Eglises d'Asie

Mindanao : un message du MILF au président de la Conférence épiscopale est considéré par les évêques comme un pas en avant positif vers la paix

Publié le 18/03/2010




Le 20 mai dernier, Mgr Orlando Quevedo, archevêque de Cotabato et président de la Conférence des évêques catholiques des Philippines, a déclaré que le message qu’il a reçu du Front moro de libération islamique (MILF) en date du 9 mai était “de la plus haute importance”. Selon lui, le message, signé de Mohammad Nur, chef de cabinet de Salamat Hashim, président du MILF, offrait aux évêques un espoir que les négociations entre le mouvement rebelle musulman et le gouvernement reprennent. “Dans le contexte actuel, ce qui est le plus urgent est d’arrêter les dommages collatéraux” de la guerre relancée depuis le 11 février dernier, a affirmé Mgr Quevedo. Le 11 février renvoie à l’assaut lancé par l’armée philippine sur le camp du MILF à Buliok, situé dans la province de Cotabato, au centre de Mindanao. Depuis cette date, les opérations militaires et les attentats se sont multipliés dans la province, causant la mort de plusieurs dizaines de personnes et le déplacement de plusieurs dizaines de milliers de réfugiés.

Le message du chef du cabinet du MILF vient en réponse à la “Lettre ouverte” publiée par le Conseil permanent de la Conférence épiscopale à l’attention de la présidente Arroyo et de Salamat Hashim (1). La lettre des évêques appelait les deux responsables à déclarer un cessez-le-feu à Mindanao pour rouvrir les négociations. “Pleinement en accord avec les évêques” sur le fait que la fin du conflit à Mindanao passe par une prise en compte de ses racines historiques et socio-économiques, Mohammad Nur écrit que “oui, il est tout à fait possible” qu’un cessez-le-feu soit conclu en dépit des récents affrontements car “nous restons pleinement acquis à l’idée de mener des pourparlers de paix sincères”. Le MILF, poursuit Mohammad Nur, déteste et condamne le terrorisme et “porte le deuil des victimes civiles innocentes rappelant la mort de civils musulmans en 2000 lors du bombardement par l’armée de villages situés dans le camp Abubakar, camp du MILF situé dans la province de Maguindanao. Les attaques du mois d’avril dernier et de ce mois de mai que le MILF a lancées à Maigo et Siocon ont été dictées par la nécessité pour le MILF de se défendre des assauts de l’armée gouvernementale contre lui, assure encore Mohammad Nur, déplorant la mort de civils comme autant de “dommages collatéraux”.

Commentant la lettre de Mohammad Nur, Mgr Quevedo a demandé tant au MILF qu’à la présidente Arroyo de “saisir le moment” pour appeler au cessez-le-feu et l’appliquer. Selon le président de la Conférence épiscopale, Gloria Arroyo est consciente du fait que le MILF n’est pas un mouvement monolithique. “Avez-vous remarqué que (la présidente) a toujours pris soin de ne pas mettre en cause directement le MILF ? a expliqué Mgr Quevedo, rappelant que, si la présidente a suspendu les négociations prévues les 9, 10 et 11 mai entre son gouvernement et le MILF en Malaisie, elle a donné l’ordre, le 17 mai dernier, d’agir de façon “sélective” contre “des cellules terroristes pas contre le MILF en tant que tel. Renvoyant à une “troisième force” mentionnée au lendemain de l’attentat meurtrier commis le 4 mars dernier à l’aéroport de Davao (2), Mgr Quevedo a précisé que, selon lui, ces cellules terroristes sont “incrustées” au sein du MILF mais ont échappé au contrôle de Salamat Hashim.

Allant plus loin dans son explication, Mgr Quevedo a révélé que les contacts que l’Eglise a à l’intérieur du mouvement musulman se plaignent d’une “faction fortement radicalisée” présente au sein du MILF, faction que ces contacts comparent à des “chiens fous” incrustés au sein des forces armées philippines. Ces contacts se plaindraient du fait que les éléments incontrôlés du MILF mèneraient des “actions non islamiques”. Bien que les médias fassent état d’une “guerre totale” menée par l’armée contre le MILF, Mgr Quevedo estime que les militaires “pourraient en fait viser certains groupes particuliers du MILF”. Dans ce contexte, la guerre pourrait ne pas durer à Mindanao, pour autant que le MILF, outre le fait de faire preuve de bonne volonté pour rouvrir les négociations, parvient “à reprendre le contrôle sur certains de ses dirigeants égarés pour les ramener dans la ligne politique du Front”.