Eglises d'Asie

Dans le Nord-Est de l’Inde, différentes Eglises chrétiennes s’efforcent de réconcilier deux ethnies minoritaires engagées dans un conflit sanglant

Publié le 18/03/2010




Dans le Nord-Est de l’Inde, la plupart des communautés chrétiennes locales se sont émues devant les heurts sanglants opposant deux minorités ethniques régionales, heurts qui se sont multipliés au cours de ces derniers mois. Elles ont décidé de prendre une part active dans la recherche de solutions susceptibles de ramener la paix en cette région troublée. Dans l’Etat de Tripura, au cours de la seule première semaine de mai, un groupe séparatiste recrutant ses membres au sein d’une minorité ethnique s’est manifesté en trois incidents distincts qui ont causé la mort de trente-trois Bengalis, originaires du pays voisin du Bangladesh. Dans l’Etat voisin d’Assam, quarante personnes parmi lesquelles se trouvait le fils d’un ministre de gouvernement ont trouvé la mort, depuis le 31 mars, dans les plus récentes manifestations d’un ancien conflit opposant les ethnies Dimasa et Hmar. Des centaines de familles ont perdu leurs domiciles après que les belligérants eurent incendié leurs villages.

La cause des hostilités entre ces deux ethnies est le désaccord qui les sépare en ce qui concerne leur avenir politique et le territoire revendiqué. La Dima Halam Daoga (‘L’armée des militants Dimasa’) exige une patrie indépendante et isolée. Par contre la Convention du Peuple Hmar s’oppose à cette revendication et accuse ses adversaires de vouloir procéder à une purification ethnique sur le territoire convoité, habité encore par d’autres ethnies comme les Naga et les Kuki. Les Dimasa, au nombre de 60 000 dans le district contesté, sont pour la plupart animistes. Les Hmar, estimés à quelque 11 200, sont aujourd’hui chrétiens pour la plupart.

Cette récente accumulation de violences a obligé les principales Eglises chrétiennes à sortir de la réserve relative où elles se tenaient jusqu’à présent. La première instance chrétienne à réagir a été l’Eglise presbytérienne de l’Inde qui est la principale dénomination à travailler dans la région. Dans un communiqué publié le 10 mai, l’Assemblée générale de l’Eglise protestante a affirmé que la haine sectaire était en train de menacer la fondation même de la société. Elle a mis en garde la population contre une violence qui créerait des irréparables dommages chez les générations futures si on la laissait se déchaîner sans limites. Le communiqué en appelait également aux pouvoirs publics leur demandant de prendre les mesures appropriées pour réprimer cette flambée de violence. Des vues analogues ont été rendues publiques par d’autres instances chrétiennes. Ainsi, le Conseil chrétien du Nord-Est de l’Inde, un regroupement de communautés protestantes, s’est réuni à ce sujet du 8 au 11 mai, à Aizawl, la capitale de l’Etat du Mizoram. Le communiqué publié à l’issue de la réunion affirme que la violence ne règle aucun problème et appelle tous les groupes chrétiens de l’Inde à prier pour la paix et l’harmonie dans le Nord-Est de l’Inde.

Du côté catholique, c’est dans le diocèse d’Agartala qui couvre tout le territoire de l’Etat de Tripura que se sont élevées les voix les plus fortes. Le P. Joseph Pulinthanath, porte-parole du diocèse, a déclaré que l’Eglise était déterminée à traiter franchement des problèmes opposant les groupes ethniques du diocèse. Un communiqué publié par lui à la mi-mai communiquait aux familles des victimes la compassion du diocèse et appelait tous ceux qui étaient engagés dans la violence à collaborer dans l’harmonie et la paix.

Quelques jours auparavant, le 25 avril, les dirigeants catholiques et protestants de l’Assam s’étaient rencontrés sur ce sujet à Guwahati, capitale commerciale de l’Assam, et avaient créé une commission d’enquête de huit membres chargée de négocier la paix entre les deux ethnies rivales. Trois prêtres catholiques en font partie. Dès le 1er mai, la commission a visité les régions touchées par les conflits. Après avoir procédé à une estimation générale de la situation elle a déjà proposé un certain nombre de moyens susceptibles de conduire les belligérants au dialogue. Ainsi, la commission a rencontré les dirigeants de l’ethnie Dimasa à Halflong, à 225 km. au nord-ouest de Aizawl, et a tenté de les convaincre de rencontrer la partie adverse au cours d’une session de négociation. Cependant, le 8 mai suivant, l’instance dirigeante de l’ethnie Dimasa a fait parvenir à la commission une réponse négative, les familles des victimes du conflit s’opposant à tout dialogue avec les membres de la minorité Hmar. Malgré ce premier échec, la commission poursuit ses efforts en vue de la pacification des esprits. Déjà un nouveau rendez-vous a été pris avec les dirigeants Dimasa pour poursuivre les négociations déjà amorcées.

La commission d’enquête, après avoir inspecté les villages affectés par la lutte entre les deux ethnies ainsi que les camps d’hébergements mis en place dans la région pour accueillir les victimes du conflit, a résolu de contribuer en partie à l’assistance des victimes dans le domaine des fournitures pharmaceutiques. Une rencontre avec le ministre-président de l’Etat est prévue pour le mois de juin.