Eglises d'Asie

SELON LES EVEQUES CATHOLIQUES, L’EVANGELISATION DOIT ETRE CONSIDEREE COMME UN DES DROITS DE L’HOMME

Publié le 18/03/2010




Déclaration de la CCBI (Conférence des évêques catholiques de l’Inde) – quinzième assemblée plénière – Tiruchirappalli 15-19 janvier 2003

“Partager la bonne nouvelle” – déclaration finale

Cent seize archevêques et évêques, membres de la Conférence des évêques catholiques de l’Inde, se sont réunis au Séminaire St. Paul à Tiruchirappalli, des 15 au 19 janvier 2003, pour étudier à fond le thème : Partager la Bonne Nouvelle.

1. Tout d’abord, nous avons cherché à clarifier les termes d’évangélisation et de proclamation. L’évangélisation est le fait “d’apporter la Bonne Nouvelle de Jésus au monde et, par son influence, transformer la société de l’intérieur et la renouveler” (EN 18). Dans son sens restreint, l’évangélisation est le fait “de prêcher la foi chrétienne dans l’intention d’appeler le monde à accepter Jésus-Christ comme son Sauveur” (Directives n° 36). C’est ce que l’on appelle communément la proclamation, qui est l’annonce du mystère du salut offert à tous par Dieu en Jésus-Christ par le pouvoir de l’Esprit (EN 27 ; DP 10 ; RM 44).

2. La proclamation est l’essence même de l’activité de l’Eglise (EA 2). Nous ne sommes pas les disciples du Christ si nous ne proclamons pas le message du Christ. De plus, c’est un droit de l’homme. Correspondant au droit de chacun de proclamer est le droit pour les autres de savoir et de décider par eux-mêmes ou par elles-mêmes. La proclamation laisse évidemment les gens libres de répondre. L’Eglise ne croît pas et ne se laisse pas, non plus, aller aux conversions par la force, la traîtrise ou la séduction.

3. L’Eglise a le devoir d’évangéliser, de s’approprier la Bonne Nouvelle de Jésus et de la partager avec les autres. Certains signes positifs l’encourage dans sa tâche d’évangélisation : l’apparition, par exemple, d’une nouvelle sorte de ‘disciples’ sous la forme des Krist-bhaktas, la vague d’enthousiasme débordant, spécialement parmi les jeunes, pour exécuter le commandement du Seigneur de prêcher l’Evangile à toutes les nations – mise en évidence par des mouvements tels que celui des Jeunes de Jésus ou d’autres. Cet enthousiasme a été alimenté par le renouveau charismatique, par la croissance continue des communautés chrétiennes de base, des communautés humaines de base et par les mouvements liturgiques et bibliques.

4. En même temps, de nombreux facteurs apparaissent qui entravent l’Eglise dans sa mission d’évangélisation. Certains de ces facteurs relèvent de l’Eglise elle-même : les vestiges du système de castes et la discrimination entre les chrétiens, une certaine hésitation à proclamer Jésus comme l’unique sauveur, la charge pour certains membres de l’Eglise de nombreux travaux qui se font au détriment de leur disponibilité à l’annonce du message de Jésus.

5. Les facteurs en dehors de l’Eglise lui sont également une gêne dans sa mission. L’un d’eux est l’arrivée menaçante, sous différentes appellations, de fondamentalismes militants, la résurgence d’un nationalisme militant mono-culturel, qui identifie l’appartenance à l’Inde avec une religion et une culture. Toutes les cultures asiatiques connaissent un temps de résurgence. Un renouveau véritable et une réaffirmation des cultures locales sont les bienvenus, mais les attitudes négatives des nationalismes mono-culturels qui ont un regard hostile pour les minorités religieuses et ethniques sont inquiétantes.

6. Les peuples de l’Inde sont impressionnés par l’expérience spirituelle et, non pas, par les démonstrations doctrinales. L’Inde est le pays qui donne toute sa valeur au silence, à la contemplation et au mysticisme. L’important de la proclamation est dans la transparence et l’authenticité du disciple du Christ qui professe son christianisme, dans le témoignage de sa vie. Cela oblige tous les chrétiens – évêques, prêtres, religieux et laïcs – à suivre le chemin de la sainteté, à vivre une authentique vie chrétienne. Approfondir sa vie de prière et devenir des contemplatifs actifs sont essentiels pour la proclamation. La proclamation est “une mission qui demande de saints hommes et de saintes femmes qui feront connaître et aimer le Sauveur à travers leur propre vie. Un feu ne peut être allumé que par ce qui est dedans” (EA 23).

7. Des célébrations liturgiques sérieuses et bien préparées sont une proclamation efficace de l’Evangile. La proclamation et l’annonce de la Parole ont le pouvoir de transformer le cour des auditeurs. Chaque fois qu’une communauté chrétienne se réunit, c’est la proclamation publique et la manifestation de la foi en Jésus-Christ. La plupart des sacrements sont des célébrations d’une communauté. Là se trouve pour nous le défi de rendre véridiques ces célébrations en leur donnant le silence intérieur, la contemplation et la communion.

8. Pour proclamer le Christ en Inde, nous devons incarner réellement le message et la vie du Christ. “En offrant aux autres la Bonne Nouvelle de la Rédemption, l’Eglise s’efforce de comprendre leur culture. Elle cherche à connaître l’esprit et le cour de ceux qui l’écoutent, leurs valeurs et leurs coutumes, leurs problèmes et leurs difficultés, leurs espoirs et leurs rêves. Une fois qu’elle connaît et qu’elle comprend tous ces aspects de la culture d’un peuple, alors elle peut entamer le dialogue du salut, elle peut offrir, respectueusement, mais avec clarté et conviction, la Bonne Nouvelle de la Rédemption à ceux qui veulent librement l’entendre et y répondre” (EA 21). L’inculturation, qui est l’insertion de la Parole dans une culture donnée, est une obligation pour la proclamation de l’Evangile. Les membres de l’Eglise doivent étudier avec respect les différentes cultures, telles qu’elles sont vécues dans des contextes pastoraux différents, être sensible aux groupes ethniques et tribaux. L’étude de l’anthropologie culturelle et de la psychologie ethnique aux niveaux diocésains ou régionaux serait d’une grande aide dans le domaine pastoral.

9. L’Eglise, par les services qu’elle propose, s’adresse à tous les hommes et à toutes les femmes sans distinction, en s’efforçant de créer avec eux une civilisation d’amour. Nos multiples services dans les domaines de l’éducation, de la santé et de l’élévation sociale, tout à fait hors de proportion avec notre effectif, sont grandement appréciés pour leur efficacité et pour leur excellence. Nous les évaluons souvent en termes de nombre et de statistique, mais il y a un autre élément au delà de tout chiffrage : le témoignage des valeurs évangéliques et de la présence divine. Tous ces services visent à faire comprendre l’amour passionné de Dieu notre Père, qui nous donne son précieux don, Jésus son Fils. Les membres de l’Eglise engagés dans ces institutions doivent recevoir une formation continue pour les réorienter vers une forme d’évangélisation efficace.

10. Les médias peuvent être un instrument puissant pour la proclamation de la Bonne Nouvelle. “Le travail des médias catholiques ne se ramène pas à un programme de plus dans le reste des activités de l’Eglise : la communication sociale a un rôle à jouer dans tous les aspects de la mission de l’Eglise” (AN 17). Les technologies de l’information moderne, comme Internet, sont de nouveaux forums pour annoncer l’Evangile, pour faire entendre notre voix sur les problèmes sociaux, les droits de l’homme et le droit des peuples. D’où la nécessité d’intégrer ces technologies et ces médias dans le ministère de l’Eglise, en améliorant les canaux actuels de communication que sont les circulaires, les périodiques, les sites Internet, etc., pour les rendre efficaces. Nous devons identifier et encourager les jeunes talents pour leur donner une carrière dans les médias. En particulier, les évêques, les prêtres, les religieux et les séminaristes “devraient acquérir une compréhension parfaite du fonctionnement de la communication sociale à différents niveaux, des homélies à l’usage des technologies modernes, en vue de l’évangélisation. Cela nécessite de suivre régulièrement des cours de formation” (FABC, Consultation sur l’évangélisation et la communication, Chennai, 1999).

11. Puisque la proclamation du Mystère du Christ est la mission première de tout chrétien, on doit prendre grand soin de donner une solide formation de la Foi à toute la communauté chrétienne et plus spécifiquement à différentes composantes de cette communauté.

11.1. La formation de toute la communauté : A tous les rassemblements de la communauté pour la prière et les sacrements, on devrait constamment rappeler à tous ses membres le devoir de la proclamation de Jésus-Christ le Sauveur, qui est le chemin, la vérité et la vie. Les fêtes saisonnières importantes, les célébrations dans les centres de pèlerinage, les réunions de prière, les réunions des communautés chrétiennes de base, les retraites, etc., sont autant d’occasions de pousser les croyants de la communauté à être des instruments efficaces de la proclamation. L’adoration eucharistique, qui est un témoignage de la foi de la communauté et une source de force formidable pour l’annonce de l’Evangile, doit être encouragée dans toutes les paroisses.

11.2. La formation des laïcs : La formation à la proclamation commence dans la famille, avec les enfants, auxquels il faudra communiquer le zèle évangélique. L’Eglise locale devra trouver l’occasion et donner des possibilités de formation aux laïques qui seront volontaires pour cette mission de proclamation. La recherche et l’identification, tout spécialement parmi les jeunes, des personnes adéquates, leur formation avec des moyens suffisants, doivent être partie intégrante des plans de l’Eglise locale dans le cadre de la formation des laïques à la proclamation.

11.3. La formation des prêtres dans les séminaires et dans les autres instituts de formation : préparer les futurs prêtres et religieux, qui sont intensément engagés dans la proclamation et leur inculquer une foi profonde en Jésus et l’amour de l’Eglise doivent être une priorité absolue. Le programme complet de leur formation – humaine, spirituel-le, pastorale et intellectuelle – doit être mené de telle façon qu’ils soient préparés à une vie de sainteté et d’engagement envers leurs frères. Cet engagement doit trouver son expression, pour des ministres remplis de l’Esprit, dans des manifestations telles que la proclamation de la Parole et le partage de la Bonne Nouvelle du Salut en Jésus-Christ. Les évêques et les supérieurs doivent faire preuve du plus grand soin dans le choix des formateurs. En plus d’une excellente culture, les formateurs devront être profondément empreints de la mission de salut de Jésus. Plus que des professeurs, ils doivent être d’authentiques témoins et des modèles pour ceux qu’ils forment. La Charte pour la formation des prêtres en Inde, approuvée par cette même Assemblée plénière, doit être soigneusement mise en pratique dans ce but.

Nous concluons : Les difficultés, les oppositions et même les persécutions ne doivent pas nous arrêter. Notre réponse est notre amour constant, la prière et un engagement plus grand encore au service de nos compatriotes, particulièrement les pauvres et les exclus. Nous nous rappelons les paroles du pape Jean-Paul II : “Finalement, c’est le martyr qui révèle au monde la véritable nature du message chrétien” (EA 49). Les oppositions nous pousseront à évangéliser de nouveau les chrétiens, à commencer par nous, les évêques, et à trouver de nouvelles voies d’évangélisation et de proclamation. Nous avons l’assurance du Christ à l’Ascension : “Je suis avec vous jusqu’à la fin des temps” (Mt 28,20). C’est l’assurance donnée précisément pour porter la Parole de Jésus et annoncer l’Evangile à toutes les nations. Nous reposant sur sa puissance et sur l’intercession de notre Mère Bénie, nous devons, comme nous le demande le Saint-Père dans Novo Millennio Ineunte ‘nous lancer en haute mer’ (Lc 5,4).

Abréviations

AN : Aetatis Novae (Conseil pontifical pour les communications sociales)

EA : Ecclesia in Asia (Jean-Paul II)

EN : Evangelii Nuntiandi (Paul VI)

DP : Dialogue et Proclamation (document commun publié par la Congrégation pour l’évangélisation des peuples et le Conseil pour le dialogue interreligieux)

RM : Redemptoris Missio (Jean-Paul II)

Directives CCBI : Directives pour le dialogue interreligieux (Commission pour le dialogue et l’ocuménisme de la CCBI)