Eglises d'Asie

L’Eglise apporte son soutien à la campagne visant à interdire l’usage, dans l’agriculture philippine, de semences génétiquement modifiées

Publié le 18/03/2010




Le 13 mai dernier, quatre personnes, dont un prêtre de l’Eglise catholique, qui ont entamé une grève de la faim le 22 avril dernier en campant aux portes du ministère philippin de l’Agriculture, à Quezon City, ont rejeté une demande du palais présidentiel les priant de mettre fin à leur mouvement par un geste de “bonne foi”. Roberto Verzola, un des quatre grévistes de la faim, qui est secrétaire général des Philippine Greens, une ONG locale, a répondu que c’était au gouvernement de “montrer sa bonne foi en ne répandant pas les semences de maïs ‘Bt'” tant que la science n’aura pas apporté la preuve de l’innocuité de cette semence, vendue par la firme américaine Monsanto et génétiquement modifiée pour résister à un parasite de cette céréale.

Les semences de maïs ‘Bt’ ont subi une modification génétique pour que la plante produise la protéine Bt (Bacillus thuringienis) afin de rendre la céréale plus performante en termes de rendement et plus résistante à ses parasites naturels. Monsanto, premier producteur de semences au monde, a introduit la nouvelle semence aux Philippines en 2000 par des tests conduits dans la province de Cotabato Sud, à Mindanao. Depuis, les tests ont été étendus et sont menés dans les provinces d’Isabela et de Pangasinan, dans la partie nord du pays. Bien que la plante obtenue à partir de la semence ‘Bt’ montre une bonne résistance aux parasites du maïs, les critiques de la nouvelle semence s’inquiètent des conséquences à terme de son introduction dans la nature. D’une part, indiquent-ils, les parasites peuvent développer à leur tour une résistance à la protéine qui les tient pour l’heure à distance de la céréale et, d’autre part, les pollens de la nouvelle céréale peuvent contaminer les variétés de maïs cultivées localement et mener à des développements imprévisibles.

Les quatre grévistes de la faim, qui n’absorbent que de l’eau et des jus de fruits, demandent au ministre de l’Agriculture, Luis Lorenzo Jr., d’ordonner l’arrachage des champs plantés de maïs ‘Bt’ et la révocation du permis accordé en décembre 2002 autorisant l’importation, la vente et la plantation de la semence en question. Selon Leonardo Montemayor, ministre de l’Agriculture à la date où le permis a été accordé, les autorisations accordées ont été prises “avec une hâte que rien ne justifiait” et sans qu’il soit consulté, contrairement à ce que prévoit la loi.

Le prêtre catholique engagé dans la grève de la faim est le P. Robert Reyes, curé de Notre Dame de la médaille miraculeuse, paroisse de Manille. Connu de longue date pour son engagement en faveur de diverses causes sociales, il s’est joint sans hésiter à ce combat aux implications tant environnementales qu’économiques et sociales. En février dernier, la Conférence épiscopale s’était manifestée sur le sujet. En collaboration avec le biochimiste Ho Mae-Wan, directeur de of Science in Society, basé à Londres, les évêques avaient écrit à la présidente Arroyo pour lui demander de retirer le permis accordé à la firme Monsanto. “En l’absence de facteur humain impératif, argumentaient les évêques, il n’y a pas de raison valable d’introduire à la hâte une nouvelle technologie non suffisamment testée tant que nous n’aurons pas la certitude de son utilité et de son innocuité.” Commentant la grève de la faim menée devant le ministère de l’Agriculture, grève de la faim imitée depuis par plusieurs centaines de paysans à travers le pays, l’évêque de Marbel, diocèse situé à Cotabato Sud, a déclaré que le jeûne devait être préféré à la grève de la faim pour manifester son désaccord avec la politique gouvernementale. Il a également ajouté que la présidente n’avait pas écouté la Conférence épiscopale sur ce dossier, sous-entendant que le gouvernement était plus sensible aux pressions américaines qu’à celles de l’Eglise.