Eglises d'Asie – Inde
Après leur visite au Saint-Siège, les évêques syro-malabar s’inquiètent de voir des questions épineuses toujours sans solution
Publié le 18/03/2010
L’Eglise catholique en Inde comprend trois rites, latin, syro-malabar, syro-malankara. Le rite latin se conforme à la liturgie romaine introduite en Inde par les missionnaires à partir du XVe siècle, tandis que les autres suivent les traditions de l’Eglise syriaque et font remonter leur origine à Saint Thomas, l’apôtre. Ce sont les fidèles de rite romain qui sont les plus nombreux. Ceux de rite syro-malankara sont en petit nombre. L’Eglise syro-malabar compte quelque 3,8 millions de chrétiens, résidant pour la plus grande partie dans l’Etat du Kerala, Etat où se trouvent également la majorité de la communauté syro-malankara. Cependant, beaucoup de membres des deux Eglises orientales sont, depuis longtemps, allés s’établir en de nombreuses autres régions de l’Inde aussi bien que dans divers pays d’Europe, d’Amérique du Nord et du Golfe persique.
Au cours de leur récente visite au Saint-Siège, les évêques syro-malabar avaient donc décidé de soumettre au Saint-Siège leur désir d’étendre leur responsabilité pastorale aux membres de leur Eglise vivant en dehors de leur territoire canonique, en déléguant quelques-uns de leurs prêtres pour se charger d’eux. Ce problème, très délicat, sur lequel les Eglises romaine et orientales évitent de s’affronter trop directement, est plusieurs fois, dans le passé, venu à la surface, notamment en 1998, lors de la préparation et de la tenue du Synode des évêques pour l’Asie. Le Saint-Siège a, généralement, encouragé les évêques des deux rites à trouver une solution commune à ce problème. Cependant, a confié le cardinal Vithayathil, voilà trente ans que le problème est posé et qu’aucune solution acceptable pour les deux parties n’a été trouvée.
Il existe un seul cas de territoire “partagé”. En mai 1988, Jean-Paul II a créé le diocèse syro-malabar de Kalyan, seul diocèse à ce jour à partager son territoire avec des diocèses de rite latin (ceux de Bombay, de Pune et de Nashik), en dehors du Kerala. La création de ce diocèse n’a pas été sans difficulté et, en 1999, soit plus de dix ans après sa création, on a pu voir l’archevêque, latin, de Bombay, Mgr Ivan Dias, publier une lettre pour interdire à ses prêtres de présider des offices dans les centres syro-malabar (2).
Dans les discours qu’il a prononcés lors des deux audiences accordées successivement aux groupes des évêques syro-malabar et syro-malankara, le 13 mai 2003 (3), le pape n’a pas hésité à aborder la question controversée à plusieurs reprises. Il a rappelé que la pastorale des catholiques orientaux reste la responsabilité commune de la Conférence des évêques de rite latin et du Synode syro-malabar. En s’appuyant sur l’exhortation Ecclesia in Asia, prononcée à l’issue du Synode des évêques pour l’Asie, à New Delhi, il a également insisté sur le nécessaire dépassement des craintes et des incompréhensions qui apparaissent quelquefois entre les Eglises orientales et latines, ou à l’intérieur même des diverses Eglises, à propos de la prise en charge pastorale des fidèles lorsqu’ils sont sur un territoire étranger à celui de leurs Eglises. Il a fait l’éloge des efforts réalisés par les évêques syro-malabar pour résoudre ce problème et leur a demandé de continuer leur travail, en collaboration avec les évêques de rite latin et les dicastères du Vatican, pour garantir le soutien spirituel dû au peuple de Dieu et le strict respect des dispositions canoniques. Dans les recherches entreprises pour régler cette question, le pape a demandé que l’on fasse une stricte distinction entre travail d’évangélisation et pastorale des fidèles de rite oriental.
Dans ces mêmes discours, le pape a fait allusion à certaines divisions existant à l’intérieur de l’Eglise syro-malabar. Celles-ci opposent deux groupes, l’un plus respectueux des traditions anciennes de l’Eglise, l’autre plus soucieux d’adaptation aux temps modernes, et portent sur des questions de liturgie et d’administration ecclésiale. L’un des groupes réclame la célébration eucharistique face au peuple, tandis que l’autre refuse cette innovation. Le Synode syro-malabar a proposé une solution de compromis où le célébrant se tiendrait face au peuple au début et à la fin de la messe et face à l’autel le reste du temps, compromis qui a été refusé par six des vingt-six diocèses de l’Eglise. Le pape a demandé aux évêques de “garder avec grand soin ce trésor” (l’eucharistie) et de ne pas permettre qu’il devienne une source de division. Il a aussi souligné la nécessité de l’unité parmi les évêques, unité, a-t-il souligné, qui exige humilité et sacrifice.