Eglises d'Asie

Bornéo : dans la province de Kalimantan Ouest, où des affrontements interethniques sanglants ont eu lieu en 1999, des catholiques projettent d’édifier une statue géante du Christ-Roi

Publié le 18/03/2010




A Bornéo, dans la province de Kalimantan Ouest, des catholiques, regroupés dans une association de responsables locaux de l’administration, ont proposé de bâtir une statue géante du Christ-Roi. La statue, coulée dans le bronze et haute de 25 mètres, sera installée sur une colline surplombant le village de Pahauman, un point de passage situé à 175 km. à l’est de Pontianiak, chef-lieu de la province. Dans l’esprit de ses promoteurs, la statue a vocation à promouvoir la paix, et le lieu de son installation, situé dans le district de Landak, a été sélectionné à dessein, Landak ayant été le théâtre de sanglants affrontements entre Dayaks, les populations autochtones, et Madurais, immigrants venus de Madura, île surpeuplée située à proximité de la côte nord-est de Java. Entre février et mars 1999, plus de 600 personnes ont trouvé la mort dans ces heurts interethniques et, depuis cette date, la quasi-totalité des Madurais ont quitté la région (1).

Les violences du district de Landak en 1999 n’ont été qu’une des manifestations des conflits ethniques qui ont, ces dernières décennies, périodiquement endeuillé Bornéo, opposant des Madurais, musulmans, à des Dayaks, en partie chrétiens, et/ou à des Malais, musulmans. Entre 1967 et aujourd’hui, on dénombre douze principaux événements sanglants dans la province de Kalimantan Ouest ; dans le district de Landak, durant ces années, près de 3 000 personnes y ont trouvé la mort. A Bornéo, les dernières violences remontent à février 2001, dans la province de Kalimantan Centre (2). Dans ce contexte, Cornelis Djamin Indjah, chef du district de Landak et président de Solidarité démocratique catholique d’Indonésie, l’association qui a monté le projet de statue, déclare espérer que le monument “apportera la paix à tous, y compris aux non-catholiques”. Selon lui, les habitants de la région ont besoin d’être inspirés par des symboles religieux pour bâtir la paix. Expliquant que la statue sera visible de jour et de nuit grâce à un éclairage ad hoc, Cornelis Djamin Indhah ajoute qu’il espère que le monument jouera le rôle d’“un catalyseur pour redonner une image positive des Dayaks” et ainsi encourager les investisseurs à venir créer des emplois pour la population locale. Depuis les événements de 1999 et la fuite consécutive des Madurais, le district, de 485 000 habitants, est peuplé à 93 % par des catholiques, presque tous dayaks.

Le projet, évalué à 2 milliards de roupies (220 000 euros), a été présenté à l’archevêché de Pontianak, ses promoteurs souhaitant le voir cautionné par l’archevêque tout en s’engageant à le financer par eux-mêmes. D’origine dayak, Mgr Hieronymus Bumbun ne s’y est pas déclaré opposé, précisant toutefois que “la statue n’aura rien à voir avec l’évangélisation à Kalimantan. Elle sera là simplement pour rappeler aux gens l’importance de la paix, de la sécurité et de l’ordre fondés sur l’amour.” Selon Cornelis Djamin Indhah, l’évangélisation n’est pas l’objectif recherché, la présence de la statue se justifiant par le fait que le district de Landak est très majoritairement catholique. La statue sera la troisième plus haute statue du Christ-Roi dans le monde après celle de Rio de Janeiro, au Brésil, et celle de Dili, au Timor-Oriental (3).

Des réactions diverses ont accueilli le projet. Selon Ningwar Abdullah, musulman originaire de Madura et membre de la Chambre provinciale des Représentants, l’érection de la statue est bienvenue, personne ne sortant gagnant des conflits. “J’approuve toutes les initiatives porteuses d’un message moral pour la justice et la paix entre les hommes a-t-il déclaré. Pour le P. Yosep Willi Yacob, missionnaire capucin d’origine suisse et curé de paroisse à Ngabang, localité située à une quarantaine de kilomètres du lieu où sera érigée la statue, l’argent consacré à la construction de la statue serait mieux employé à bâtir de nouvelles églises.