politique ou un gourou religieux. Ainsi, le danger que le peuple soutienne un Etat totalitaire ou un culte religieux de même nature sera toujours possible même dans une société démocratique moderne.
Conclusion
Ainsi nous avons répondu à la question : “Comment trouver la personne qui peut comprendre la signification de la liberté, et ayant la capacité de la partager avec d’autres dans la solidarité ?”. D’un point de vue chrétien, nous pouvons dire que nous avons un sauveur personnel derrière les deux thèses déjà mentionnées de Martin Luther : “Un chrétien est parfaitement libre et seigneur de tout, soumis à personne ; un chrétien est un serviteur parfaitement diligent de tous, soumis à tous.”
L’Etat doit protéger la liberté, spécialement la liberté de religion, ainsi que les droits du citoyen dans chacune des sphères de sa vie en passant les lois appropriées. Cette “souveraineté” doit être reconnue dans une société civile authentique, spécialement par le gouvernement. Cette manière de former une société civile saine n’est pas seulement la copie conforme du modèle démocratique occidental. Le propos de l’établissement de la souveraineté de sphère n’est rien de moins que de se donner la liberté et le droit d’atteindre le bonheur humain en tant qu’être humain universel.
Les citoyens, et particulièrement les citoyens chrétiens d’Asie, doivent former des associations volontaires variées à la base afin de maintenir une société civile saine en coopération avec les citoyens chrétiens d’autres régions. Entre l’individu et le gouvernement, il doit y avoir un certain nombre d’associations volontaires privées formées par des groupes religieux, qui pourraient fournir une éthique interne pour une société civile moralement dure. Ces groupes religieux divers devraient avoir leur propre image du bien public, au-delà des frontières nationales pour que les uns et les autres puissent vivre ensemble dans leurs vies terrestres, quelle que soit leur foi. Selon moi, ceci doit être fait non seulement à travers l’enseignement de Jésus “aimez votre prochain” mais aussi à travers son “aimez vos ennemis”, en plus de la justice chrétienne. Cette manière de penser et de vivre est possible pour des citoyens chrétiens mûrs. Une pensée similaire doit être espérée des croyants mûrs d’autres religions au sein d’une société civile mondiale.
Notes
(1)Karel van Wolferen, The Enigma of Japanese power : people and politics in a stateless nation, Londres, Macmillan, 1989
(2)Hisakazu Inagaki, “The Transcendent and Human Ego in Japanese Thought : Nothingness, Kenosis, Death en Rebirth Studies in Interreligious Dialogue 8 (1998), pp. 155-171. Hisakazu Inagaki and J. Nelson Jennings, Philosophical theology and Est-West Dialogue, Amsterdam&Atlanta, Rodopi, 2000
(3)Voir Karl Barth, Die kirchliche Dogmatik, Zurich, Zollikon, 1945, I/2, pp. 372-377
(4)Inagaki&Jennings, Philosophical Theology, pp. 38-46
(5)Hisakazu Inagaki, “The public-private in Japanese Religious Situations”, Public Philosophy (en japonais), 3, 2002
(6)Herman Dooyeweerd, A New Critique of Theoretical Thought III, Philadelphia, The Presbyterian and Reformed Publishing Company, 1953-1958, p. 653
(7)Inagaki & Jennings, Philosophical Theology, pp. 62-66
(8)Inagaki & Jennings, Philosophical Thought, pp. 50-53
(9)Les travaux de Nishida (en japonais), Iwanami-shoten, 1948, vol. 6, p. 386
(10)Bin Kimura, “La pathologie du moi et l’absolu autre” in Shizuteru Ueda (ed.), Quests to Philosophy (en japonais), Iwanami-shoten, 1990, p. 301