Eglises d'Asie

La presse officielle exalte le sacrifice d’un religieux bouddhiste en 1963 et légitime la résistance du bouddhisme à cette époque

Publié le 18/03/2010




Un article paru dans l’organe du Parti communiste vietnamien, le Nhân Dân (1), a fait mention des cérémonies religieuses organisées pour commémorer le 40e anniversaire de l’immolation par le feu du vénérable Nguyên Quang Duc, le 11 juin 1963 (le 20 du quatrième mois de l’année Quy Mao) pour protester contre le régime du président Ngô Dinh Diêm. Une commémoration a été célébrée le 20 mai 2003 à la pagode An Quang de Hô Chi Minh-Ville, dont le quotidien du Parti donne le compte-rendu. Le ton et le contenu de l’article semblent indiquer que les autorités civiles, après avoir rendu la liberté de déplacement au vénérable Thich Huyên Quang, patriarche du bouddhisme unifié (2), font un nou-veau pas en avant pour se rapprocher de cette branche du bouddhisme qui se considère comme l’héri-tière du courant bouddhiste auquel appartenait le religieux ayant fait le sacrifice de sa vie en 1963.

L’article commence par rappeler qu’il y a quarante ans, le vénérable Nguyên Quang Duc s’était sacrifié pour le Dharma. Lors de sa mort en 1963, il occupait une position importante à l’intérieur de la sangha bouddhiste. Le quotidien du Parti généralise même les mérites du religieux en affirmant qu’à cette époque, le bouddhisme du sud s’était associé au mouvement de lutte contre les impérialistes américains, pour l’indépendance, la liberté et l’unification du pays. Le sacrifice du religieux dans une rue de Saigon aurait, selon le journal officiel, frappé des millions de ses compatriotes, religieux ou laïcs bouddhistes de tout le pays, et ainsi contribué à neutraliser les mains criminelles du régime en place à l’époque.

Ce n’est pas la première fois que les autorités communistes actuelles font allusion à cet épisode décisif de l’histoire de l’ancien Sud-Vietnam. Cependant, ce texte canonise en quelque sorte la position politique adoptée par une part des milieux bouddhistes de cette époque. C’est en 1963 qu’ils entrèrent en rébellion contre le régime du président Ngô Dinh Diêm, cependant sans doute pas pour les raisons énoncées par le quotidien du Parti aujourd’hui, mais pour des raisons internes à leur communauté. Ces faits douloureux sont très connus par ailleurs (3) ; ils ont laissé de profondes blessures chez beaucoup et ils divisent encore de nombreux Vietnamiens. Le premier heurt se produisit à Huê, le 8 mai 1963, pour la fête de l’anniversaire de la naissance de Bouddha, après l’interdiction par la police d’arborer les bannières bouddhistes. Dix mille fidèles se heurtèrent aux forces de police. Le 11 juin 1963, le vénérable Thich Quang Duc s’immolait par le feu, en signe de protestation. De nouvelles immolations de trois autres religieux et une religieuse eurent lieu au mois d’août. Le 20 août, le gouvernement proclamait la loi martiale et réprimait violemment le mouvement. Le coup d’Etat militaire qui causa la mort du président et mit un terme au régime fut d’une certaine façon la conséquence de cette crise.

Peu de temps après ces événements, du 21 décembre 1963 au 3 janvier 1964, se réunit le Congrès qui se proposait de réunir en une même association tous les courants du bouddhisme vietnamien. C’est à ce Congrès que, pour la première fois, les bouddhistes adoptaient le nom d’“Eglise”. La nouvelle association se nommait en effet “l’Eglise bouddhique unifiée du Vietnam Une nouvelle organisation très hiérarchisée était mise en place. Au sommet se tenait le Patriarcat suprême, “Tang Thông dont le premier titulaire fut le vénérable Thich Minh Khiêt. Au dessous se trouve l’Institut supérieur du clergé, “Viên Tang Thông composé de religieux ayant tous au moins trente ans de vie religieuse. Une autre instance, l’Institut pour la propagation du Dharma, “Viên Hoa Dao est l’assemblée représentative de toutes les branches et courants du bouddhisme en même temps que leur conseil exécutif.