Eglises d'Asie

Aceh : en dépit de la guerre, les quelques écoles et églises catholiques de la province n’ont pas fermé leurs portes

Publié le 18/03/2010




A Aceh, où la loi martiale a été décrétée le 18 mai dernier par la présidente Megawati Sukarnoputri et où les militaires indonésiens ont entamé des opérations de grande envergure afin de réduire à néant les forces armées du GAM, le mouvement séparatiste local (1), le P. Ferdinando Severi a déclaré le 23 mai, au téléphone, que les trois écoles et les quatre églises catholiques que compte cette province très majoritairement musulmane fonctionnaient normalement. Au sujet des écoles, la remarque du missionnaire italien est intéressante dans la mesure où, dès le déclenchement des hostilités, les écoles de la province ont été délibérément prises pour cibles et incendiées. A ce jour, près de 400 écoles, en grande partie publiques mais aussi des écoles coraniques privées, ont brûlé, les militaires indonésiens et le GAM démentant tour à tour toute responsabilité dans ces actes (2). “Nous avons peur mais les responsables des trois écoles catholiques ont apporté au (centre paroissial) tous les documents importants concernant leurs établissements, suivant ainsi l’appel des autorités locales qui ont demandé à toutes les écoles de mettre leurs documents en lieu sûr a précisé le P. Severi.

A part cette précaution, les écoles catholiques, qui accueillent 680 élèves au total – dont une moitié sont de confession musulmane et l’autre de confession catholique -, fonctionnent “normalement a ajouté le prêtre, les écoles comme les églises catholiques étant toutefois protégées par les forces de sécurité gouvernementales. Les établissements scolaires et les lieux de culte de l’Eglise sont situés à Banda Aceh, le chef-lieu de la province, ainsi que dans le sud et l’est de la province, des zones qui, selon les médias indonésiens, ont été jusqu’ici épargnées par les combats. A la date du 26 mai, on dénombrait un peu plus de soixante-dix morts, tombés principalement dans le nord et l’ouest d’Aceh où étaient concentrées les opérations militaires. Les militaires affirmaient avoir abattu 66 “rebelles” du GAM et perdu seulement cinq hommes dans leurs rangs. Le GAM annonçait avoir tué des dizaines de soldats et accusait les militaires de viser des civils, suggérant que la plupart des personnes tuées par l’armée étaient de simples villageois.

A mesure que les jours passent, a déclaré le P. Severi, la situation se dégrade, les moyens de transport étant paralysés. Outre les écoles incendiées, les camions transportant de la nourriture sont brûlés. Le manque de ravitaillement est déjà sensible ici et là. Pour répondre à cette situation, le P. Severi a appelé les quelque 500 catholiques de sa paroisse, l’unique paroisse catholique de la province, à ne pas fuir mais au contraire à rester sur place pour porter secours aux réfugiés. Des milliers de personnes ont d’ores et déjà quitté leurs habitations, gagnant les zones épargnées par les combats. “Je me suis rendu dans un camp de réfugiés de Banda Aceh. J’y ai apporté deux cent boîtes de lait en poudre pour nourrissons témoigne le missionnaire.

Sur l’issue des combats, le P. Severi ne se prononce pas mais il estime que l’écrasement en six mois de la rébellion, tel que cela a été annoncé par la présidente Megawati, paraît impossible, les hommes du GAM ayant pour eux de se déplacer chez eux, en terrain familier. Tout en espérant que les troupes du GAM se rendront aux militaires pour éviter que le sang soit versé, le P. Severi remarque que la rébellion continue de collecter les cartes d’identité des civils afin de rendre plus difficile l’identification de ses hommes par l’armée indonésienne. Dans un entretien publié par l’agence Fides, le P. Severi s’est dit très inquiet sur la suite des événements : “La rumeur circule que des secteurs corrompus de l’armée indonésienne apportent leur appui aux groupes rebelles pour boycotter les négociations et continuer la guerre, pour laquelle ils reçoivent de l’argent. En outre, la férocité avec laquelle les troupes indonésiennes ont agi dans le passé (en dévastant et en rasant des villages) est encore présente dans la mémoire des civils. Le commandement militaire a annoncé que, pour combattre les rebelles, il contraindra les villageois à se regrouper. On prévoit que plus de 100 000 personnes vont être déplacées à l’intérieur de la province.”